- Mondial 2022
Comment les joueurs peuvent-ils se remettre mentalement de la Coupe du monde 2022 ? Avec le préparateur mental Antony Mette
La Coupe du monde et son euphorie viennent juste de s’achever. Mondial en hiver oblige, les joueurs vont devoir remettre le bleu de chauffe plus tôt qu’à l’accoutumée et retrouver un championnat même pas à sa moitié. Une bascule pas toujours évidente avec une déprime post-Mondial qui guette les internationaux, comme nous l'explique le préparateur mental Antony Mette.
La Coupe du monde au Qatar restera longtemps dans la mémoire des Marocains Sofiane Boufal et Azzedine Ounahi. Une demi-finale historique pour l’Afrique, des dizaines de milliers de supporters des Lions de l’Atlas en tribune, un accueil royal à Rabat… Ils en ont encore des étoiles plein les yeux. Pourtant, pas le temps de gamberger. À moins de trouver une porte de sortie d’ici là, ils sont attendus dans quelques jours dans la grisaille de l’Anjou pour la mission sauvetage d’une lanterne rouge, le SCO, qui vient d’acter le départ de son entraîneur, Gérard Baticle. Alors, comment se remotiver ? « Ce sont des exemples parfaits, lâche Antony Mette, préparateur mental travaillant régulièrement dans le foot, auprès d’équipes et de joueurs. Il faut d’abord qu’ils prennent des vacances pour faire retomber la pression, l’engouement et l’euphorie qu’il y a eu autour du Maroc. Si possible, il faut partir loin de son pays pour prendre du recul. Ensuite, l’entourage doit être très présent pour se projeter vers d’autres objectifs. Et enfin, il faut retrouver les terrains et un cadre avec son club qui soit assez stimulant pour avoir l’envie de jouer. »
Retour au Centre d’entraînement pour @neymarjr et @marquinhos_m5 ! Travail sur le terrain pour @marquinhos_m5 et en salle pour @neymarjr. pic.twitter.com/rUKoI4scUv
— Paris Saint-Germain (@PSG_inside) December 22, 2022
Des conseils galvaudés au PSG où plusieurs Mondialistes ont déjà retrouvé le Camp des Loges. Si « Hakimi sera peut-être plus dans le dur », Mette comprend le choix des autres joueurs. « Marquinhos et Neymar sont brésiliens, donc pour eux arriver en France, c’est presque une bouée de sauvetage pour se détacher de l’environnement dans leur pays. En plus, ils sont au PSG où il y a du niveau et de l’ambition, donc c’est stimulant. Mbappé, lui, ne compte pas, c’est un contre-exemple. Il est hors norme ! »
Notre entraîneur s’est exprimé au sujet du retour de @KMbappe à l’entraînement !
— Paris Saint-Germain (@PSG_inside) December 21, 2022
Paillettes et ovalie
Anthony Mette suit des joueurs « francophones, mais pas français » qui reviennent d’un séjour au Qatar. Si « certains étaient ravis de retrouver leurs clubs, car cela s’est très mal passé en interne », ce n’est pas le cas de tous. Disputer cette Coupe du monde est un objectif depuis plusieurs années pour les footballeurs. À la fin de celle-ci, le rôle du préparateur mental est d’échanger avec son patient pour fixer de nouveaux objectifs et le remobiliser. « Durant une Coupe du monde, c’est très long de vivre un mois avec une routine identique, cela accumule beaucoup de pression et d’énervement, donc il faut vite évacuer ça, avance-t-il. Ensuite, il faut reconstruire des objectifs. Avec les joueurs que je suis, on fait une projection sur la fin de saison, mais surtout sur la suivante pour amener un peu de paillettes dans le projet et apporter quelque chose de stimulant. »
Le Bordelais a suivi la Guinée lors de la CAN 2022. Durant une compétition internationale, pour lui, il faut accompagner les joueurs, mais aussi le staff, car « cela va ensemble : si le staff est stressé, les joueurs le sont aussi. Sur le plan émotionnel pur, il faut avoir des personnes ressources pour faire sortir les émotions. Les joueurs ont du mal à le faire, et même à savoir qu’ils ont des émotions. » Il recommande un suivi avant les matchs, mais surtout après. « Ça permet d’évacuer plus vite les émotions et cela évite les conflits internes », lance-t-il, en prenant l’exemple du rugby, sport dans lequel il s’occupe de plusieurs joueurs professionnels. Après chaque rencontre du XV de France, les joueurs discutent de leur ressenti par petits groupes, avec un préparateur mental, Mickaël Campo. Résultat : en 2022, les Bleus ont gagné leurs dix rencontres.
La déception est encore présente ! Mais nous pouvons être fiers de notre équipe et de notre groupe unie pour ce magnifique parcours. Merci à tous les supporters pour le soutien ! pic.twitter.com/eUAzrl1kdG
— Matteo Guendouzi (@MatteoGuendouzi) December 21, 2022
Des hématomes chez les Bleus
Quid de nos footeux, défaits en finale ? Dans quelle fraîcheur mentale vont-ils retrouver leurs clubs ? « Dans n’importe quel sport, il y a un temps de digestion, confie Anthony Mette. Mais perdre comme cela, ça va être très dur pour certains. Il y aura un contre-coup sur le plan émotionnel. Il y a eu une finale de dingue avec un tel ascenseur émotionnel. Si pour vous, devant votre écran, ce sont les montagnes russes émotionnelles, c’est décuplé pour les joueurs sur le terrain… » Après avoir ramené de Russie le trophée tant convoité, en 2018, certains Français ont connu un trou d’air avec leur club, comme Presnel Kimpembe ou Benjamin Pavard. Une déprime post-Mondial est à prévoir pour ceux qui ont reçu un tampon de l’Émirat sur leur passeport. « C’est quasiment inévitable ! Je ne comprends pas que la FFF et Didier Deschamps laissent les joueurs seuls. C’est comparable à des chanteurs qui font une tournée, font des concerts de dingo tous les deux jours dans des salles remplies. À la fin, ils sont épuisés et mettent six mois, un an pour retrouver leur énergie. Ici, on leur demande de retrouver leur forme en quinze jours. C’est impossible s’ils ne sont pas suivis correctement ou s’ils ne sont pas Mbappé », ne cache pas le préparateur mental. Qui salue tout de même l’organisation du rassemblement place de la Concorde, dans la soirée de lundi, afin que les Bleus puissent saluer leurs supporters et vice versa : « Ça fait prendre conscience aux joueurs que même s’ils ont perdu, ils ont quand même un public qui les soutient et les remercie. »
Juste#FiersdetreBleus pic.twitter.com/wturV79CCa
— FFF (@FFF) December 19, 2022
L’après-Qatar sera difficile aussi à digérer pour la bande de Leo Messi. « Je pense que pour eux, la saison est finie, en rigole Anthony Mette. Ils vont avoir la même euphorie que les athlètes qui reviennent médaillés des JO. Ils vont avoir plusieurs mois où ils seront très sollicités par les médias, les sponsors… Sur cette fin de saison, ils seront moins concentrés sur le terrain, ils feront plus de la communication et de la relation avec la presse. Mais ils vont profiter de leur titre et ils seront dans un sentiment d’extase et d’euphorie. » S’il suivait un des 26 champions du monde, comment aurait-il traité son cas ? « Là il n’y a rien à faire, il faut les laisser profiter. Quand ils en auront suffisamment eu, ils pourront passer à autre chose. Messi et Mbappé sont au-dessus, ils veulent juste reprendre l’entraînement pour performer. Mais les autres, il faut qu’ils profitent ! »
Par Loïc Bessière
Propos d'Anthony Mette recueillis par LB