Copa America 2007 : Tombe la nuit tropicale
On l'a déjà dit, mais il faut le répéter : l'Amérique du Sud est le dernier endroit où le football relève encore un tant soit peu de l'aventure. Entre Futbol, Chavez et Picaros, l'actuelle Copa America le confirme une fois encore.
Bienvenue dans l’autre football. Loin des pelouses aseptisées de la vieille Europe, la Copa America est un monde plein de surprises. Il fait chaud, et moite. Les pluies diluviennes douchent les mi-temps. Les terrains sont inondés de papelitos. Pour ce qui concerne le jeu, on voit des mecs dribbler dans la surface adverse, marquer des coups francs directs en feuille morte, tenter des redoublements de passes. Parfois, les défenseurs découpent un attaquant avec une brutalité inconnue dans nos contrées. A d’autres moments, ils oublient de s’aligner, et voilà l’ailier qui part dans la profondeur, sans opposition. La Copa America est une compétition où il est possible de voir un attaquant mexicain inconnu marquer un but à la seleçao brésilienne après une ouverture en forme d’offrande et deux sombreros. Pas de blocs compacts, peu de balles aériennes, aucun fair-play.
Un monde sauvage, donc. On regarde la Copa America tard le soir, alcoolisé, et ce sont les mots du Chilien Roberto Bolano qui nous viennent à l’esprit. « A la violence, à la véritable violence, personne ne peut échapper, du moins pas nous, qui sommes nés en Amérique du Sud » . Cette phrase concerne Gaby Heinze et les siens, bien sûr. Mais une autre violence, silencieuse, se situe autour du stade. Le Venezuela, qui accueille la compétition, a décidé de lui donner le goût du Mondial argentin de 1978. Le visage d’Hugo Chavez – qui préfère le base-ball de son ami Fidel Castro au futbol de son faux ami Lula – s’affiche partout sur les murs. La majorité des billets serait achetée par le gouvernement et distribuée aux partisans du chef de l’Etat. Lors du match d’inauguration, ces derniers ont déployé une banderole géante au nom de Chavez, pendant que les rares opposants s’évertuaient à crier « Este Gobierno va caer » (Ce gouvernement va chuter). On n’a pas entendu de coups de feu, mais on aurait pu. Cité par Le Monde, un diplomate local temporise. « Il est fréquent et légitime qu’un gouvernement tente de tirer profit de l’organisation d’une compétition sportive » . Ben voyons. Chavez et les Picaros, et le reste du continent saoulé au Mezcal.
Au moment où s’élance la deuxième semaine de compétition, impossible de dégager une tendance autre que tropicale. Le Brésil s’est fait planter par les Mexicains, mais ça ne signifie pas grand-chose. L’Uruguay, qu’on attend bêtement et traditionnellement à un niveau international, éprouve les pires difficultés. L’Argentine est en fin de compte le seul favori à avoir honoré sa réputation, en balayant les pauvres Yankees 4 buts à 1 – mais l’Argentine est ce pays qui commence toujours trop fort avant de se faire découper à la machette. Et le Paraguay du torride Roque Santa Cruz, meilleur buteur de la compétition, a pulvérisé la Colombie le jour même où les FARC descendaient 11 députés colombiens. Pas étonnant que le reste de l’année, Santa Cruz s’ennuie comme un rat mort à Munich.
Par Stéphane Régy
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