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Darren Randolph : des paniers aux cages

Par Charles Thiallier, à Dublin
5 minutes
Darren Randolph : des paniers aux cages

Depuis un match réussi face aux champions du monde allemands en octobre dernier, Darren Randolph a supplanté Shay Given dans les buts irlandais. Basketteur international lorsqu’il avait 16 ans, le portier de West Ham aurait très bien pu choisir de suivre les traces de son père Ed, ancien basketteur pro. Immigré américain arrivé en Irlande du Nord en plein trouble au début des années 80, l’histoire paternelle aide à comprendre qui est le gardien irlandais aujourd’hui. Explications entre les flingues de Belfast, et une rencontre amoureuse à County Clare.

Ils sont plus de 2 millions. 2 millions d’Irlandais à être allés trouver refuge aux USA entre 1845 et 1848, moment où ce que l’on a appelé « la grande famine » sévissait sur l’île de James Joyce, et obligeait les Irlandais à aller chercher une vie meilleure sur un autre continent. L’histoire de Darren Randolph ressemble de très près à une partie de l’histoire irlandaise, mais dans le sens inverse. Originaire de Floride, son père, Ed, émigre en Irlande au début des années 80 dans le but de réaliser son rêve : devenir joueur de basket professionnel. « J’étais joueur dans une université de Floride, quand on m’a fait comprendre que le club de Belfast cherchait à se renforcer. J’ai pas hésité, j’ai décidé de partir. » Ed fonce bille en tête, sans savoir réellement où se trouve l’Irlande, et ce qu’il se passe dans le pays à ce moment-là. Et lorsqu’il arrive à l’aéroport pour prendre son avion, il reçoit un coup de téléphone qui le fait douter l’espace d’un instant. À l’autre bout du fil, son frère, qui s’inquiète pour lui. « Il m’a dit :« Ed, t’es sûr de ce que tu fais ? Tu ne regardes pas les informations ? T’as vu ce qu’il se passe à Belfast ? Tu devrais te renseigner un peu avant de partir. » » Ed, qui avoue qu’il ne regardait que rarement les informations à l’époque, appelle alors des responsables de son futur club pour s’assurer que sa sécurité ne sera pas menacée. « Ils m’ont dit que tout serait OK. Je fais toujours confiance aux gens qui vivent sur place, ils connaissent la situation mieux que personne. »

L’American Dream à l’envers

Arrivé en Irlande, il s’adapte assez facilement à sa nouvelle vie, même s’il admet que les changements sont assez importants. « Ce n’est pas du tout le même mode de vie. En Floride, j’avais l’habitude de faire des longues marches sur la plage, de profiter d’un barbecue le soir. En Irlande, ce n’est pas possible à cause du climat. » Sa grande chance, son accent américain, car les Irlandais savent ce qu’ils doivent au pays de l’Oncle Sam. « Mon accent m’a aidé à m’adapter, je parle beaucoup, et les gens ici, quand ils entendent l’accent américain, ils sont très curieux, ils veulent tout savoir. Les Américains sont bien vus en Irlande. » Ed avoue même apprécier sa vie « d’expatrié » , même si le destin a bien failli basculer un soir de sortie en boîte de nuit. « Je m’en rappellerai toujours, on était avec des amis et on rentrait chez nous après une sortie en club. Au moment où on était dans une rue très sombre, un mec a débarqué avec un énorme flingue et nous a menacés. Heureusement, il a vite compris qu’on était américains et qu’on n’avait rien à voir dans les embrouilles de l’époque. » La carrière d’Ed suit son cours, il quitte Belfast pour Liverpool, avant de rejoindre County Clare, où il rencontre sa femme Anne, irlandaise. Ils prennent ensuite la direction de Bray au sud de Dublin (où Ed est aujourd’hui entraîneur d’un club de basket), ville réputée pour ses plages et ses marches dans la nature.

Un gardien formé sur les terrains de Basket

Et c’est précisément le 12 mai 1987 qu’Anne donne naissance à Darren, un enfant qui se passionne très vite pour le ballon. « Je n’ai jamais eu besoin de l’amener à un entraînement de basket. Depuis qu’il est tout petit il joue avec une balle, c’était quasiment sa seule occupation » , explique Ed. Une passion qui ne le lâche pas, et qui s’amplifie même avec l’âge. Anne Randolph raconte : « Il ne faisait que ça. Au collège, il jouait dans un club de rugby, de foot gaélique, de basket, et même au base-ball avec son père. » Sélectionné en équipe nationale d’Irlande de basket avec les U16, Darren participe à un tournoi de qualification pour les championnats d’Europe. Ce n’est que par hasard qu’il découvre ses talents de footballeur, et plus précisément de gardien de but. « Un jour, des amis à lui sont venus le chercher pour faire un match, ils l’ont mis dans les buts et puis il a fait un gros match. Il a pris conscience qu’il avait des qualités et s’est mis à jouer régulièrement » , précise Ed. Des qualités qu’il aurait développées sans s’en s’apercevoir au basket et au foot gaélique. « Le basket, je pense que ça aide quand on veut jouer gardien de but. Mais le foot gaélique lui a beaucoup apporté aussi. Dans ce sport, le ballon est plus lourd. C’est pour ça qu’il est aujourd’hui capable de faire des grands dégagements. » Ceux qui suivent de près l’équipe d’Irlande se rappelleront que sur l’un de ses fameux longs dégagements, Darren Randolph a été passeur décisif pour le but victorieux de Shane Long lors du match victorieux face à l’Allemagne en octobre dernier.

Supporters des USA pour la Coupe du monde 2014

C’est le club de Charlton (Angleterre) qui a été le premier à repérer les talents du jeune gardien, lors d’une journée de détection à Dublin. « Ils sont venus quand il avait 17 ans et ils nous ont dit que Darren avait le talent pour jouer avec eux. Mais ils nous ont avertis, en expliquant qu’à la sortie, certains devenaient pros, d’autres non. » Darren franchira les étapes les unes après les autres, de Charlton en passant par Motherwell, Birmingham, West Ham, jusqu’à sa place de numéro 1 en équipe nationale, celle d’Irlande, pour laquelle il aurait pu ne jamais jouer. Disposant de la double nationalité, Darren pouvait choisir de jouer pour les États-Unis. « Il a pris cette décision car il a grandi en Irlande, mais il est très attaché aux USA, car on y est allés très souvent » , détaille Anne. Sa maman raconte même qu’il y a deux ans, lors de la Coupe du monde au Brésil, Darren était supporter des États-Unis. « Il regardait les matchs en tant que supporter des USA, et puis son idole de jeunesse, ça reste Michael Jordan. » Facile alors de comprendre pourquoi ce samedi après-midi, comme à son habitude, Darren Randolph portera un maillot floqué du numéro 23. L’American Dream, dans le sens inverse de son père.

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