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Du football selon Hugo Chavez
Ce mardi, le terrible Venezuela affronte l'Espagne. De quoi faire trembler la toute-puissante Roja. C'est, en tout cas, ce qu'avance Hugo Chavez. Un président à la langue bien pendue, y compris pour parler d'un sport qu'il ne connaît pas vraiment.
Anti-impérialiste omnivore, Hugo Chavez se nourrit de tout. Grand amateur de base-ball, le sport majeur de l’aire caribéenne, l’ex-militaire ne pouvait ignorer le phénomène football, bel outil pour se répandre en discours populistes. Loin d’avoir l’exclusivité de l’instrumentalisation politique du sport le plus universel, le Président en poste depuis 1999 se distingue en agitant les ficelles dans son style bien à lui : provocateur et martial. Ainsi, el señor presidente vient de lancer un avertissement à la Roja de Xavi, Iniesta et Villa : « Tremblez Espagnols car on va vous mettre un paquet de buts » . Une déclaration qui ressemblait à une fanfaronnade plus qu’à une réelle mise en garde, mais propre à satisfaire l’ego d’Hugo, dont la petite phrase a déjà fait le tour du monde.
Depuis l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir, le football vénézuélien a sensiblement progressé, sans que l’on puisse véritablement établir une relation de cause à effet. Traditionnelle bonne dernière de la classe de la zone Amsud, la Vinotinto a terminé ses éliminatoires pour la Coupe du Monde 2010 deux points derrière l’Uruguay barragiste et finalement qualifié. Il faut tout de même mettre au crédit de l’amateur de discours sans fin l’organisation de la Copa America 2007, toujours de bon aloi pour donner un coup de neuf aux installations du pays. Menée par Juan Arango (Mönchengladbach) et Giancarlo Maldonado (Atlante, Mexique), la Vinotinto avait profité de l’avantage du terrain pour accrocher le premier quart de finale de son histoire.
Raccourcis géopolitiques
Cette nouvelle compétitivité de la sélection vénézuelienne a transformé le football en un commode outil de propagande pour Chavez, les succès balle aux pieds venant symboliser les avancées revendiquées de la révolution bolivarienne. Suite à la première victoire de l’histoire de la Vinotinto face au Brésil, el señor presidente n’hésita pas à ouvrir une longue parenthèse dans un discours officiel pour se mettre à jouer les Christian Jean-Pierre en commentant avec emphase les deux buts vénézuéliens. Problème : Chavez ne connait rien au foot, pas même le nom de son meilleur joueur, Maldonado, rebaptisé Dimartino. Un peu comme si Chirac clamait devant Aimé Jacquet remettre la Coupe de France au lieu la Coupe du Monde lors de la garden party de l’Elysée du 14 juillet 1998…
Outre son goût pour les célébrations nationalistes, Chavez aime à se servir du football pour se livrer à des raccourcis géopolitiques. Ainsi, il vit une aubaine dans les défaites conjuguées de la France, de l’Espagne et de l’Allemagne à l’entame de la Coupe du Monde 2010 pour brocarder un Vieux Continent alors en pleine crise financière. « Même en matière de football, les Européens se noient, avait-il déclaré, et je suis sûr que mes opposants supportent ces équipes ou les États-Unis » .
L’ami Diego
Mais le lien de Chavez avec le ballon rond s’est avant tout tissé de par sa relation exhibitionniste avec Diego Armando Maradona. Les deux machines à polémiquer partagent une même amitié pour Fidel Castro, des prises de position anti-yankees, et le goût pour l’électrisation des foules. Au contre-sommet des Amériques en 2005, Chavez apparaît pour la première fois en public avec El Diez. A Mar del Plata, la prise de parole du Pibe se veut éclair et cinglante : « Virons Bush » . Elle reçoit les acclamations d’une assistance pas loin de se croire à la Bombonera.
Les deux icônes anti-impérialistes partageront à nouveau la scène en juillet 2010 quand le señor presidente annonce la rupture des relations de son pays avec la Colombie. Un mélange des genres choquant dans le fond mais surtout dans la forme. Car si le style Chavez dénote, on jurerait que dans un autre pays hispanophone, un Premier ministre dût autant pousser un cri euphorique qu’un ouf de soulagement quand sa sélection remporta la Coupe du Monde. Un an plus tard, un ballon rond aussi doré soit-il ne peut plus masquer l’impitoyable réalité d’un pays en crise. L’Espagne ne tremble pas de rencontrer le Vénézuela, mais devant son avenir.
Rupture officielle des relations du Vénézuela avec la Colombie, en présence de Diego :
Thomas Goubin
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