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En Liga, du racisme, mais aucun coupable

Par Anna Carreau

Pointée du doigt par presque tous les acteurs du football espagnol après l’énième cas d’insultes racistes visant Vinicius survenu ce dimanche à Valence, LaLiga fait figure de coupable parfait. Sauf que l'instance gérant le football professionnel espagnol ne peut pas tout faire et qu'elle n'est vraiment pas aidée.

En Liga, du racisme, mais aucun coupable

Depuis dimanche dernier et une nouvelle séquence inadmissible où Vinicius a encore été victime d’insultes racistes dans un stade espagnol, toute l’Espagne assure lutter contre cette discrimination. Même Marca, qui publiait ce mardi en Une « Il ne suffit pas de ne pas être raciste, il faut être antiraciste ». Le même média qui, le soir même de l’incident à Mestalla, publiait un genre d’édito de mauvais goût disant grosso modo « okay Vinicius est victime de racisme, mais il a un comportement pas ouf sur le terrain ». Et tous tombent bien facilement sur une entité : LaLiga. Équivalent de notre LFP locale, l’institution dirigée par Javier Tebas fait souvent débat et est au cœur d’un conflit à peine voilé avec les deux géants du championnat : le FC Barcelone et… le Real Madrid. Alors évidemment quand, excédé par cet épisode de trop, Vinicius s’en est pris à la LaLiga sur ses réseaux sociaux, le sulfureux patron du football professionnel espagnol est monté sur ses grands chevaux. Réussissant à faire de sa réponse au Brésilien un exemple même de ce qu’il ne faut pas faire.

Tebas : grande gueule, petit pouvoir en la matière

« Puisque ceux qui devraient le faire ne vous expliquent pas ce qu’est et ce que peut faire LaLiga en cas de racisme, nous avons essayé de vous l’expliquer, mais vous ne vous êtes présenté à aucune des deux réunions convenues que vous avez vous-même demandées. Avant de critiquer et d’insulter LaLiga, vous devez vous informer correctement, Vinicius. Ne vous laissez pas manipuler et assurez-vous de comprendre les compétences de chacun et le travail que nous avons fait ensemble », tacle Javier Tebas en oubliant visiblement de condamner le racisme subi par l’attaquant brésilien et de lui adresser, pourquoi pas, un petit message de soutien. L’heure était plutôt au règlement de compte à distance avec le Real Madrid, qui s’était jusqu’ici contenté de communiqués tardifs pour dénoncer le racisme que subit continuellement sa star. Mais tous demandent que davantage soit fait pour lutter contre un racisme quasi endémique, tant Vinicius semble être pris à partie lors de chacun des déplacements des Merengues en Liga. C’est d’ailleurs pour cette raison que le joueur de 22 ans s’en prend au championnat espagnol : lorsqu’il se déplace aux quatre coins du monde pour la Ligue des champions ou des matchs avec la Seleção, il n’est pratiquement jamais victime de racisme.

Sauf en Liga donc (ou en Espagne globalement). Et s’il faut reconnaître que la communication de Javier Tebas laisse à désirer (pour le dire poliment), il est malheureusement trop dans le vrai quand il répète à qui veut l’entendre que LaLiga a fait son travail. En effet, les compétences de la LFP espagnole se limitent à « détecter et signaler » ces faits discriminatoires aux autorités compétentes – soit en Espagne à la Commission des compétitions de la fédération espagnole et à la Commission étatique de lutte contre la violence, le racisme, la xénophobie et l’intolérance dans le sport. Ces deux instances sont ensuite chargées d’évaluer les dossiers, la première jugeant de l’aspect sportif, la seconde du judiciaire. Mais ni l’une ni l’autre ne peut sanctionner seule les agissements et doit en référer ensuite aux délégations gouvernementales correspondantes, chez qui bien souvent les plaintes s’empilent et tardent à être traitées. En cas d’insultes « susceptibles d’être qualifiées comme crime de haine », LaLiga explique dans un communiqué paru ce mardi qu’elle court-circuite ce processus pour faire appel directement au ministère public chargé de la lutte contre la haine (la Fiscalía de Odio en VO). L’instance déplore en revanche que « ces plaintes soient déposées sans même parvenir aux tribunaux, ou que les parquets anti-haine de chaque région n’aient pas de critère uniforme pour qualifier ces actes ».

« Vinicius a probablement plus raison que nous ne le pensons »

Ce à quoi elle ajoute une compilation des meilleures excuses utilisées par les tribunaux régionaux pour classer sans suite les plaintes émises par LaLiga. Florilège : « après l’étude des réseaux sociaux de l’individu, il semblerait qu’il n’avait pas l’intention d’inciter au racisme », « aucune identification possible des auteurs des actes » malgré les vidéos, « des expressions nauséabondes, mais dont le délit n’est pas suffisamment caractérisé », « des allusions désobligeantes, mais marquées par la rivalité », « des chants qui n’ont été répétés que deux fois pendant quelques secondes »… Au total, Javier Tebas et ses acolytes ont déposé pas moins de dix plaintes pour des insultes visant Vinicius – quatre autres visant Iñaki Williams, son frère Nico (Bilbao), Carlos Akapo (ex-Cadix) et Samu Chukwueze (Villarreal). Sur les dix visant le Brésilien, trois, dont celle pour les chants racistes repris à pleins poumons par des dizaines supporters de l’Atlético devant le Metropolitano, ont été classées sans suite. D’autres sont toujours « en cours de résolution », certaines ayant mené pour l’instant à des propositions de sanctions de la part de la Commission étatique anti-violence à la suite de l’identification des coupables et à des suspensions d’abonnements par les clubs (à Majorque et à Valladolid). Parmi les neuf plaintes précédant celle de Valence ce week-end, une a donné lieu à des arrestations de la police nationale : celle datant de fin janvier pour avoir pendu une poupée avec un maillot de Vinicius sur un pont près du centre d’entraînement du Real Madrid, où quatre supporters de l’Atlético ont été interpellés ce mardi.

Trop peu pour LaLiga qui demande formellement ce mardi « plus de pouvoirs de sanction » afin d’être « plus efficace dans la lutte contre la violence, le racisme, la xénophobie et l’intolérance dans le sport. LaLiga ressent une grande frustration face à l’absence de sanctions et de condamnations de la part des organes disciplinaires sportifs, des administrations publiques et des organes juridictionnels saisis de plaintes. » Un triste constat que Javier Tebas partage avec son ennemi juré, Luis Rubiales, président de la fédération espagnole. Alors que le patron de LaLiga, dont le passé de militant d’extrême droite refait surface, avait répondu à Vinicius que « ni l’Espagne, ni la Liga ne sont racistes », le boss de la RFEF prend lui un malin plaisir à se positionner à contre-pied en affirmant que l’Espagne a « un problème de comportement, d’éducation, de racisme ». « Vinicius a probablement plus raison que nous ne le pensons », a-t-il conclu en taclant le « comportement irresponsable du président de LaLiga ». « Ce footballeur venait de se faire sérieusement attaquer, ce n’était pas le moment (de l’insulter). Les dirigeants sont là pour résoudre les problèmes », dit-il après avoir lui-même mis le feu aux poudres.

Campagnes politiques

Après une bataille de communiqués incessants, où chacun, y compris le Conseil supérieur des sports, équivalent de notre ministère des Sports, rappelle qu’il lutte de toutes ses forces contre le racisme et qu’il fait tout ce qu’il peut pour sanctionner ces actes, reste une question : comment vraiment faire changer les choses en Espagne ? À quand un protocole clair et efficace en cas de racisme ? Qui de la fédération ou de LaLiga doit se voir attribuer des pouvoirs disciplinaires afin de réellement sanctionner rapidement ces faits répétés de racisme ? Dans ce football espagnol où chacun prêche pour sa paroisse, la lutte contre le racisme semble servir d’alibi pour étendre sa sphère d’influence plus loin que celle du voisin avec qui on est en conflit. Et pas vraiment pour lutter efficacement contre le racisme. Pour Florentino Pérez par exemple, qui ne s’était jusqu’ici jamais exprimé publiquement pour sanctionner le racisme malgré les nombreux incidents ayant émaillé la saison madrilène, le problème viendrait de l’arbitrage, qui « tient pour responsable la victime du crime ». Invité par la mairie de Madrid pour fêter le titre de sa section basket en Euroligue, le président merengue profite de la tribune offerte par le maire du parti très droitier PP en pleines élections municipales espagnoles pour demander « un changement structurel de l’arbitrage espagnol ». Menant, au même titre que son vis-à-vis, une campagne politique avec récupérations afin de faire entendre ses revendications pour sa « bataille prioritaire » (dixit Marca) contre le système arbitral de la fédération.

Au milieu de tout ce brouhaha médiatico-politique, il y a un coach, Carlo Ancelotti, qui pour la seconde fois en 48 heures, a consacré l’entièreté de sa conférence de presse à parler de racisme. Parfois pas très à l’aise en début de saison lorsqu’il était interrogé sur le caractère « raciste » des injures que recevait son numéro 20, Carletto estime que cet épisode à Mestalla est « le bon moment pour prendre des mesures drastiques ». « J’en appelle ici à la fédération et à la Liga, à l’intelligence des supporters de foot. C’est bien beau de condamner, mais ce n’est pas suffisant. Je veux de l’action. Et cela n’a pas encore été fait. Il y a des pays où l’on ne vous insulte pas, comme en Angleterre. Ils ont réglé le problème il y a longtemps », cite en exemple l’entraîneur du Real Madrid. Sauf que de l’autre côte de la Manche, clubs, ligue, fédération (la fameuse FA), police et justice marchent main dans la main pour dénoncer et condamner (vraiment, pas seulement dans des communiqués) les auteurs de comportements racistes ou discriminatoires. Tout l’inverse du football espagnol.

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