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Drame au stade d’Olembe : le monument et les morts

Par Mathieu Rollinger
Drame au stade d’Olembe : le monument et les morts

Huit personnes sont décédées ce lundi soir. Leur tort ? Vouloir assister à la grand-messe du football (et du pouvoir) camerounais. Mais le temps d'écraser quelques larmes, cette Coupe d'Afrique des nations continuera son chemin sans jamais se retourner sur ce drame. Comme si cette froideur était une loi du foot-business international.

« On vit ensemble, on meurt ensemble. » Cette phrase toute faite qui a trouvé un écho facile dans les vestiaires de foot est cette fois sortie de son cadre pour prendre une dimension bien plus cruelle aux portes d’un stade. À Olembe, quartier situé au nord de Yaoundé, le peuple camerounais a voulu vivre ensemble sa CAN en soutenant massivement ses Lions jusqu’ici indomptés, malgré les turbulences face aux Comores (2-1). Mais ce même peuple, alors que le résultat de ce match devenait secondaire, a vu certains de ses membres mourir ensemble. Au sens propre, celui qui arrache des chairs et donne aux rescapés de douloureux remords et des questions qu’ils n’auraient jamais dû se poser : comment peut-on en arriver à de tels drames pour un match de football ?

« Les gens tombaient les uns sur les autres »

Ce lundi soir, les décomptes font état de huit victimes – dont deux femmes et un enfant – et de trente-huit blessés, que l’on ne peut malheureusement pas qualifier de spectateurs puisqu’ils n’ont pu accéder aux travées. Ceux-là ont succombé sous le poids d’une marée humaine qui voulait s’engouffrer dans l’arène, par sa porte sud. « Il y a eu des bousculades comme on en enregistre partout ailleurs à l’occasion de grands mouvements de foule », déclarait Abel Mbengué, le porte-parole du Comité d’organisation de la CAN (CoCan), en attendant plus d’informations sur cet « incident dramatique ». Kassim Oumouri, commentateur vedette de la télévision comorienne, en a lui été témoin et racontait à AP avoir vu environ 400 personnes se presser contre un portail : « Une personne a ouvert complètement la deuxième porte du portail et tout le monde s’est précipité. Et d’un coup, c’est tombé de partout, avec des femmes, des jeunes et ça criait, ça pleurait. Les gens tombaient les uns sur les autres. C’était impressionnant car on n’imagine pas ça dans un stade de foot. » Le président Biya a ordonné une enquête alors que le gouvernement appelle les Camerounais « au sens des responsabilités, à la discipline et au civisme de tous pour la réussite totale de cette grande fête sportive ».

Silence, ça pousse

En attendant d’en savoir plus sur les circonstances, ce qui frappe aujourd’hui, c’est le cynisme de ces déclarations officielles. Quand Mbengué relativise en disant que ces mouvements de foule arrivent « partout ailleurs », il semble justifier ce drame par « la faute à pas de chance » , alors que les autorités locales, elles, n’ont qu’un seul but : que l’image de leur événement – et par ricochet celle de leur pays – ne soit pas écornée par cet incident. Oui, il y a des morts partout dans le monde à n’importe quelle heure, ce n’est pas une nouveauté. Mais ces gens haut placés sont responsables de l’organisation, mais aussi de la sécurité de leurs hôtes, et donc responsables des défaillances qui ont coûté la vie à plusieurs d’entre eux qui voulaient simplement participer à cette « grande fête sportive » à la gloire d’un Cameroun fort et tout puissant.

Alors que faire ? Surtout pas attendre que cette CAN s’achève sur cette soirée noire. La morale pourrait l’ordonner, pour le respect des disparus et accessoirement pour éviter de futurs accidents. Mais il ne faut pas se leurrer : l’histoire, sous le poids des enjeux politiques et économiques, montre qu’une telle éventualité n’est pas près d’arriver. La bonne tenue de ce tournoi et la présence des Lions jusqu’en finale sont bien trop importantes pour le régime en place. Les mesures prises pour favoriser l’accès des Camerounais au stade en sont des indicateurs. Pourtant, ranger ce laxisme derrière la supposée « tradition africaine » , en faisant l’amalgame entre toutes les inepties de cette édition (état des pelouses, arbitrage, Covid, conditions d’hébergement des sélections, etc.) est un affreux piège qu’il faut éviter. L’Europe, région de toutes les vertus, n’a aucune leçon à donner. On a bien repris un match quelques dizaines de minutes après qu’un joueur (Eriksen, pour ne pas le nommer) a été victime d’un arrêt cardiaque sur la pelouse lors de la compétition phare de l’UEFA. La FIFA organisera coûte que coûte son Mondial au Qatar malgré les milliers de victimes sur les chantiers. La France a mis près de 30 ans avant de sacraliser le 5 mai à la suite du drame de Furiani qui a entraîné le décès de 19 supporters en 1992… Les décideurs sont maîtres dans l’art de manier les mots pour apaiser la douleur, mais ne feront rien de conséquent pour empêcher que ces catastrophes se répètent. Comme on continuera de répéter dans les vestiaires : « On vit ensemble, on meurt ensemble. »

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