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Dabbur et d’eau fraîche

Par Adrien Candau
Dabbur et d’eau fraîche

Après des débuts mitigés en Europe, Munas Dabbur (25 ans) s'est mis à empiler les buts cette saison, du côté de Salzbourg, au point de porter son équipe en demi-finale de C3, dont il dispute ce jeudi soir le match aller à Marseille. L'attaquant israélien garde constamment un œil sur Nazareth, la plus grande ville arabe d’Israël, où il a fait ses gammes. Une cité qui symbolise la trajectoire d'un joueur forgé par son destin familial, le club de foot local et son identité arabo-israélienne.

« Il a eu un peu de difficulté en première période. Mais nous savons tous quel genre de joueur il est. Munas reste Munas. » Ce 28 septembre 2017, Marco Rose, le grand manitou du Red Bull Salzbourg, savoure. Ses poulains viennent de défaire Marseille 1 à 0 lors de la seconde journée de la phase de groupes de la Ligue Europa, et Munas Dabbur a encore frappé pour libérer les siens. Encore, car l’Israélien a déjà inscrit huit pions en onze matchs de championnat et de C3 en ce début d’exercice 2017-2018. Six mois plus tard, les impressions du début de saison se sont mutées en certitudes. Une histoire de statistiques : avec 19 banderilles en championnat et cinq en C3, Munas Dabbur assure, tout simplement.

Munas de Nazareth

Avant de cartonner les défenses autrichiennes, l’attaquant a pourtant d’abord dû accepter son statut de déraciné. À des milliers de kilomètres d’Israël. Et de Nazareth, une ville un peu à part au pays, où les arabes israéliens, minoritaires au sein de l’état hébreu, constituent la majorité de la population de la cité. Un petit cocon de tranquillité pour Dabbur, plongé dans le football 24 heures sur 24 : « Mon père a longtemps été entraîneur du Maccabi Ahi Nazareth, l’équipe de la ville. Mon grand-père a aussi été président du club pendant trente ans. Le football était toujours présent à la maison. »

Gamin, le gosse ne rêve alors pas de Manchester United ou de l’AC Milan : « Je voulais seulement jouer dans l’équipe première de ma ville. » La rupture avec le havre familial est salée : à 18 piges, Dabbur n’a qu’une saison dans les bottes avec l’équipe professionnelle de Nazareth quand le Maccabi Tel-Aviv lui met le grappin dessus. La fin de l’insouciance. Sur les terrains, le môme, au-dessus du lot techniquement, fait le boulot. Mais serre les dents pour tenir le coup en dehors. « J’ai une relation extrêmement proche avec ma famille. Ça a été très dur pour moi de vivre seul à Tel Aviv. J’allais à l’entraînement et revenais directement à la maison, c’était d’un monotone… J’en ai pleuré. »

Un frère médecin à Strasbourg

La suite ressemble à la trajectoire classique d’un joueur trop talentueux pour rester au pays. L’attaquant s’envole pour l’Europe en 2014 et atterrit au Grasshopper Zurich, où il se met vite en évidence. Notamment grâce à son frangin, qui le maintient à flot mentalement, alors que Dabbur n’a jamais été aussi loin de chez lui. « Quand je suis parti aux Grasshoppers, j’ai eu la chance que mon frère travaille à Strasbourg, en tant que médecin. Nous n’étions qu’à une heure en voiture l’un de l’autre. Ça m’a vraiment aidé à m’installer dans ce nouvel environnement. » 89 matchs et 48 buts plus tard, l’Israélien fait ses valises pour Salzbourg, moyennant un transfert de six millions d’euros. Le grand saut, le vrai. Désormais séparé de son frangin, Dabbur déprime : « À Salzbourg, j’ai été très loin de tous mes proches, le début a été très dur. » Il retourne alors six mois en prêt à Zurich. Le temps de se blinder mentalement pour revenir au RBS. Et conquérir l’Autriche, enfin.

Crispations identitaires

Désormais bien dans ses crampons, l’Israélien reste néanmoins discret en sélection nationale (sept capes, un but). Présenté par certains médias comme « le visage d’une génération dorée de footballeurs israéliens et arabes » , le joueur se garde bien de devenir le porte-étendard d’une catégorie de la population, les arabes israéliens, souvent stigmatisés dans l’opinion pour leur sensibilité à l’égard de la cause palestinienne et globalement plus touchés par le chômage et la précarité économique. Peut-être parce que le football reste justement l’un des seuls champs de la société où les arabes israéliens ont les même chances que le restant de la population. « Regardez le pourcentage de footballeurs professionnels arabes israéliens et comparez-le avec ceux qui sont professeurs d’université: les footballeurs sont incomparablement mieux représentés. » , pose Tamir Sorek, auteur de Un terrain contesté : les dilemmes d’un football arabe dans un état juif. Selon le sociologue, « Les médias et les politiciens ont tendance à présenter le foot et la réussite des arabes israéliens dans le football comme le symbole de l’égalité qui régit la société israélienne. Mais cette réussite est illusoire, elle n’existe que dans le football. »

Si la représentativité des footballeurs arabes israéliens n’a peut-être jamais été aussi importante en sélection, elle s’inscrit ainsi paradoxalement à rebours des tensions qui crispent depuis plusieurs années le pays : « Depuis le début de la seconde intifada, il y a eu une vraie détérioration des relations entre les arabes israéliens et les juifs israéliens, juge Tamir Sorek. Certains ministres du gouvernement de Netanyahou ont même tenté de déclasser la langue arabe pour lui faire perdre son statut de langue officielle en Israël. » Sans provoquer de réaction notable de la part des joueurs issus de la minorité concernée : « Ils restent en dehors de toute considération politique. Aborder ce sujet-là, ce serait un suicide sportif pour eux. » Alors Munas Dabbur fait comme tout le monde. Il se tait. Et se contente de revendiquer un seul objectif d’ici la fin de sa carrière. Un truc simple, qui veut quand même dire pas mal de choses sur l’importance qu’il voue à ses racines. « Il y a une chose dont je suis absolument sûr : avant d’arrêter, je veux jouer encore pour Nazareth. C’est tout. »

Par Adrien Candau

Propos de Tamir Sorek recueillis par AC

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