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César Menotti, l’anarchiste aristocratique

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César Menotti, l’anarchiste aristocratique

«{Nous sommes dans une société utilitariste dans laquelle certains entraîneurs parlent comme des petits dictateurs,} "J'ai raison, j'ai emmené cette équipe en finale", {là est la dictature. Certaines équipes peuvent perdre, mais quand elles le font, elles ne perdent qu'un match et conservent tout le reste. Il y en a d'autres qui, quand elles perdent, perdent tout car elles ne savent pas quelle est leur idée}».

Bien que l’on puisse croire à une attaque frontale adressée à notre valeureux sélectionneur, Raymond peut partir en voyage de noces l’esprit tranquille, César Menotti n’a certainement pas regardé l’Euro de l’équipe de France. Il en serait sans doute mort d’indignation le bougre.

En jogging sur le bord du terrain ou torse nu dans les montagnes de Mendoza, les cheveux au vent et le regard rebelle, un livre à la main, souvent, et la clope au bec, toujours, César Menotti est un peu au ballon ce que Karl Marx est à la politique. Un idéaliste, un rêveur dont les théories auront été applaudies, discutées, encensées et honnies.

Appliquées milles fois, soulevant à chaque fois d’immenses espoirs, échouant souvent, elles continuent pourtant d’être prêchées par de vieux mages pour lesquels les objectifs des “trois points”, de la stabilité des prix ou du taux de change ne doivent jamais primer sur celui d’apporter un peu de joie et de bonheur au peuple…

Octobre Rouge

César Menotti l’entraîneur est né quelque part dans les allées sombres du “Parque Patricio”, une sorte d’affreux terrain vague qui donne son nom à ce barrio du sud de Buenos Aires, dont la plus grande fierté (certains diront la seule) est son club de football, Huracan.

C’est donc au sein du “Globo” que Menotti fait ses premiers pas d’entraîneur et écrit ses premières lignes de théoricien footballistique. Résumé condensé en quatre leçons : football offensif, traitement avec amour de la petite balle ronde, respect pour le jeu et pour le public.

Un peu comme en Octobre 1917, tout commence pour le mieux dans le meilleur des mondes. Après le long règne autoritaire des tsars de l’anti-football d’Estudiantes, les petits hommes en rouge de Menotti débarquent à l’improviste au début des années 70, révolutionnent le championnat argentin qu’ils finissent par conquérir en 1973. Le “toque” comme religion, l’orange mécanique comme inspiration, le “Globo” emporte tout sur son passage, avec dans ses rangs el “loco” Houseman, Brindisi ou encore el “coco” Basile.

Auréolé de ce succès improbable,“El Flaco” prend les rênes de la sélection nationale en 1974 avec en ligne de mire le mondial argentin de 1978. Alors que certains politologues commencent à parler de la mort du péronisme, d’autres annoncent la naissance du menottisme, une nouvelle doctrine basée sur l’amour du beau jeu, la préservation de la balle, les longues séances tactiques et les préparations physiques légères.

Un football à l’image de son maître à penser, bohème mélancolique et noctambule. Difficile néanmoins de réduire sa vision du jeu à cette définition restrictive d’un football “cool”, beatnik tendance hippie. Menotti le récuse lui-même, citant à l’appui du Borges : « Tout ce truc du menottisme n’existe pas. Dans le football, l’ordre est pour accompagner l’aventure et l’aventure pour améliorer l’ordre » .

L’Argentine, qui franchit les portes d’un Monumental en fusion pour le match d’ouverture contre la Hongrie, incarne parfaitement ce subtil dosage entre la folie et la discipline, entre l’improvisation et l’organisation, revendiqué par Menotti.

Une équipe au jeu et aux tactiques peaufinées, composée de joueurs techniques mais sans génie, ayant avant tout intériorisé à fond les “concepts” de jeu de Menotti, qui ne se risqua d’ailleurs pas à intégrer la fantaisie de l’étoile montante du football argentin, un certain Diego Armando Maradona.

Loin du hasard et de l’improvisation que lui reprochent ses détracteurs, Menotti crée une machine à gagner, sans pour autant renier ses idéaux. Malgré les suspicions d’arrangements et de pression imposée par la junte militaire (1) et après un premier tour durant lequel l’Albiceleste joue nerveusement et par intermittence, l’équipe fait par la suite preuve d’audace et d’habileté, jouant les derniers matchs avec quasiment quatre attaquants (Kempes, figure du mondial, Bertoni, Luque, et Ortiz ou Houseman) et finissant par soulever la coupe du monde après une finale magnifique contre les Pays-Bas. L’ordre et l’aventure au service de la victoire.

Deuxième partie à lire demain…

Par Pierre Boisson, à Buenos Aires

1 – De 1976 à 1983, l’Argentine vécut sous la terrible oppression d’une dictature militaire dont l’un des plus tristes représentants, le général Videla, remit la coupe du monde à Daniel Passarela. Le match le plus suspect reste la raclée 6-0 collée au Pérou, que l’Argentine devait battre par au moins 4 à 0 pour se qualifier pour la finale. Videla, accompagné par Henry Kissinger, entra ainsi dans le vestiaire visiteur avant le match tandis que le numéro 2 péruvien Manzo révéla plus tard que 50 000 dollars avaient été offerts à chaque joueur pour laisser filer le match.

Un derby, deux grands corps malades

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