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CSC, le bonheur au fond des filets

Par Andrea Chazy
5 minutes
CSC, le bonheur au fond des filets

Avec sept réalisations depuis le début de la compétition, il est en tête du classement des buteurs devant Ronaldo, Lukaku ou Harry Kane. Il ne défend aucun pays, ne chante aucun hymne... Et pourtant, la vraie star du Mondial, c’est lui.

Un septième coup de tonnerre. Lors de la rencontre Mexique-Suède, un événement peu commun et surtout totalement oublié par l’ensemble de la caste médiatique s’est produit dans l’indifférence générale. La version officielle affirme que le jeune Mexicain Edson Álvarez a inscrit le troisième but suédois de la main contre son camp, magnifiant encore un peu plus le succès nordique et la première place du groupe des coéquipiers d’Andreas Granqvist. Comme si personne n’allait remarquer, et surtout voir ce qui se passait vraiment derrière cet écran de fumée que cachait ce but de la main « involontaire » . Les 35 696 spectateurs de l’Ekaterinburg Arena ne le savent pas encore, mais ils ont en réalité assisté à la septième réalisation du tournoi d’un homme en cruel manque de reconnaissance : CSC. Un joueur hors norme sur lequel personne n’a encore réussi à mettre un nom, un visage ou même un sticker Panini et qui, année après année, brille par sa régularité sans pour autant se faire remarquer. Reste que cette année, cette Coupe du monde pourrait bien tout changer.

Une affaire de famille

Pour essayer de trouver un début de réponse et savoir qui se cache derrière ce pseudonyme, il faut se rendre dans la Creuse, et plus précisément à Chambon-Sainte-Croix. Coincé entre Montluçon et Châteauroux, c’est ici que le jeune CSC a grandi auprès de ses parents. Fils unique, le jeune bambin a toujours été accompagné par le ballon rond. Très certainement influencé par son paternel, lui-même footballeur et déjà très talentueux : « Ce qui porte CSC aujourd’hui n’est ni plus ni moins qu’un héritage familial. En 1998 à la maison, j’ai marqué autant que Davor Šuker, et pourtant, je n’ai même pas eu le droit à un petit encart dans leBerry Républicain ! Depuis toujours, notre famille a souffert et souffre d’être tout le temps mise de côté. »

Les yeux rouges, le père de CSC énumère ses nombreux faits d’armes tombés dans l’oubli : le « fameux » but contre son camp d’Escobar en 1994 qui l’a fait plonger plus de trois ans en dépression, celui de Noel Valladares avec le Honduras lors du dernier Mondial brésilien, et, surtout, le plus important à ses yeux : celui de Pierre Issa face à la France. « Ce soir-là, ma femme était à l’hôpital prête à accoucher de notre fils et je devais absolument marquer pour que la tradition se perpétue, se remémore l’homme, ému. Et puis, quoi de plus beau que de rendre service à son pays ? » La machine est alors lancée, la descendance étant d’ores et déjà assurée.

Des débuts en fanfare… pour rien

Dans la vie de tous les jours, Corentin Saint-Criq est réparateur de filets à temps plein. Il travaille dans une PME familiale aux revenus corrects, qui approvisionne notamment les buts de la Berrichonne de Châteauroux. Une véritable fierté : « J’ai repris l’entreprise familiale depuis maintenant trois ans. Pouvoir concilier son métier et sa passion, c’est un rêve de gosse » , clame-t-il avec un sourire non dissimulé. Pendant son temps libre, « CSC » , comme le surnomment ses amis, entraîne aussi les équipes de jeunes de l’Étoile rouge de Chambon-Sainte-Croix. Une activité qui a pris une autre tournure lors de la saison 2007-2008 : « Un samedi d’octobre, alors que l’on faisait les premiers matchs de l’année, j’avais remarqué qu’un des petits avait déjà du ballon. Il était plus rapide, plus technique, et surtout, il avait un sens du but incroyable. »

CSC, le vrai, n’a que neuf ans, mais éblouit déjà tous les terrains de sa Creuse natale. Les parents sont ébahis, les entraîneurs adverses crient à la triche… Bref, tout le monde se passionne pour ce petit gamin à la tignasse blonde qui ne fait rien comme personne. L’un de ses rares amis et compagnon de chasuble, Otto Gol, se souvient : « Un jour, alors que l’on perdait 1-0, CSC a décidé de se placer par deux fois entre les deux centraux, car il avait senti une faille à ce niveau-là. Eh bien on a eu deux corners, et à chaque fois le ballon a fini au fond. Sur la feuille de match, l’arbitre a indiqué que l’équipe adverse avait marqué par deux fois dans ses propres cages. Mais moi, je savais en rentrant chez moi que c’était CSC qui avait marqué. » Malgré des prestations hors du commun, CSC n’est remarqué par aucun grand club, fautes de « statistiques » chères à la DTN française. Tant pis, son trou se fera ailleurs.

Le meilleur reste à venir

Pour parvenir à ses fins, CSC est alors prêt à tout et opte pour un pari encore jamais réussi jusqu’à présent : ne pas choisir de club, et surtout, d’équipe nationale. Une lettre écrite lorsqu’il avait seize ans évoque d’ailleurs « le modèle Diego Costa » , qui joua à la fois pour le Brésil et qui se retrouve à la Coupe du monde avec l’Espagne. Aujourd’hui, le striker présente sa décision comme « une façon de rendre hommage au grand-père. Lui qui fut le premier à marquer en Coupe du monde en 1930 lors d’un Mexique-Chili, réalisation injustement attribuée à Manuel Rosas. » Si l’exemple paternel reste toujours là, l’envie de le dépasser commence à faire son chemin au fil des ans.

La nuit, il rêve notamment d’inscrire un but lors d’une finale de Coupe du monde, et d’offrir à son équipe du moment le titre le plus honorifique de l’histoire du football. Lorsqu’il eut inscrit le troisième but suédois en 2018, et donc officiellement détrôné son paternel sur une seule édition, son premier regard fut lancé en sa direction. Il vit un homme fier, chamboulé que l’apprenti dépasse enfin le maître. À l’aube des matchs à élimination directe, CSC sait désormais que le plus dur reste à venir, et que la tâche sera plus difficile durant les matchs couperets. Mais tant que son rêve aura une chance de se réaliser, nul doute qu’il donnera tout, à n’importe quel prix. Même celui de faire trembler ses propres filets.

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Par Andrea Chazy

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