Ben Khalfallah goes to L1

Flamber dans l’antichambre de la L1 n’a jamais constitué un gage de réussite à l’échelon supérieur. Samuel Michel, Lionel Rouxel, Jean-Pierre Orts et bien d’autres pourraient en témoigner.

La donne semble néanmoins avoir changé, surtout pour un nouvel archétype de joueur : le retardataire à la maturation lente, voire chaotique. Sont visés, Steve Savidan, Franck Ribéry, Mickaël Pagis, Didier Drogba ou Mathieu Valbuena.

En cause, des sales caractères, une belle propension à l’instabilité, des physiques hors-normes, des sales habitudes alimentaires (Didier Drogba et ses collations au Mc Do), en bref le refus ou l’incapacité à se formater. Généreux dans l’effort, bon coéquipier, et doté d’un mental solide, le profil de Fahid Ben Khalfallah ne se conforme pourtant pas à ceux qu’il voudrait imiter, en brûlant les planches de la Ligue 1. Alors quoi ?

Le numéro 10 angevin fait ses armes à Perronne, paisible ville de la Somme. A 17 ans, il flambe en CFA 2 mais accuse déjà un train de retard sur la jeunesse dorée des centres de formation. La moustache la plus fournie du foot français vient alors le chercher en voisin. Denis Troch, maître d’ouvrage de l’Amiens SC, tâtonne avec le jeune homme. Il l’affecte à la récupération, avant de trouver sa place idoine, milieu offensif excentré (à droite), comme les “Marseillais” Valbuena et Ribéry. L’OM a d’ailleurs déjà manifesté son intérêt au mercato d’hiver pour le percutant numéro 10. « C’est le club que je supporte. Mais de l’intérêt à une proposition il y a un monde » commente lucidement l’intéressé.

Reste que d’Amiens à la Ligue 1 la route est longue. Lors de sa dernière année en Picardie, saison 2004-2005, le milieu de terrain se voit relégué sur la touche par Alex Dupont, le successeur de Troch.

Ben Khalfallah, pas du genre à perdre son temps quand il n’est pas sur les terrains, en profite pour reprendre les études qu’il avait cessées. Quand Denis Troch était venu le chercher, c’était l’année du bac (qu’il obtiendra), et il songeait à s’inscrire en fac de STAPS ou d’économie. Cette fois il opte pour un diplôme universitaire de gestion des organisations sportives, avant de succomber une nouvelle fois à l’appel de la Moustache, et de rejoindre Troch à Laval.

Au terme de la saison, les Tangos sont relégués en National. Fahid reste. Une étape mayennaise qui lui a été bien profitable selon le désormais coach de l’ESTAC : « Quand je l’ai pris à Amiens, c’était un Pacman, capable de manger énormément. Mais il lui a fallu du temps pour digérer. Sortir de son cocon amiénois l’a aidé à progresser » . L’ex adjoint d’Arthur Jorge précise : « Aujourd’hui il peut faire une saison pleine. Avant il avait tendance à partir très vite, et à s’essouffler. Il a optimisé la gestion de ses quatre poumons » .

Après Laval, que Denis Troch quitte avant le terme de la saison, le milieu droit réserve ses dribbles déroutants, tout en percussion, au voisin angevin. Décidément, le Franco-Tunisien aime les destinations funky. Dans une équipe irrésistible, qui sur la lancée de sa montée en L2 flirtera pendant la première moitié du championnat avec les strapontins vers la Ligue 1, le Picard franchit un nouveau palier : « Je me suis efforcé à me montrer plus décisif, à ne plus faire le dribble de trop » .

Cette saison, Khalfallah totalise 6 buts et neuf passes décisives. Le Franco-Tunisien se fait également remarquer en Coupe de France, où il signe un doublé face à Nice et déroute l’arrière-garde sudiste avec son compère d’attaque Paul Alo’o Efoulou, venu, lui, de l’Entente Sannois Saint-Gratien (10 buts en L2).

Cette première moitié de saison prometteuse attise les convoitises des chasseurs de têtes dès le mercato hivernal. Saint-Etienne, Lorient, Toulouse, Rennes, et donc Marseille sont cités parmi les prêts à parier sur Ben Khalfallah et ses 25 ans. Ce dernier est également approché par Roger Lemerre, qui lui propose de coucher son nom sur sa pré-sélection pour la CAN.

Désireux de vivre pleinement et jusqu’au bout l’aventure angevine, le percutant milieu, bien que flatté, repousse l’offre de Lemerre comme celles des clubs qui lui font la cour, tout en revendiquant son ambition de gambader sur les prés de l’élite dès la saison prochaine, et d’intégrer les rangs des Aigles de Carthage après la CAN.

« Je ne me hasarderai pas à prédire sa réussite en L1, mais il a les qualités pour s’y épanouir : il va très vite, élimine, et défend bien » juge Troch.

Pleinement heureux de son sort, mais ambitieux, Ben Khalfallah a arrêté les conneries (les études donc), et mène aujourd’hui la vie d’un pur professionnel : « Je fais les magasins, je joue au poker, aux jeux vidéos » . Pas à Pacman quand même ?

Thomas Goubin