Del Piero, petit papa Juve
A 34 ans, l'astre de la Juventus s'offre un dernier tour de piste en attendant de passer le flambeau à Sebastian Giovinco. Et suscite l'unanimité, pour la première fois de sa carrière.
Cela se passe la semaine dernière, à Lecce, vers 16h15. Habillé d’un maillot de la Juventus trop grand pour lui, un joueur à l’allure d’enfant s’approche du ballon pour tirer un coup franc légèrement excentré sur la gauche, à 22 mètres du but adverse. Coup d’œil vers les barres, petite course d’élan, frappe enroulée du droit, et le stade qui se lève.
A 22 ans, Sebastian Giovinco vient de marquer son premier pion sous les couleurs de la Juve, à la manière de ceux dont il est supposé reprendre le flambeau d’ici peu : Michel Platini, Roberto Baggio, Alessandro Del Piero. Rien que ça.
C’est une règle, il y a toujours une place réservée pour un petit génie technique chez les Bianconeri. Ce soir, pour recevoir le Milan AC, Sebastian Giovinco devrait pourtant démarrer sur le banc. Car sur le terrain, c’est encore papa qui débutera ce match de grandes personnes.
Papa Del Piero, 34 ans, 250 buts en 575 matches pour la Juventus, un amour du ballon et du maillot comme on n’en voit plus guère qu’au Real Madrid, à Manchester United et au Milan AC, justement.
Selon une étude de l’IMScouting review parue en novembre, Del Piero est le vingtième joueur le plus fidèle à son club de l’histoire du football. Quand on demande à Paolo Maldini, premier de ce classement, ce qu’il pense de Del Piero, la réponse est limite grandiloquente : « Si je joue ce Juve-Milan, je serai content de l’affronter car c’est un grand homme » . Même Ronaldinho y va de son hommage : « Del Piero est mon idole. Vous me dites que je tire bien les coups francs, mais je suis encore loin de lui » , a déclaré Dinho à La Stampa cette semaine. Ancelotti, mi-blagueur mi-sérieux, en a rajouté une couche : « Si à la fin du match Del Piero échange son maillot avec celui de Seedorf, qui porte aussi le numéro 10, qu’il ne le jette surtout pas. Comme ça s’il veut venir jouer chez nous, il pourra le réutiliser » . Etc, etc…
Autant de citations qui prouvent que le statut du joueur a bien changé ces derniers temps. Car avant de provoquer l’unanimité de la Botte, Del Piero a surtout divisé l’Italie. D’un côté, les adolescentes amoureuses dormant avec son portrait de sosie de Bruce Springsteen époque “The River” serré sur le cœur, les fans de la Juve, et Michel Platini. De l’autre, les anti-Juve, les fans de la Juve ne lui ayant pas pardonné d’avoir pris la place de Roberto Baggio, et les suiveurs de l’équipe d’Italie ne lui ayant pas pardonné d’avoir parfois joué à la place de Baggio et de Totti. De telle sorte que Del Piero, c’est quinze ans de polémiques. De moqueries, aussi, comme ces commentaires peu charitables qu’on a entendus à chaque fois qu’il s’est blessé et qu’il a eu du mal à revenir. Le genre de destin qu’ont aussi connu au pays Riva, Rivera, Baggio ou Totti – ce qui prouve à quelle hauteur de situe le talent du joueur.
Le charme ultime de Del Piero, c’est que ce soir encore, on ne sait pas quel genre de match il voudra bien livrer contre le Milan AC. Celui où il se cache, n’arrive pas à déborder un seul adversaire, rate tout et sort quand même sous les applaudissements ? Ou celui où il déshabille les défenseurs, invente des remises et plante des coups francs venus d’ailleurs ? Qu’importe, après tout : assis sur le banc de touche, Giovinco pourra apprendre des deux.
Ennio Del Gnocchi
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