• Interview Alain Cayzac (2/2)

Cayzac : «Un « salary cap » global par club»

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Cayzac : «Un « salary cap » global par club»

Publicitaire-humaniste ou président de gauche d'un club de foot, Alain Cayzac n'en finit plus de cultiver les paradoxes et de s'attirer les sympathies les plus diverses. Dans un livre qui vient de paraître, tout ce qu'on ne m'a pas appris à l'école, il dispense trente-huit conseils, fruit d'innombrables expériences professionnelles et d'une honnêteté intellectuelle rare.

Dans le bouquin, vous parlez beaucoup des États-Unis. Le sport professionnel européen ne gagnerait-il pas à s’inspirer des ligues majeures US (NBA, NHL, etc.) avec son système de garde-fous (salary cap, draft) ?

Moi qui ne suis pas un libéral, cela ne me choquerait pas. Après c’est toujours pareil, il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde. C’est le fameux « fair-play financier » cher à Michel Platini qui, soit-dit en passant, est une très belle formule. Un salary cap global par club, et non pas pour chaque joueur, partout en Europe, moi je serais complètement d’accord. C’est un aspect de l’approche américaine on ne peut plus intéressant.

Ce serait une manière de contrebalancer l’arrêt Bosman et de rééquilibrer un peu les choses ?

C’est une évidence. L’arrêt Bosman a changé les règles du jeu. Avant, on pouvait avoir de grands joueurs à Paris. Depuis, ce n’est plus envisageable. Acheter Raï aujourd’hui, le capitaine du Brésil, vainqueur de la Coupe Intercontinentale avec Sao Paulo, on n’y penserait même pas…

Philippe Seguin dans les colonnes de So Foot et Daniel Cohn-Bendit dans celles de L’Equipe-Mag’ souhaitaient presque que la bulle spéculative dans laquelle vit le football explose… Serait-ce la solution ?

Il ne faut pas le souhaiter, mais pourquoi pas. Je crois qu’il y a quand même d’autres solutions. L’idée de Platini, d’avoir une partie de l’effectif formée au club, ça me paraît plutôt intelligent. Tout ce qui peut faire qu’il y ait plus de justice, et que l’aspect sportif reste prioritaire par rapport à l’aspect financier, ça me va bien, à condition que ce soit pareil pour tout le monde. Or aujourd’hui ce n’est pas le cas. On est les seuls à avoir une DNCG (avec les Allemands Ndlr)… Qu’est-ce que vous voulez faire ? On ne peut pas lutter. Mais encore une fois, je ne suis pas un grand libéral. Si vous posez la question à De Tavernost, Triaud, ou Aulas, ils vont vous dire le contraire. Maintenant, là où je les rejoins, c’est qu’il faut que la règle soit commune à tous. Car, actuellement, on est vraiment en état de concurrence déloyale. On dit que le foot est aléatoire, mais ce n’est pas vrai. On retrouve toujours les mêmes équipes en quarts de finale de la Champion’s.

Le championnat d’Angleterre semble devenir un gigantesque concours de bites pour milliardaires en mal de sensations. Ils viennent s’y mesurer, au détriment du patrimoine, de l’Histoire, et des valeurs des clubs…

Deux remarques ; d’abord, pourquoi achètent-ils ? Pour trois choses essentiellement. Ils y viennent soit pour l’argent, soit pour le pouvoir, soit pour la passion. L’argent, parce qu’on peut quand même faire de très bonnes affaires. Le foot reste quand même le sport le plus universel qui soit. Si je reprends mon langage marketing, je dirais que c’est un marché extraordinaire, encore en développement. Donc il faut investir dans le foot, Colony a eu raison. Il faut néanmoins être conscient qu’il faut de la patience, que ce n’est pas forcément demain qu’on va gagner de l’argent, et qu’il faut nécessairement investir beaucoup pour gagner beaucoup ensuite.

Deuxièmement, le pouvoir : déjà en France, quand vous êtes président d’un club de foot, vous avez l’image, l’aura d’un ministre. Tout le monde s’intéresse à vous, on vous appelle, vous êtes reçu partout. Alors imaginez au Real Madrid ou à Manchester, vous êtes Premier ministre.

Enfin, il s’agit parfois aussi un peu de passion. Abramovitch, par exemple, me semble s’être pris au jeu… Le foot donne un pouvoir absolu au niveau économique, en termes de notoriété et de présence. Et c’est là où c’est dangereux, s’il n’y a que ça, il y a le risque que ces mecs-là viennent et repartent.

Les clubs aujourd’hui tendent à être gérés comme des entreprises. Or, ils ont une variable très aléatoire à gérer, le terrain.

Oui, c’est un peu ce qu’on m’a reproché. Pour moi, un club de foot, c’est à la fois une entreprise “capitalistique” et un service public. Vous êtes obligés de tenir compte de l’environnement, des supporters, des sympathisants. Je ne dis pas qu’il faut faire tout pour eux, parce que là vous devenez faible mais vous ne pouvez pas occulter le fait qu’une victoire ou une défaite du PSG ne posent pas seulement des complications économiques, ça peut devenir un problème social. Comme je le disais tout à l’heure, c’est le bonheur ou le malheur de quatre millions de personnes. C’est dur à gérer, et Manchester en est un très bon exemple. Ils ont tout, le pognon et les résultats, et pourtant leurs fans sont dans la rue en train de manifester.

Vous avez toujours été très populaire auprès des supporters, et c’est peut-être un peu aussi ce qui vous a perdu. Considérez-vous avec le recul que votre nomination constituait une façon de s’acheter la paix sociale de la part de Colony Capital ?

Non je ne crois pas. C’est vrai que moi j’aime bien communiquer et je parlais beaucoup avec les représentants des supporters, que je considère comme des gens tout à fait fréquentables et acceptables. Même s’il peut leur arriver d’être débordés par leurs membres. Quand il y eu le drame ( Ndlr : la mort de Julien Quemener), on ne peut pas me reprocher de ne pas avoir pris des mesures. Les contrôles renforcés des accès, les photos sur les cartes des abonnés, j’ai quand même vécu la fermeture d’une tribune, ce n’est pas rien. Après c’est vrai que c’est peut-être mieux passé parce que c’était moi. Un autre aurait eu plus de mal. Francis Graille par exemple, il a fait de bonnes choses, mais il était moins légitime que moi.

Dans votre livre, il y a cette phrase terrible : « Dorénavant si le PSG perd, je me sentirai coupable. S’il gagne, je n’y serai pour rien » . Vous éprouvez tant de regrets quant à votre action ?

Coupable, disons que c’est ce que je ressentais six mois après. Maintenant, ce n’est plus trop le cas, car avec le recul, j’estime que je me suis bagarré. En fait, j’aurais eu un vrai sentiment de culpabilité si le club était descendu. Je ne crois pas du tout à cette théorie selon laquelle c’était la meilleure chose qui pouvait arriver à ce club. Mais j’étais obligé d’envisager cette possibilité. Je m’étais dit que si on restait en L1, je m’en allais. Et si on descendait, je restais au club. J’avais demandé la même chose à Paul le Guen. J’estime avoir bien fait mon boulot, mais je suis conscient –et bien placé pour en parler de par mon expérience du monde des affaires– que l’on ne peut pas dire ça lorsque les résultats ne sont pas bons. C’est un peu comme un patron d’entreprise qui dirait « je suis vachement fort, mais mon bilan est pourri » . Mais je suis Gémeaux, c’est pour ça que je suis compliqué.

Des “présidents-délégués” comme vous, Pape Diouf ou Jean-Louis Triaud ne sont-ils pas un peu frustrés d’être aux commandes sans vraiment avoir le pouvoir ? De finalement devoir toujours en référer à un actionnaire lointain et pas toujours compétent ?

Le vrai bon modèle, c’est le propriétaire/président. C’est ce que je dis dans le livre à propos de Tapie. Quand j’arrive il a dit : « Cayzac, c’est un mec vachement bien, ce sera un grand président sauf qu’il n’est pas propriétaire du club » . Il avait raison. C’est très difficile. Soit vous êtes un flambeur et vous vous dites : « J’y vais, ce n’est pas mon pognon » . Mais moi, j’étais un bon élève, et lorsque vous êtes un bon élève, ça vous fait chier de dépenser un pognon qui n’est pas le vôtre. Je pense qu’il aurait mieux fallu que je sois plus flambeur, on m’aurait un peu plus pris au sérieux.

En conclusion de ça, si vous voulez tout changer au PSG, il ne faut pas le faire avec des Cayzac. Pour moi le club a un ADN, donc si vous voulez tout bouleverser, il ne faut pas m’écouter. Par exemple, si le PSG ne joue plus au Parc, ce n’est plus le PSG. Si on change le nom ou les couleurs du PSG, je suis mal. Je me trompe peut-être. Je ne pense pas être borné ni passéiste, mais j’ai une telle culture des marques, que si on touche aux chevrons Citroën ou au Crocodile de Lacoste, je ne m’y retrouve plus et je n’achète plus Lacoste. Donc soit on pense qu’il faut évoluer, et là il faut m’écouter. Soit on pense qu’il faut tout bouleverser comme le propose tout un tas de gens qui n’y connaissent rien au foot, eh bien là, je dis « Sans moi » .

Recueillis par Paul Bemer et Rico Rizzitelli

Lire : “Alain Cayzac, Tout ce qu’on ne m’a pas appris à l’école”, Editions du Moment (17,95€)

Lire la première partie de l’entretien

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