Bleus : Je t’aime à l’italienne
1998, quarts de finale de la Coupe du Monde, France-Italie. Demetrio Albertini : «Nous avons accouché d'un monstre». Dix ans plus tard, les sœurs latines se retrouvent, une fois de plus, pour, peut-être, sauver leur peau. Sauf que cette fois, aucun joueur français n'évolue dans le Calcio.
Ainsi, lors des deux premiers matchs de la France dans cet Euro, aucun joueur hexagonal présent sur la pelouse ne représentait un club italien. Mieux, parmi les 23, on en compte seulement deux, Sébastien Frey et donc Patrick Vieira. Encore mieux, parmi les recalés de Raymond Domenech, les plus discutables ambiançaient cette année la péninsule : Trézéguet, Méxès et Giuly (bon y’a bien Zébina aussi, mais comme tout le monde, sans trop l’avoir vu jouer, avait décrété qu’il était nul). Pire, Matthieu Flamini, pour avoir quitté la pouponnière d’Arsenal et choisi de rejoindre les rangs du Stendhal, se verra offrir une double éviction du groupe en route pour la déroute. Alors, que doit-on en déduire ?
1. Domenech n’aime pas le Calcio.
2. Le Calcio a perdu de sa superbe, c’est un championnat suranné.
3. Ceci n’est que coincidence et théorie foireuse, une de plus.
4. On s’en fout.
5. C’est normal, Domenech ne fait pas d’erreurs, mais seulement des choix. Il a suivi une logique jusqu’au bout.
6. Estelle aurait besogné durant son année Erasmus romaine avec le doux Paolo, et comme Raymond est rancunier.
7. Raymond voulait se démarquer de Donadoni, et comme l’a démontré Chérif, pour ce faire, il ne lui restait plus grand chose…
Une de ces raisons n’est peut-être pas si éloignée de la réalité. Voire plusieurs d’entre elles. Toujours est-il que l’EDF ne compte aucun footballeur exerçant son métier dans l’autre pays du catenaccio. Oui, l’autre pays du catenaccio. Parce que tout l’intérêt de ce constat est là.
La France, en se privant du savoir-faire acquis dans le championnat réputé le plus exigeant du monde, renie de fait ses origines. Car, comme le disait Demetrio Albertini, la France, c’est bel et bien le bébé de l’Italie. 1998, la Coupe du Monde et tout ça tout ça, c’est avant tout Desailly en mode Milan Ac, Dédé et Zizou de la Juve, Youri de l’Inter, Thuram de Parme, et tutti quanti. Tous ces mecs, ils l’avaient avoué eux-mêmes, après avoir appris à jouer en France, étaient partis comprendre la gagne en Italie. D’où la rebelote en 2000. Sit on top of the world.
S’en était suivie une Edf plutôt Premier League en 2002 et 2004, Henry, Gallas et Santini, les résultats s’en étaient ressentis. En 2006, la France, après s’être fait flipper d’entrée, avait renié avec son ADN. Domenech avait laissé ses hommes forts (re)prendre les choses en main, Patrick Vieira, alors à la Juventus Turin, et Zinedine Zidane, davantage dans le registre de celui qui était le sien au sein de la Vieille Dame que du Real Madrid (profitons-en pour clore le débat, le meilleur joueur de tous les temps, c’est celui que serait devenu ZZ s’il était resté à Turin au lieu de prendre sa préretraite au Real). L’Edf s’était alors relancée, avait retrouvé ses valeurs puis sa sœur jumelle en finale, pour un affrontement forcément incestueux.
Aujourd’hui, en 2008, Michel Platini, supporter de la Juve avant tout (encore une preuve de la nécessité pour la France de regarder ce qu’il se passe de l’autre côté des Alpes si elle veut réussir), ne doit pas être le seul à déplorer l’absence de Trézéguet. Michel doit vraiment prendre sur lui pour supporter cette équipe de France. Mais si la défaite venait à arriver, sa consolation serait toute trouvée. En face, ils évoluent quasiment tous dans le Calcio…
Simon Capelli Welter
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