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Élimination de l’Allemagne : la revue de presse

Par Andrea Chazy, Steven Oliveira et Julien Duez
8 minutes
Élimination de l’Allemagne : la revue de presse

Un choc. Pire : une désillusion. L’élimination survenue après la défaite face à la Corée a plongé l’Allemagne dans une stupeur qu’elle n’avait pas connue depuis longtemps. Pour le public, il est temps de faire face à la réalité : non, la Nationalmannschaft n’est plus un mastodonte inarrêtable. Le cycle entamé par Joachim Löw en 2006 est arrivé à son terme, et il faut tout reconstruire. Pour que la phrase de Gary Lineker puisse résonner à nouveau. Revue de presse.

Allemagne

Sa Une était attendue. Le tabloïd Bild, premier quotidien d’Allemagne, n’a pas failli en utilisant, en guise de titre choc, les mêmes termes que ceux qui avaient suivi la victoire 7-1 face au Brésil en 2014 : « Ohne Worte » . « Sans mots » , en VF. Deux termes qui résument à eux seuls une pensée : comment a-t-on pu en arriver là ?

À défaut d’analyser des matchs dont il n’y a pas grand-chose à retenir sur le plan sportif, la presse allemande a rivalisé d’originalité lexicale pour traduire le sentiment qui s’est abattu sur le pays. « Nous pleurons la mort de Schland » (le surnom donné par la liesse populaire au pays dans les compétitions sportives), titrait ainsi le Berliner Kurier. Plus cynique, BZ, un tabloïd de la capitale, osait un jeu de mots en référence au brûlot Deutschland schafft sich ab ( « L’Allemagne se supprime elle-même » ) publié par l’économiste Thilo Sarrazin en 2010 : « Die Mannschaft sich ab » (que l’on peut traduire par « L’équipe se saborde » en français). Quant au mensuel 11Freunde, qui publie un cahier quotidien dans le Tagesspiegel le temps du Mondial, il reprend la devise officielle de la Nationalmannschaft : #ZSMMN ( « #ensemble » , mais sans les consonnes) pour le transformer en #ZSMMNBRCH. En français, « l’effondrement » , ou « la rupture » . Autant de couvertures qui sonnent le glas d’une époque révolue.

Cette élimination précoce de l’Allemagne devrait en effet marquer la fin d’une génération dorée. Celle qui a remporté la Coupe du monde en 2014, mais qui a été également demi-finaliste en 2010 en Afrique du Sud ou dans le dernier carré aux Euros 2012 et 2016. Pour le Stern, des joueurs comme Mario Gómez (32 ans) et Sami Khedira (31) « ne sont, au vu de leur âge, pas vraiment ceux vers qui il faut regarder pour une reconstruction » . Le Kölner-Stadt Anzeiger va même plus loin en considérant que Gómez, Khedira, Özil et Kroos « resteront à jamais les champions du monde 2014, mais n’ont plus d’avenir en équipe nationale. Du moins ne doivent-ils plus en avoir » . À voir si ces messieurs seront accompagnés par Thomas Müller, voire par Manuel Neuer. Même si les deux joueurs du Bayern Munich sont encore réticents à prendre leur retraite – très certainement parce qu’ils ont l’Euro 2020 en ligne de mire.

Il n’y a pas que les joueurs dont la tête est demandée : il y a aussi celle du sélectionneur. Certes, la Mannschaft a connu une belle phase de qualification (dix matchs, dix victoires) et la victoire en Coupe des confédérations l’année passée, comme le rappelle le Berliner Kurier. Seulement, « après six mois de matchs amicaux et une seule victoire, difficile, contre l’Arabie saoudite, Löw n’a pas réussi à tirer le signal d’alarme. Il n’a pas réussi à convaincre ses joueurs que la situation était critique. D’où ces trois matchs sans saveur » , analyse le quotidien berlinois. Après douze ans de règne, le dixième Bundestrainer (en 110 ans d’histoire) doit penser à laisser sa place. « Par le passé, Joachim Löw a montré qu’il était capable de se réinventer après un revers. Il aurait eu besoin de cette capacité en Russie, écrit le Tagesspiegel. Et même s’il a prolongé jusqu’en 2022, il est exclu qu’il continue. La seule chose qui parle en faveur de Löw, c’est qu’il n’y a personne (a priori) qui serait en mesure de le remplacer à l’heure actuelle. Mais cela ne doit pas être un argument qui doit jouer en sa faveur. » Continuera, continuera pas ? La question est sur beaucoup de lèvres.


Angleterre

L’Angleterre n’est pas non plus en reste. Et ce, même si sa sélection joue ce soir un choc face à la Belgique. Le tabloïd The Sun, qui a très certainement inspiré Jean-Luc Mélenchon, est fou de joie et titre « Schadenfreude » ( « Jubilation » en allemand) avec la définition du dictionnaire qui l’accompagne. Le Daily Telegraph revient comme d’autres sur « une élimination historique » , pendant que Metro préfère tacler en s’attardant sur la descente aux enfers depuis le sacre en 2014 via un simple « De champions à crétins » . Plus sérieux, le Guardianconstate au réveil que « l’Allemagne, abattue, s’est écrasée » . Preuve de la résonance de cet échec, même la photo de couverture du Times est à l’effigie du « match des pleurs » qui « laisse les fans allemands éperdus » . Avec l’espoir que leurs Three Lions leur fassent connaître ce sort le plus tard possible.


Italie

Au lendemain de l’élimination allemande, les quotidiens sportifs italiens présentent presque tous une Une avec les déboires de leurs meilleurs ennemis allemands. « Default Germania » , titre laconiquement la Gazzetta dello Sport, qui évoque sans détour « une fin de cycle » et rappelle que les Allemands « ne s’étaient jamais fait sortir au premier tour d’une Coupe du monde » . Plus chambreur, le Corriere dello Sport lance carrément une invitation aux Allemands : « On se voit à la plage ! » avec la traduction allemande juste en dessous, histoire de bien faire passer le message aux intéressés. Le Corriere rappelle aussi que, comme les Italiens, les joueurs de Löw sont désormais « en vacances » et qu’ils ont désormais eux aussi « leur histoire avec la Corée du Sud » .

Enfin, si Tuttosport consacre une large partie de sa Une à l’arrivée de Cancelo à la Juve, le quotidien turinois tente quand même une comparaison culinaire en comparant les joueurs de la Mannschaft à des « choucroutes amères » . Finesse et raffinement au programme, donc.


Portugal

Au pays de Cristiano Ronaldo, les journaux se foutent un peu de la défaite de l’Allemagne. Car ce qui compte le plus au Portugal l’été reste le marché des transferts. Et c’est ainsi que Saidy Janko, l’ancien latéral droit de Saint-Étienne, fait la Une de O Jogo avec son transfert officiel au FC Porto. Le quotidien portugais laisse une petite place, tout de même, aux Allemands en précisant que le « champion retourne à la maison » . C’est déjà plus que Record, qui n’offre aux Allemands que deux mots écrits en bas de Une : « L’Allemagne chute » . Il faut dire que Record préfère parler du bordel au Sporting Portugal. De son côté, A Bola laisse un peu plus de place aux Allemands en revisitant la fameuse phrase de Gary Lineker : « Et à la fin, c’est l’Allemagne qui est éliminée. »


Brésil

Au Brésil, les journaux préfèrent mettre en avant la qualification de la Seleção pour les huitièmes de finale plutôt que l’élimination de l’Allemagne. C’est notamment le cas du quotidien O Globo, qui déclare que « le Brésil a montré la force de son talent pour battre la Serbie » . Avant de préciser que ce sont deux « rescapés de 2014, Paulinho et Thiago Silva, qui ont marqué » . Mais le quotidien brésilien n’oublie pas totalement son ami allemand et lui laisse une petite place sur sa Une, en insistant sur cette « malédiction du champion qui renverse l’Allemagne » . Que les Allemands se rassurent : O Globo précise que « l’échec est dû à l’équipe, et non au modèle allemand de football » . Ouf. Les journalistes brésiliens ont surtout fait parler d’eux dans le centre média à Moscou en explosant de joie après le but de la Corée du Sud, tandis que les comptes Twitter de Fox Sports Brasil et Esporte Interativo ont balancé des « AHAHAH » de 272 caractères. Visiblement, le violent 7-1 subi en 2014 n’est pas vraiment oublié.


Espagne

La Roja étant déjà qualifiée, l’élimination de l’Allemagne a fait la Une de tous les journaux espagnols. Pour Marca, cette désillusion n’a qu’une seule explication : « la malédiction du champion » . Le quotidien madrilène rappelle que l’Allemagne est « le troisième tenant du titre consécutif, après l’Italie et l’Espagne, qui se fait sortir dès la phase de poules » . Même son de cloche chez l’ami du Barça, le Mundo Deportivo, dont les journalistes ont visiblement fait allemand LV2, qui propose une Une mi-allemande, mi-espagnole : « Kaputt Historico » . Sinon, As la joue sobre en disant « au revoir l’Allemagne » , tout en notant que ce sont les Coréens qui ont « renvoyé le champion à la maison » . Pour Sport, le plus important reste le marché des transferts et les négociations entre le Barça et l’Ajax pour De Jong, mais l’autre quotidien pro-Barça du pays garde une petite place pour les Allemands en déclarant que cette élimination fait l’effet d’une « bombe » .

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