Domenech plus ultra
Raymond Domenech est allé au bout de lui-même. L'Equipe de France avec lui. Entre les fonds de tiroir, les voix de Zidane, la finale de Coupe du Monde et la demande en mariage, c'est tout de même une sacrée histoire.
Tout le monde lui tombe maintenant dessus. Raymond Domenech est un con, c’est unanime. La presse anglaise l’a nommé plus mauvais entraîneur de cet Euro.
Pourtant, au moment de sa nomination, il avait le mérite de diviser l’opinion. D’un côté, on avait ceux le disaient loser, de l’autre ceux qui voyaient en lui un mec pas trop langue de bois, plutôt rusé, intelligent, ouvert, voire brillant et doté d’une certaine finesse. L’ensemble des journalistes, So Foot inclus, se disaient alors chouette, on va pouvoir discuter. Tous ceux qui lui tombent maintenant dessus auraient à l’époque signé en sa faveur. Que s’est-il passé ?
Alors qu’il semblait, plus que tous ses prédécesseurs réunis, ouvert au dialogue, Raymond s’est contenté d’agir comme si lui seul savait, avait la science infuse et que le reste du monde ne pouvait pas comprendre. Il fait le malin, ne répond pas franchement aux questions, distribue les sourires narquois, affiche une certaine arrogance. D’où la violence du retour de bâton.
Sa stratégie est de ne dire donc qu’il ne fait que des erreurs de communication. C’est faux, il fait aussi voire surtout des erreurs tactiques. Comme en finale de Coupe du Monde, quand il remplace Vieira, blessé, par Alou Diarra. Il aurait fallu mettre un milieu offensif (voire Trezegoal), on les tenait, fallait jouer le jeu.
Le problème, c’est que Domenech a le modèle Jacquet en tête et que ce modèle a (malheureusement) réussi. Albertini avait pourtant prévenu, l’Italie avait accouché d’un monstre. Domenech ne sort pas de ça. Pour le dernier match de l’Euro contre les Italiens (qui auront donc éliminé la France deux fois d’affilée), quand Abidal est exclu, Ray fait entrer Boumsong à 1-0 alors que la seule possibilité de s’en sortir était d’en mettre deux pour gagner le match. D’autant plus que, même à 11 contre 10, les Ritals nous ont laissé le contrôle du jeu.
En parlant de contrôle, difficile de savoir dans quelle mesure Domenech en fait preuve. En 2006, on a une forte impression d’auto gestion. Face au Portugal, Zidane et Thuram replacent Ribéry dans le couloir droit face à Cristiano Ronaldo. On dit même qu’après le premier tour, ils font toute l’équipe. Bon, c’est tout de même Domenech qui choisit les joueurs, les sélectionne et décide si on joue à une ou deux pointes. Cependant, il n’a pas réussi à se dégager de l’influence des anciens, c’est certain.
Il était par exemple dans l’obligation de faire jouer Henry, donc de ne pas prendre Trézéguet, de ne pas jouer avec des centreurs, vu qu’Henry met toutes ses têtes au-dessus. Ray Do se retrouve ainsi un peu trop souvent devant le fait accompli. Son argument était de dire qu’on prépare la Coupe du monde 2010 ok, pourquoi pas, mais la meilleure des façons était-elle de prendre 6 buts et un seul point pendant l’Euro ?
Surtout, de persister sur une organisation avec deux milieux défensifs stricts quand la tendance, que ce soit en clubs ou en sélections – même l’Italie – est d’associer un récupérateur et un mec qui remonte les ballons. Avec Vieira, ça allait encore, mais Toulalan ne joue pas dans ce registre à Lyon. En plus, la blessure de Vieira lui permettait de tenter autre chose, il y avait une chance à saisir. D’autant qu’à la récupération, on a le meilleur du monde en la personne de Claude MC Makélélé.
Autre chose, pendant longtemps, Raymond donne à croire qu’il est insensible à tout ce qu’il se dit et tient ses prises de position. Pendant l’Euro, pas du tout. Et même avant, avec la liste des 23. Cissé et Landreau délaissés au profit de Gomis et Mandanda, c’est tout de même un choix dicté par la vox populi.
Ensuite, après le premier match, tout le monde dit qu’il faut abandonner le 442, qu’Abidal est pas assez bon, que Benz non plus, bon ben zou Raymond revient au 4231, sort Abidal, Benzéma, bref écoute tout le monde. Résultat : on perd 4-1. Là, Thuram est décrété carbo – alors que s’il a fait une sale saison à Barcelone, il avait toujours été vaillant en Edf – le 4231 n’a pas convaincu – alors que la France a livré ses meilleurs moments ainsi – que ceci cela, bon ben Domenech fait exactement ce que dit le café du commerce, Abidal et Benzéma font leur retour, Sagnol disparaît, Malouda aussi. Aucune cohérence.
Domenech fait ce que la majorité pense, comme s’il voulait qu’on garde un bon souvenir de lui, et laisser l’impression de quelqu’un d’humain. La demande en mariage s’inscrit dans cette logique. C’est un peu lamentable d’ailleurs. La pauvre Estelle n’a rien demandé. On doit penser collectif à ce moment, lui ramène tout à sa gueule. D’ailleurs, les joueurs, à l’exception de Thuram, Coupet ou Maké, qui ont assumé leurs erreurs, ont fait pareil. C’était la faute à pas de chance, au mauvais sort, à la blessure de Ribéry, à la double peine après l’agression d’Abidal.
C’était surtout une belle erreur de mettre une charnière Abidal-Gallas, qui n’avait aucun passé en commun face à un mec comme Luca Toni. Avant le penalty, il passe déjà trois fois plein axe. C’est une faute professionnelle.
Pour noyer ses erreurs, Domenech raconte un beau baratin et tente de nous endormir. Mais plus personne ne semble dupe. Quand Raymond feint la tristesse après l’élimination, on n’y croît pas. Pareil quand il vire les 7 de Tignes. Sans parler de l’affront fait à Flamini, puis à Nasri. Domenech est un comédien, pas forcément très bon d’ailleurs. Il joue mal. Il prend surtout les gens pour des cons. Tu ne sors pas d’un groupe super chaud, tu te fais sortir par l’Italie, ça va, y’a pas mort d’hommes, pas de drame. Tu assumes. Mais tu fais pas cette comédie à deux balles.
Raymond a trop d’ego pour ça. Il prenait des décisions assez correctes au début, quand il juge Pirès hors de forme et l’écarte par exemple, c’est cohérent. Mais ensuite, on sent comme une rupture avec le retour des anciens. On lui impose, il doit alors se sentir désavoué et part en sucette. Comme s’il se rendait compte qu’il ne servait à rien au fond et en avait alors plus rien à foutre.
Au lieu de la jouer franco, d’expliquer la situation, d’avouer qu’on lui dicte ce retour, il tente pathétiquement de ramener le truc à lui, de faire croire que c’est son initiative. Il parle de rendez-vous secrets à l’hôtel, dit qu’il rappelle les anciens de son plein gré alors qu’au début de son mandat, il ne semble absolument pas abonder dans ce sens. En plus c’est maladroit, il dit alors qu’il va donner sa liste dans dix jours pour le match contre la Cote d’Ivoire, Zidane annonce son retour le lendemain.
Domenech il vit assez mal ce retour, ne fait preuve d’aucune honnêteté, il est pris dans l’engrenage du mensonge. Il voulait se débarrasser des anciens en 4 mois, il aura mis 4 ans. Parce qu’au départ, c’est le sélectionneur des Espoirs, un formateur. On le prend aussi pour ça d’ailleurs, pour préparer l’avenir. Tiens peut-être bien 2010. Domenech se fait désavouer, perd la face et depuis nous la joue à l’envers – ou mal, comme l’équipe de France.
Dès lors, Domenech navigue entre ce qu’on lui impose, les pressions politiques, son ego, la pression médiatique, les enjeux sportifs, et son moi profond. Il fait surtout son intéressant, comme avec ses conneries de thèmes astraux. Au final, il se perd, il assume que dalle et fait n’importe quoi. Il gère de moins en moins et finit par perdre le contrôle, plus rien gérer. Il en a sans doute plus rien à foutre et se suicide en direct.
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