- Allemagne
Chaises musicales en Bundesliga
Mine de rien, la fin de saison Outre-Rhin est pleine de surprises. A sept journées du terme, Dortmund ne compte plus que sept points d'avance sur le Bayer Leverkusen, la lutte contre la relégation (Abstiegskampf) est intense, le 17ème (Wolfsburg) n'ayant que six points de retard sur le 10ème (Schalke). Mais la véritable attraction, ce sont les entraîneurs: on assiste actuellement en Allemagne à un véritable jeu de chaises musicales. Etat des lieux.
En allemand, le jeu des chaises musicales se dit « Reise nach Jerusalem » ( « voyage à Jérusalem » ). Et pour l’instant, seul Louis Van Gaal n’est pas du voyage. L’entraîneur néerlandais va quitter le Bayern en fin de saison, et n’a pas trouvé de nouvel employeur. Van Gaal est attristé par la décision de ses dirigeants de ne pas vouloir le garder, mais en même temps, ça n’a pas l’air de le déranger plus que ça, vu qu’il a déclaré vouloir prendre une année de vacances, avant de revenir dans le business. Fini les histoires de club; Aloysius Paulus Maria Van Gaal veut s’occuper d’une équipe nationale, car, comme il le dit si bien, « après le Bayern, il n’y a pas tant d’équipes que ça qui me donnent envie » .
Jamais deux sans trois
Van Gaal part, son successeur est déjà tout trouvé: il s’agit de Josef « Jupp » Heynckes, qui prend les commandes du club bavarois pour la troisième fois dans sa carrière. L’actuel coach du Bayer Leverkusen retrouve les locataires de la Säbener Strasse après son expérience entre 1987 et 1991 (deux fois champion d’Allemagne, deux Supercoupes d’Allemagne), puis l’intérim d’avril à juin 2009, après l’éviction de Jürgen Klinsmann. On ne sait pas combien de temps restera Heynckes au Bayern, mais tout porte à croire qu’il s’agit là de son dernier contrat, avant un repos bien mérité pour celui qui aura joué vingt-cinq ans en club et entraîné vingt-six saisons jusqu’à présent.
Leverkusen n’est toutefois pas pris de court: en bon commerciaux, les dirigeants du Bayer ont immédiatement pensé à un plan B, Robin Dutt. Robin quoi ? Robin Dutt, le coach de Fribourg. Un entraîneur calme, discret, qui pourrait presque nous vendre une mutuelle au porte-à-porte si on le laissait nous parler deux minutes. L’an dernier, Dutt a réussi à maintenir le club de Forêt Noire dans l’élite; cette année, Fribourg, bien aidée par les buts de Papiss Demba Cissé, pointe à une surprenante huitième place, devant des clubs comme Schalke 04, le Werder Brême, le VfB Stuttgart ou encore le VfL Wolfsburg (soit le vice-champion 2010 et les champions 2004, 2007 et 2009). Tout comme Leverkusen, Fribourg n’a pas paniqué, et est immédiatement allé à la recherche d’un nouvel entraîneur pour la saison prochaine: l’heureux élu se nomme Marcus Sorg, jusque là entraîneur de la réserve, qui joue en Regionalliga (quatrième division). Un mec de Regionalliga ? Bah oui, pourquoi pas ? Après tout, en 2007, quand Fribourg est allé chercher Robin Dutt, celui-ci entraînait les Stuttgarter Kickers, qui étaient également en Regionalliga. Néanmoins, les dirigeants de Fribourg devront être prudents avec leur nouveau coach: en allemand, Sorg, ça fait penser à Sorge, qui signifie le souci, l’inquiétude. On ne sait jamais…
C’est dans les vieux pots…
Pour le moment, l’inquiétude, c’est du côté de Wolfsburg qu’il faut la balayer. Pour cela, les dirigeants des « Loups » ont rappelé l’ancien faiseur de miracles qu’est Felix Magath. Viré comme un malpropre par les dirigeants de Schalke 04 (et ce malgré une finale de Coupe d’Allemagne contre Duisbourg et un quart de finale de Ligue des Champions à disputer contre l’Inter), Magath a été accueilli en sauveur à Wolfsburg. Après tout, personne n’a oublié que le titre de 2009, c’est avant tout grâce à lui. Tout le monde est tellement convaincu que Magath va sauver le club (actuel 17ème de Bundesliga ) que Volkswagen, le sponsor principal du club, a promis d’offrir à Herr Felix la voiture de son choix. Apparemment, celui-ci aurait opté pour une Bentley. Mais au-delà de ça, Magath est surtout ultra-motivé par l’idée de retrouver un club où on laisse tout à sa disposition. Il s’est fait virer le 16 mars, le 18, il signe un contrat avec Wolfsburg, le 19, il emmène son équipe à Stuttgart. Un hyperactif du football, en somme, prêt à rester au club même si celui-ci descend en deuxième division…
A Schalke aussi, on a opté pour une recette à l’ancienne, en faisant revenir Ralf Rangnick. Clemens Tönnies et Horst Heldt (respectivement président du conseil de surveillance et directeur sportif de Schalke 04) veulent régner en maîtres à Gelsenkirchen. Alors autant prendre quelqu’un avec lequel, d’une part, il est facile de discuter, et qui est très apprécié des fans, d’autre part. Il faut rappeler que, paradoxalement, Rangnick s’était fait entre autres virer à l’époque parce que beaucoup de gens à Schalke (joueurs et dirigeants) n’appréciaient pas trop le fait qu’il avait le soutien inconditionnel des fans. Rangnick était le seul à avoir compris le concept de Schalke Null-Vier, avait également le meilleur pourcentage de victoires pour un entraîneur du club, et il s’est fait virer malgré tout. Aujourd’hui, Rangnick, qui s’est libéré de Hoffenheim cet hiver (après plusieurs désaccords avec la direction, notamment sur le cas Demba Ba et la vente de Luiz Gustavo), bénéficie d’une seconde chance. Cette année, c’est peut-être râpé, mais attention au Schalke de l’année prochaine…
Une liste de candidats
Tous ces événements se sont déroulés en quelques semaines, faisant les choux gras de la presse. D’ailleurs, le site de la Sueddeutsche Zeitung propose même une liste de candidats potentiels pour driver des équipes de Bundesliga l’an prochain: on y trouve des noms comme ceux de Christoph Daum, Morten Olsen, Michael Laudrup, Martin Jol, voire Lothar Matthäus. Bild va même plus loin, en publiant sur son site qu’Udo Lattek, 76 ans, et probablement le coach le plus titré d’Allemagne (huit fois champion, trois Coupes d’Allemagne, et trois coupes européennes, une de chaque) pourrait sortir de sa retraite. Bref, du grand n’importe quoi. Il y a quelques jours, Louis Van Gaal réagissait à ce chamboulement, en déclarant qu’il faudrait peut-être penser à instaurer une fenêtre de transferts pour les entraîneurs, à l’image de celle pour les joueurs. Pas bête, en effet. Car au final, le problème du jeu des chaises musicales est le même: il n’y a jamais assez de chaises pour tout le monde…
Ali Farhat
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