CAN ’08 : Très Chermiti
Carthage. Il pourrait pourtant en être le sauveur. Suspendu pour les deux premiers matchs, toute la Tunisie attend son entrée en lice pour une ultime rencontre contre l'Angola qui, sauf cataclysme, s'annonce comme décisive. Chermiti a tout juste 20 ans, mais déjà de grandes dents ...
Cette histoire ne vous rappelle rien ? Un jeune avant-centre pénalisé, dans les pieds duquel reposent tous les espoirs de triomphe d’une Nation ? Témoin du talent insolent du surdoué autant que de la médiocrité de la concurrence, Amine Chermiti, pour un motif qui diverge et à quelques détails près, s’apprête à rejouer le scénario de Rooney chez les Germains, millésime 2006.
Pour sauver la patrie, et pour mémoire, l’Anglais était rentré dès le deuxième match du tournoi – l’affligeant Angleterre-Trinidad – au risque de fissurer son quatrième métatarse du pied droit, tout juste réparé.
Sur le pré, Chermiti rappelle un autre Mancunien, le tectonik avant l’heure Cristiano Ronaldo. Même port altier, comme redressé par sa tignasse gélifiée, même explosivité, même apparente force vitale, et même…propension au plongeon. « Les arbitres du championnat tunisien l’ont à l’œil, indique Bertrand Marchand, son coach à l’Etoile du Sahel. Ils lui reprochent de trop facilement tomber » . « C’est vrai, il peut en rajouter, précise l’ancien entraîneur de l’En Avant de Guingamp, mais son jeu tout en déséquilibre fait qu’il faut peu de choses pour qu’il trébuche » .
Chermiti se révèle en 2006 sous le maillot de la Jeunesse sportive kairouanaise, un club formateur relégué en L2 au terme de la saison. Bertrand Marchand, alors au Club Africain, le repère, mais la pépite lui passe sous le nez, direction l’Etoile du Sahel, le club de Sousse.
En juin 2007, le têtu breton rejoint la perle du Sahel, et récupère le joyau. Travail technique, application de tous les instants, avec Marchand, Chermiti polit son style. Meilleur buteur de la Ligue des Champions (8 buts), le jeune attaquant se révèle aux yeux du continent.
Le 9 novembre 2007, jour de la finale retour disputée sur le terrain d’Al Ahly, double champion en titre, l’Etoile signe une stupéfiante performance en humiliant les Egyptiens (0-3), double champions en titre. Et Chermiti, buteur et premier rôle dans l’exclusion d’un joueur d’Al Ahly, devient le héros de tout un peuple, bien au-delà des faubourgs de Sousse. 13 ans que la Tunisie bavait devant le prestigieux trophée …
La force de Chermiti vient de son intarissable activité sur tout le front de l’attaque. L’aiglon se déplace de gauche à droite, crée des brèches, ne manque jamais de sacrifier au pressing défensif, et son explosivité en fait un joueur de profondeur redoutable. « Ce n’est pas un renard des surfaces, mais il sait trouver les espaces » précise Jallel Mestiri, journaliste au quotidien La Presse.
Des clubs européens sont d’ores et déjà sur les rangs. Rennes, Marseille, le Herta Berlin ont été évoqués. En attendant mieux ? « Selon toute probabilité, il va partir en Europe au terme de la saison, indique Bertrand Marchand, mais aujourd’hui je ne le vois pas s’imposer dans une grande écurie » .
Marchand, qui s’y connaît en grands attaquants, pour avoir dirigé Didier Drogba à Guingamp, estime que le jeune Tunisien doit encore progresser techniquement, « dans ses prises de balle dans toutes les positions » , afin de s’éviter des efforts inutiles avant de se présenter devant le gardien.
Mais dans une attaque tunisienne orpheline d’un match winner (Santos décrépit à Toulouse, et le caractériel Jaziri est black-listé), Chermiti fait déjà figure de Messie. Malgré son exclusion face au Soudan et ses deux matchs de suspension (pour un crachat, une contestation, les versions divergent), le bon Roger le couche en décembre sur sa liste, aux côtés de sept de ses coéquipiers de l’Etoile. Certains y voient une concession du coach normand à la pression populaire, ce que rejettent Marchand et Mestiri. « Sa fin de saison a plaidé pour lui, c’est tout » .
Malgré son allure de poids plume, avec ses 66 kilos tout mouillés, Chermiti peut mordre. C’est en tout cas la version de Mohammed Bachotbji, défenseur du Club Africain, qui présenta à la presse son pectoral bleui suite à un duel prétendument carnassier avec le jeune héros.
Pour Marchand, Bachtobji – ancien pensionnaire du centre de (dé)formation du PSG – a surtout voulu faire le malin quatre jours après la finale de Ligue des Champions. « Tout au plus, il l’a pincé » . « Oui, Chermiti peut être impulsif mais la version de Bachtobji, je n’y crois pas » appuie Mestiri.
Les images tendent à prouver le contraire. Mais qu’importe, il ne faut pas toucher au bon soldat Chermiti. « Un joueur qui a la tête sur les épaules. Il a son bac, et aujourd’hui il poursuit ses études à l’Institut du sport » souligne Mestiri. Surtout sa bouille encore enfantine lui assure une grande cote de popularité auprès des kids. « C’est la coqueluche des gamins. Ils aiment les joueurs de petite taille (1,76m), qui n’ont peur de rien. Ils perçoivent l’enfant qui est encore en lui » .
En quelque sorte, Chermiti, comme Kinder, c’est l’ami des enfants, petits et grands. Ca tombe bien, Tunisie-Angola se jouera à l’heure du goûter (18h).
Par Thomas Goubin
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