Brésil et Argentine, le jour et la nuit
Avant, pour voir l'Argentine et le Brésil, il fallait attendre quatre ans, soit la Coupe du Monde de Football. Aujourd'hui, à l'heure d'Internet et de la TNT, leurs matchs en éliminatoires d'Amérique du Sud sont visibles un samedi soir de week-end de fête des mères, d'élections européennes et de sacre à Roland pour Roger Federer. La vie est bien faite.
A Montevideo, le Brésil a vaincu l’Uruguay 4 buts à 0. S’emmerde pas le Brésil, pas le genre de la maison. Daniel Alvès, sur une frappe lointaine, merci le rebond ; puis Juan, de la tête, merci le marquage ; puis Luis Fabiano, sous la barre, merci la praline ; puis Kaka, sur pénalty, merci l’arbitre. Et surtout, merci Julio César, meilleur joueur de la rencontre, auteur de parades de grande classe et autres réflexes assez bluffants. Le Brésil est donc en tête de la zone Amsud, à égalité de points avec le Paraguay, 24. Suivent le Chili, vainqueur au Paraguay, avec 23 points, et l’Argentine, avec 22. Les 4 premiers du classement sont qualifiés pour la coupe du monde. Le cinquième, l’Uruguay, a 5 points de retard, à 5 journées de la fin. Brésil, Paraguay, Chili et Argentine devraient être au rendez-vous. L’Argentine a lavé l’affront subi en Bolivie et validé sa quatrième place ainsi que son avance, face à la Colombie, au Monumental, sur la plus petite des marges, 1-0, but de Daniel Diaz, le joueur de Getafe, suite à un corner. S’emmerde pas l’Argentine, pas le genre de la maison.
Pour vaincre l’Uruguay comme les autres, le Brésil jouait en 4-4-2 trapèze. Classique de chez classique pour les Auriverde. Une charnière empruntée mais solide, Lucio et Juan ; des latéraux à fond sur les lignes, Alvès et Kleber ; des milieux relayeurs et travailleurs, Gilberto Silva et Elano ; deux meneurs excentrés mais au centre des débats, Felipe Melo et Kaka ; deux attaquants véloces et futés, Robinho et Luis Fabiano. Cinq paires de talent(s) qui font 4 buts, 2+2=5, et une formule à toute épreuve pour Dunga. La recette est maitrisée sur le bout des protège-tibias, les paires se cassent et se reforment à loisir en fonction des meilleurs éléments et le Brésil avance tout en certitudes, possession de balle, passes latérales et soudaines accélérations létales. C’est mignon et charmant, voire efficace tant que la récupération de balle est assurée. Sinon, c’est juste du foot de Bisounours.
Diego Maradona, lui, avait aligné ses pions selon un schéma obsolète. « La modernité réside dans le fait d’être anachronique à son époque » , ou un truc comme ça, disait Rolland Barthes, et donc un 3-4-3 pour les Argentins. Plus personne ne joue dans ce machin-là, alors Diego en a évidemment fait son nouveau crédo. Trois tueurs à gages derrière, Demichelis en libéro, Diaz à sa droite et Heinze à sa gauche ; trois nettoyeurs au milieu, Mascherano au cœur, Gutierrez à sa gauche, Gago à sa droite ; Veron en meneur -quand on vous parlait d’anachronisme- en l’absence de Riquelme -quand on vous parlait d’anachronisme (bis)- et trois danseurs de tango devant, Messi, Aguëro et Tevez. On a rarement vu composition plus intense. Concrètement, Demichelis et Mascherano verrouillent l’axe, autour d’eux, Heinze et Diaz, nettoient les saloperies, Gago et Gutierrez récurrent les bords, Veron contemple l’état des travaux, et les trois de devant se passent le chiffon. Parce que faut bien le dire, c’est sale. Les mecs mettent des coups, jouent au pas, ont du mal à enchainer trois passes et gagnent sur un but dégueulasse suite à un corner mal géré par la défense adverse. Superbe. Parce que l’Argentine sale, c’est encore ce qu’il y a de plus beau.
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