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En finir avec le Ballon d’Or…

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En finir avec le Ballon d’Or…

Comme prévu depuis le 28 mai dernier et le sacre romain du Barça, Lionel Messi est le cinquante-quatrième Ballon d'Or. Comme d'habitude, il renvoie aux mêmes questionnements. Pourquoi donc ne pas revoir une fois pour toutes la copie et révolutionner de fond en comble l'organisation même du trophée de France Football ? Chiche...

A peine le Ballon d’or au pied du sapin de Lionel Messi, que déjà les conjectures pour l’année prochaine vont bon train. Désormais le bihebdomadaire markette son inestimable trophée “à l’année”. Compiles DVD, hors-séries, bouquins luxueux, liste des trente, promo télé, fête anniversaire, liste des dix, promo télé, partenariats variés et remise du trophée en… chromo télé.

Paradoxalement, si la notoriété de la statuette n’a cessé de croître, les ventes du magazine ont baissé dangereusement. L’arrivée de “L’Equipe du dimanche” au début des années 90, l’explosion d’Internet et la multiplication des chaînes sportives ont plus qu’entamé son contenu éditorial. A quoi bon lire le mardi ce qu’on a déjà vu le dimanche ? Du coup, le groupe Amaury bichonne son précieux trésor et lui confère une envergure mondiale. Depuis 1995, les joueurs non-européens peuvent postuler. Mieux : à partir de 2007, le Ballon d’Or a récompensé le meilleur joueur du monde, quelle que soit sa nationalité, quel que soit le club au sein duquel il évolue.

Chauvinisme et calculs

Le jury, voilà bien où le bat blesse. Jusqu’à la fin des années 80, on se demande bien comment les jurés (des journalistes pour l’essentiel) votent. Á partir des matchs qu’ils voient dans le cadre de leur métier ou à la télé probablement. Autant dire sur pas grand chose. En ces temps-là, mythes et réputations se façonnent à l’ancienne, à l’oral. Et depuis John Ford, on sait que « lorsque la légende dépasse la réalité, on imprime la légende » . On ne prête qu’aux riches et les doublés –Di Stefano, Beckenbauer, Keegan, Rummenigge– comme les triplés (Cruyff, Platini), s’ils affluent, ne sont pas toujours mérités. Depuis van Basten en 1992, seul Ronaldo (97, 02) a réussi à renouveler le bail.

Si l’arrivée des chaînes privées, puis celles du câble et du satellite, a permis une meilleure lisibilité, on est souvent stupéfait par le choix de certains jurés. Souvenons-nous du vote bloqué, façon bureau politique du PC albanais des grandes années, des jurés de l’Est lors des sacres de Nedved et Shevchenko ou Youri Djorkaeff, presque toujours cité par le décideur arménien ! Cette année, au choix, les quinze points d’Henry, les deux premières places d’Eto’o ou même le suffrage de Yaya Touré paraissent appartenir à la grande tradition dadaïste. Au-delà de la subjectivité inhérente au jeu, ce sont le chauvinisme, l’incompétence ou les calculs politiques (genre faire plaisir à l’employeur français) qui semblent caractériser un certain nombre (certes pas la majorité) desdits jurés.

Au bon endroit, la bonne saison

Les critères de sélection, variables et pas toujours très clairs, posent également problème. Comment, par exemple, Paolo Rossi peut-il remporter le fameux Ballon en 1982 en ne jouant que quatre matchs significatifs lors du Mondial espagnol alors que Zidane (bien meilleur qu’en 1998) se voit priver du cru 2000 alors qu’il a survolé l’Euro à cause d’une expulsion stupide, certes médiatisée, de fin d’année ? Comment, encore, Ronaldo (le vrai, celui qui bâfre des empanadas) peut-il remporter celui de 2002 grâce à quelques buts propices dans un tournoi unanimement considéré comme faiblard, alors qu’on ne l’a pas vu de l’année ? Pendant ce temps-là, son coéquipier Roberto Carlos ne gagnait, outre la Coupe du Monde, que la Champion’s et la Liga.
L’était juste défenseur. Mort au champ d’honneur comme Baresi, Maldini, Blanc, Redondo et tant d’autres, de ne pas être nés du bon côté du rond central. Aujourd’hui, Yachine n’aurait aucune chance d’être le lauréat. Sauf accident industriel type Sammer en 1996 ou Cannavaro en 2006. Tomber au bon moment, comme c’est arrivé à Law (64), à Blokhine (75), à Weah (95), à Cannavaro (99), d’excellents joueurs pour de petits crus. Voire carrément des étoiles filantes qui surent profiter de la bonne combinaison des astres comme Belanov (86), Papin (91), Owen (01). Le Ballon d’or c’est aussi parfois comme le Goncourt ou la Palme d’or à Cannes, un mix savant de talent (quand même), de petits arrangements entre amis et de cul bordé de tagliatelles. A côté d’Owen ou de Belanov, il y aussi ceux comme Raul ou Henry qui ont tourné maintes fois autour sans jamais décrocher la timbale et pour qui c’est trop tard.

La poule aux Oeufs d’Or

Des maudits à bien y regarder, on risque d’en compter dans la liste des dix de cette année. Outre ceux qui l’ont déjà en magasin (Kaka, Ronaldo et Messi), on peut considérer que, sauf miracle, il est déjà trop tard pour Eto’o et Drogba ; qu’Iniesta et Xavi n’ont hélas, sauf miracle, pas le profil idéal, pas assez buteurs, pas assez glamour, tout ça (et c’est une hérésie tant les deux auraient fait de magnifiques lauréats) ; Ibra et Rooney, en revanche, pourraient être les prochains au palmarès ; reste Gerrard qui symbolise à lui seul toutes les contradictions de l’histoire : qui mieux que Steven-le-Rouge représente le mieux le football des années 2000, qui est plus COMPLET ? Personne. Il a 29 ans et bientôt, il sera comme Eto’o et Henry. Trop vieux.

Formidable invention, le Ballon d’Or représente à merveille l’époque, c’est l’une des trois récompenses individuelles les plus célèbres du monde (avec le classement FIFA et le MVP de la NBA), elle consacre le meilleur joueur du monde dans le sport le plus universel qui soit. Le plus individualiste des sports collectifs aussi. Mais ces règles doivent changer. Le jury doit changer également. Le classement FIFA (qui date de 1991) donne la parole, lui, aux capitaines et aux coachs des sélections nationales, ce n’est pas forcément un meilleur gage de bon goût (suivez notre regard). Ces cinq dernières années, il a sacré les cinq mêmes lauréats que le Ballon d’or. Auparavant, il avait quand même eu la bonne (?) idée de célébrer six fois Ronaldo (celui qui mange aussi de la tortilla) et Zidane (trois fois chacun) entre 1996 et 2003.

Non, le big deal, ce serait qu’Amaury Sports fasse comme L’Equipe avait fait pour les coupes d’Europe : passer la main et confier l’affaire à une organisation indépendante avec des critères clairs et nets et surtout avec un jury international indiscutable. C’est évidemment un vœu pieu puisque cela reviendrait à tuer la poule aux œufs d’or… mais quand même…

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