Euro 08 – Les Allemands à grands coups de pieds
Ca y'est les Allemands sont de retour. Efficaces, chirurgicaux sur coups de pied arrêtés et sereins dans les derniers instants, ils se sont enfin montrés fidèles à l'héritage des Brehme, Matthäus, Rummenigge...Le Portugal, pas assez rigoureux, a laissé passé sa chance au terme d'une opposition de styles réjouissante.
Au coup d’envoi, tout donnait le Portugal gagnant. Demi-finalistes en 2000, finalistes en 2004, avec un Ronaldo désormais buteur (31 buts cette année, contre 9 avant la Coupe du Monde, par exemple, ce qui constituait tout de même son meilleur total à ce moment).
De l’autre côté une équipe que l’on voyait forte avant le coup d’envoi de la compétition. Mais sans imagination, sans convitcion lors de son premier test raté face à la Croatie, on la donnait pour morte. Depuis 1996, l’Allemagne, l’adversaire que tout le monde voulait éviter par le passé, n’avait pas franchi le premier tour de l’Euro.
Jeudi soir à Bâle, l’efficacité allemande est revenue sur ce qui a toujours fait sa force et qui constituait le point faible de son adversaire : les coups de pieds arrêtés. Tout d’abord, un maître coup franc botté par Bastian Schweinsteiger et une tête d’un Klose libéré de tout marquage par la défense portugaise donnait un break d’avance à l’Allemagne à la 26e minute. Puis, Schweini remettait le couvert, et Ballack s’appuyait sur Ferreira pour mieux s’envoler et crucifier un Ricardo aux fraises. 3-1 à la 61e.
Au terme du match, Scolari relevait que la légère poussée de Ballack aurait dû être sanctionnée. Il aurait aussi pu pour la défense de son équipe présenter la feuille de statistiques : 22 tirs à 11, huit corners à trois. En revanche, sur la ligne la plus importante, celle des tirs cadrés, l’écart se resserrait : 6 contre 5 en faveur du Portugal.
Une Allemagne enfin traditionnelle
Les hommes de Scolari, portés par un Deco exceptionnel, au jeu de corps absolument déroutant, mais avec un Ronaldo en demi-teinte, auraient tout aussi bien pu remporter ce superbe match, mais une équipe aussi talentueuse soit-elle – « la meilleure du tournoi » pour Schweinsteiger, qui voulait aussi sans doute faire mousser la victoire des siens – ne peut faire de sa surface de réparation une zone libre face à un adversaire dont l’avantage de taille et la qualité du jeu de tête faisaient office d’arguments majeurs.
Les Allemands en étaient d’ailleurs conscients et les coups de pieds arrêtés avaient été soigneusement préparés en amont, comme le confia après le match Hans-Dieter Flick,
doublure du banni Joachim Löw. Un Flick fidèle au dress-code de son supérieur : chemise blanche portée près du corps.
Devant le premier tour laborieux de la Mannschaft, Löw et Flick avaient concocté une nouvelle formule, qui devrait être reconduite en demies vu la cohérence dégagée par l’équipe allemande ce soir. Klose en pointe, Gomez sur le banc, et surtout Schweinsteiger, l’homme du match, dans le couloir gauche, et Podolski à droite, pour que les couloirs s’animent enfin, mais aussi pour couper le chemin aux ailiers portugais (Simao et Ronaldo, ce dernier replacé dans l’axe à 3-1).
Non content d’avoir donné deux passes décisives, Schweini, le plus portugais des Allemands dans le style, avait auparavant conclu un admirable mouvement : Podolski trouvait Ballack, qui le lançait comme un train dans son couloir d’une merveille d’extérieur, centre survitaminé de l’homme qui se réveille tous les deux ans, et Schweinsteiger, pour couper au premier poteau et secouer énergiquement les filets.
En termes de beaux mouvements, le Portugal a au moins fait jeu égal avec ses adversaires. Sur son premier but, Deco transperçait l’entre jeu allemand, glissait la balle à Simao, qui d’un superbe renversement trouvait Ronaldo à gauche. Le n°7 déclenchait sa frappe trop rapidement pour le défenseur allemand et le gant de Lehmann prenait à rebours ses défenseurs, mais pas Nuno Gomes.
Ce soir, les n°9 portugais ont enfin justifié leur numéro en marquant. C’est même l’improbable Hélder Postiga qui entretint l’espoir à la 87e en reprenant un centre de Nani, qui avait auparavant enrhumé tout le couloir droit de la défense allemande.
Il restait cinq grosses minutes à tenir pour la Mannschaft, qu’elle négociait parfaitement en profitant du manque de lucidité de Portugais trop pressés d’avancer pour construire à terre, et trop généreux en longs ballons dont se régalaient les deux armoires normandes Mertesacker et Metzelder, et le rentrant (73e), Tim Borowski.
Dans le peau du favori du match, voire de l’épreuve, le Portugal a failli, l’Allemagne a, elle, enfin été fidèle à son histoire, qu’elle bafouait depuis une dizaine d’années. Au prochain tour, Schweinsteiger veut la Croatie pour une revanche. Cette fois, il devrait commencer titulaire. Pour le bien de l’Allemagne et des amateurs de football.
Par Thomas Goubin, envoyé spécial à Bâle
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