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Diego Maradonić
Ne vous fiez pas aux sonorités hispaniques de son nom : Diego Armando Maradona est croate. Ou plutôt, un de ses arrière-arrière-grands-pères y serait né. Passé l'anecdote, l'histoire aurait pu s'arrêter là s'il n'était pas question de Maradona. En voyage sur les terres de son ancêtre, l'Argentin a continué d'écrire sa légende. Entre baston en sortie de boîte, chambrage en finale de Coupe Davis et Fidel Castro, zoom sur les aventures de Diego le Croate.
« La famille Maradona est dans la place. » À Zagreb pour la finale de Coupe Davis 2016 entre la Croatie et l’Argentine, Diego affiche la couleur. Ou plutôt ses couleurs : bleu ciel et blanc. Et ces quelques mots écrits en espagnol sur un drapeau. En Croatie, plus qu’ailleurs, El Pibe de Oro est chez lui. C’est en effet à 12 000 kilomètres de sa province de Buenos Aires natale, il y a quatre générations, que tout aurait commencé – ou presque – pour la légende Maradona.
Maradonić de Praputnjak
À Praputnjak plus précisément, un petit village de quelque 500 âmes sur les bords de l’Adriatique. L’homme à l’origine de cette révélation est le journaliste argentin Narciso Birayan Carmona. En 2002, dans son livre Seize études généalogiques sur des personnalités marquantes de son pays, il l’affirme : l’arrière-arrière-grand-père du plus grand footballeur de l’histoire est né en Croatie. À Zagreb comme à Buenos Aires, la nouvelle sur les racines jusque-là inconnues de Diego est prise avec le sourire, bien qu’elle n’ait rien d’étrange.
L’Argentine est une terre d’immigration européenne, et nombre de Croates ont traversé l’Atlantique au XIXe et au XXe siècle. Au pays des asados, la communauté au damier est importante et on estime à 250 000 son nombre de descendants. Si l’ancien président Nestor Kirchner en était le parfait représentant, depuis seize ans, le plus célèbre d’entre eux est donc « Diego Maradonić » , comme ironisent les médias. Voilà pour l’aspect Wikipédia.
« Concha » de la maman d’Agüero
En juin 2005, Diego étrenne ses nouvelles origines à Novi Vinodolsk, dans le nord de la Croatie. Invité à un match caritatif aux côtés de Šuker et Boban, Maradona en profite pour échanger quelques balles jaunes avec Becker et McEnroe, également présents. « J’adore les Croates. Il paraît que mes ancêtres ont vécu à vingt kilomètres d’ici, je suis venu voir s’ils ne m’ont pas laissé un héritage » , blague même le champion du monde 1986 lors de son premier voyage étrangement calme sur la terre de ses aïeux. En septembre 2014, après avoir disputé un match de la paix à Rome et rencontré un admirateur, le pape François, El Diez remet ça. Cap sur l’Adriatique pour se dorer la pilule.
En bon épicurien, Diego prend possession d’une des célèbres pistes de danse de Dubrovnik. La fiesta bat son plein, et l’attraction de la soirée se prête au jeu des photos et autographes en enquillant les rakijas… Sans modération. Diego, en furie, sort de la discothèque en hurlant. Une bouteille vole de la main de Dieu, les insultes pleuvent. Un « La concha de tu madre Kun Agüero » , destiné à son ex-beau-fils est lâché, tandis que ses amis galèrent à calmer l’idole passée en mode castagne. La scène est filmée et fait le tour de la toile dès le lendemain.
Je, Castro et match
Une sortie maradonesque qui ne refroidit pas Diego, de retour à Zagreb en 2016 dans la peau d’hincha de luxe de Del Potro et sa bande. Dès son arrivée à l’aéroport, il s’embrouille avec les « boludos » de journalistes. Le lendemain, dans l’arène, Pelusabouleverse l’organisation du premier match. À chaque temps mort, le défilé de fans souhaitant leur autographe perturbe les joueurs. Et alors ? Le show Diego ne s’arrête pas là. Pendant deux jours, le fanatique Maradonić hurle à chaque point argentin, chambre Čilić et le public croate, invective l’arbitre au rythme des « Vamos » et des chants. Poussée par une légende nationale possédée, l’Argentine remporte la première Coupe Davis de son histoire. Une fête pourtant de courte durée pour Diego, qui apprend le décès de celui qu’il a tatoué sur le corps, « son second père » , Fidel Castro. Une conférence de presse lunaire plus tard, Maradona doit déjà s’envoler vers Cuba.
Présent en Russie pour le Mondial, El Pibe de Oro ne manquera pas d’écrire une nouvelle page de son histoire avec le pays d’arrière-arrière-grand-papa. En tribune, cigare au bec, Diego encouragera une nouvelle fois une Albiceleste dos au mur. Et si le peuple argentin doit beaucoup d’émotions au pays de son adversaire du soir, tous, à commencer par Messi, espèrent ne pas trop regretter que les ancêtres de Modrić n’aient pas suivi celui de Maradona.
Par Ken Fernandez