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CAN ’08 : Man’U chaud pour Manucho

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CAN ’08 : Man’U chaud pour Manucho

A quatre minutes près, l'Angola mènerait grand train dans le groupe le plus dense de la coupe d'Afrique (le D). L'égalisation sud-africaine ne remet rien en cause car les Palancas Negras pourraient bien être la sensation inattendue de l'épreuve. Tout comme l'improbable vautour qui leur sert d'avant-centre, Manucho Alberto Gonçalvès, en partance pour Manchester United. Rien que ça !!!

Il faudrait peut-être remonter très loin en arrière pour trouver trace d’un Africain qui brillerait à Manchester, chez les Red Devils. Notre mémoire défaillante nous suggère bien le nom d’Eric Djemba-Djemba mais l’ancien Nantais n’est resté qu’un an chez les Mancuniens avant de dégringoler de Charybde en Scylla. Au Qatar depuis six mois, il n’est même pas retenu par Otto Pfister pour cette Can. Alors quand en décembre, Sir Alex s’est décidé à sortir le carnet de keuchs pour poser un contrat sur la tête d’un attaquant angolais répondant au doux nom de Manucho Alberto Gonçalvès et qui facturera le quart de siècle en mars prochain, on s’est dit que l’ancien d’Aberdeen avait tourné casaque.

Mais le board drivé par les nouveaux investisseurs yankees n’aurait jamais laissé le chef de l’orchestre rouge faire n’importe quoi. La philanthropie et les œuvres sociales n’entrent pas dans les habitudes de la maison. Et puis, il y avait Queiroz, l’entraîneur fast-food de la Maison blanche madrilène, l’adjoint zélé de Ferguson qui dirige les entraînements et donne du grain à moudre à Jean-Pierre Papin. Jusqu’alors la filière lusophone s’était cantonnée aux Portugais avec parfois un léger détour par le Brésil. Mais l’Angola ?

A la base, c’est vrai, Manucho ne vient pas tout à fait de l’eldorado du football mondial mais aujourd’hui personne n’est à l’abri d’être recruté par un grand club européen. Rayon scouting, Carlos Queiroz, fort d’une vie de globe-trotter qui l’a emmené dans une quinzaine de pays, ne cotise pas chez rabouin.

Ses correspondants angolais lui ont d’abord signalé un grand échalas de 188 centimètres (modèle vautour batave, sauce Van, Basten ou Nistelrooy) qui enquille 69 buts en soixante matchs au Benfica…de Luanda et à l’Atletico…Petroleos de Luanda. Pas de quoi pavoiser mais l’escogriffe commence aussi à faire parler de lui en équipe nationale. « Depuis qu’il est là, notre jeu a pris une autre ampleur. On se complète à merveille et on ne craint plus personne. A lui seul, il mobilise deux voire trois défenseurs et forcément j’en profite » s’enthousiasme Flavio Amado, double champion d’Afrique des clubs avec les Egyptiens d’Al-Ahly (hallali ?) qui pourrait concevoir quelque amertume depuis l’arrivée du prodige mais lui sait. Que les Antilopes Noires ( « Palancas Negras » ) peuvent taper n’importe qui sur le continent avec le futur Mancunien. A commencer par la Côte d’Ivoire, en amical avant la Can (2/1) ou l’Egypte secouée au Caïre (3/3) par le duo angolais (avec Amado dans le rôle de Bud Spencer bien sûr).

« Comme beaucoup de jeunes Angolais, mon père m’a initié à la chasse très jeune. Je crois que c’est là que j’ai pu développer des qualités qui me servent beaucoup aujourd’hui comme l’agilité, la coordination des membres et du regard, la vitesse et le coup d’œil. Il inventait toutes sortes de jeu pour que j’acquiers des réflexes et que mon acuité visuelle soit exceptionnelle, il prétendait que quoi que je fasse plus tard dans la vie, cela me servirait… » affirme désormais la sensation angolaise sans risque d’être démenti.

On prête à Manchester l’intention de l’avoir laissé à la disposition des Palancas Negras afin qu’il collectionne les sélections pour ensuite le prêter en ce début d’année à un club grec ou portugais (on parle de l’Olympiakos ou de Benfica) afin de l’aguerrir et surtout de lui permettre de décrocher le précieux permis de travail nécessaire pour évoluer en Angleterre.

Cette signature dans un des clubs les plus prestigieux du monde inquiétait beaucoup en Angola jusqu’il y a peu. On évoquait ce qu’on appelle là-bas le « syndrome ‘Quinzinho’ » . En 1996, alors que les Antilopes Noires sortaient de leur toute première phase finale de Can, Joaquim Alberto dit « Quinzinho » , la vedette de la sélection, signe dans la foulée à Porto (loin d’être à l’époque la machine de guerre inoxydable de Mourinho). Too much, too soon. L’attaquant n’y reste qu’une saison avant d’écumer le championnat portugais puis chinois en changeant de club à chaque fin d’exercice. « Manucho est fait d’un autre métal que ‘Quinzinho’, prétend Luis Gonçalvès de Oliveira le sélectionneur national. J’ai été à deux doigts de le retenir pour le Mondial allemand. Je crois que c’était une erreur (de ne pas l’avoir fait Ndlr). Je le trouvais trop jeune mais il est incroyablement mature. Son mental est terrible, il ne craint personne. Sa coordination est phénoménale, ce mec n’a pas de limites et cela nous permet d’envisager tous les possibles » . Sans l’injuste autant qu’incroyable égalisation du milieu de terrain sud-af’ van Heerden mercredi dernier, il aurait été l’artisan de la victoire angolaise contre les Bafana-Bafana.
Les Palancas Negras, longtemps méprisées par l’aristocratie du foot africain, boivent du lait depuis une paire d’années. L’âge d’or pourrait peut-être même s’étendre encore deux ans puisque l’ex-colonie portugaise organisera la prochaine Can en janvier 2010. Après des années de disette, les protégés de Gonçalves de Oliveira voient enfin le bout du tunnel.

A l’automne 2004, le nouveau sorcier angolais s’est tout d’abord lancé dans une vaste entreprise de lavage de cerveau de ses joueurs les plus chevronnés. Abonnés aux défaites à répétition, ces derniers devaient rompre avec leurs « mauvaises habitudes » . En plus de convoquer une petite dizaine de jeunes espoirs pas encore contaminés par cette dynamique de la déroute, Oliveira organisa donc en plein été une sorte de stage commando en bordure du désert du Kalahary. On ne sait pas s’il y a un lien de cause à effet mais depuis l’Angola ne cesse de surprendre.
Les Palances Negras ont commencé par se qualifier, pour la première fois de leur histoire, au Mondial 2006 au détriment du Nigeria. Ce ticket pour l’Allemagne donnait également droit à un billet d’entrée gratos pour la Can égyptienne d’il y a deux ans, leur troisième seulement.

Après une défaite d’entrée contre le Cameroun (pour cause de timidité maladive), les Angolais tiennent la RDC de Nonda en échec avant de battre leurs collègues mondialistes du Togo(3/2) pour ce qui demeure, avant aujourd’hui, leur seule victoire dans une compétition continentale. Ils rateront la qualif’ en quarts pour un but au goal-average tout comme ils n’accèderont pas au deuxième tour outre-Rhin pour des broutilles (deux nuls contre le Mexique et l’Iran et une courte défaite contre le Portugal).

Les Palances Negras arrivent donc dans ce Ghana 2008 avec le low profile de ceux qui trimbalent le doute dans leur porte-bagages depuis lurette mais avec le surplus de confiance que confère une troisième qualification de suite pour les tournois qui comptent. Mieux : avant le Mondial sud-africain, les escadrilles du Continent Noir en découdront entre Luanda et Lubango en janvier 2010 et cette perspective, pour les Antilopes, laissent en outre augurer des lendemains qui pogotent.

Mirius Yifter

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