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Ave, Cesare Prandelli

Par Adrien Candau
4 minutes
Ave, Cesare Prandelli

Usé par son retour sur le banc de la Fiorentina, Cesare Prandelli a démissionné mardi de son poste d'entraîneur, une « ombre » cramponnée au cœur et avec la conscience que sa carrière d'entraîneur « pouvait se terminer ici ». Une élégante révérence, à l'image d'un type dont la sensibilité et la délicatesse ont souvent transpiré jusque dans le jeu de ses équipes.

Cesare Prandelli se plaît souvent à citer cette formule de Giovanni Trapattoni : « L’entraîneur est un condamné à mort, qui ne connaît jamais l’heure de son exécution. » Pour devancer la guillotine, le natif d’Orzinuovi a donc souvent décidé de faire le sale boulot lui-même. Ainsi, on l’a vu démissionner de son poste à Lecce, au Hellas Vérone, à Valence ou encore de son rôle de sélectionneur de la Nazionale, sans jamais réclamer d’indemnités. « L’argent n’a jamais été une priorité », a souvent appuyé Prandelli. On serait d’ailleurs tenté de croire que ce n’est pas pour les billets verts que le bonhomme était revenu au début du mois de novembre sur le banc de la Fiorentina, mais bien pour tenter de relever un club alors posé à une décevante douzième place de Serie A. Quatre mois plus tard, rien ne s’est vraiment arrangé : les Violets pointent à la quatorzième place et ne cessent de proposer un football aussi inconséquent qu’incohérent collectivement. Trop dur à vivre pour Cesare Prandelli, qui a décidé de quitter précipitamment son poste mardi.

Un plasticien avant d’être un entraîneur

Ce revers-là n’est pas anodin pour Prandelli. La Fiorentina, après tout, a été le club de son apogée. De 2005 à 2010, il avait hissé les Toscans à la 4e place de la Serie A à deux reprises, obtenant une qualification en Ligue des champions au passage. Il avait également emmené les Violets en demi-finales de la C3, en 2008. Mais c’est tout autre chose que l’on retiendra prioritairement de Cesare Prandelli. À savoir sa profession de foi. « Au fond de chaque footballeur, il y a la volonté de gagner. C’est à l’entraîneur de lui faire comprendre qu’il peut y arriver en jouant bien », racontait-il alors en novembre 2012, alors qu’il venait d’emmener quelques mois plus tôt une Italie enthousiasmante et entreprenante jusqu’en finale de l’Euro. Quand Cesare Prandelli parvenait à se faire comprendre, justement, ses équipes finissaient inlassablement par lui ressembler. Sophistiquée et épicurienne, sa Fiorentina jouait une distinguée symphonie collective, jamais obsédée par la recherche vulgaire du résultat. Son avant-centre, Alberto Gilardino, point de terminaison d’une formation chic, mais pas prétentieuse, fêtait ses pions en jouant du violon. Cette équipe-là était harmonieuse, généreuse et solaire, comme un après-midi toscan qu’on savoure langoureusement, à l’ombre d’une rangée de cyprès. Peut-être plus plasticien qu’entraîneur, Prandelli a de fait toujours fait les choses dans les règles de l’art. Son personnage, honnête, didactique avec les supporters comme avec les médias, s’accommode mal de la grossièreté et des formes mal mises, des petites bassesses susurrées au creux de l’oreille, mais aussi des promesses trahies.

« Probablement que ce monde ne me reconnaît plus… »

En revenant à la Fiorentina, il n’a jamais pu tenir celles que son second mandat au club pouvait laisser pressentir. Il a été le premier à l’assumer dans une lettre fleuve qu’il a adressée aux tifosi : « Je n’arrive plus à être celui que je suis en ce moment. J’ai entrepris cette expérience avec joie et amour, motivé aussi par l’enthousiasme du nouveau propriétaire du club. C’est probablement l’excès d’amour pour la ville qui m’a aveuglé quand les premiers signaux de détresse apparaissaient… » Difficile de connaître l’origine précise de cette sinistrose. À entendre Prandelli, le football aurait changé, et lui serait resté à la traîne. « Une ombre a grandi en moi ces derniers temps. Elle a même changé ma façon de voir les choses… Je suis conscient que ma carrière d’entraîneur peut se terminer ici, mais je n’ai et je ne veux pas avoir de regrets. Probablement que ce monde dont j’ai fait partie toute ma vie ne me reconnaît plus. Il va plus vite que ce que j’imaginais. Je crois que le moment est venu de m’arrêter, pour retrouver qui je suis vraiment. » Sa méthode, tenante d’une vision du football délicate et sensible, tire peut-être sa révérence avec lui. Où ira désormais Cesare Prandelli ? Sûrement à Orzinuovi, la commune du village de son père, où il réside quand il n’est pas en mission sur un banc. Là-bas, de la fenêtre du premier étage de sa maison, il peut apercevoir le terrain de foot à sept de l’oratoire local, où s’exercent quotidiennement des bambini. « Avant, il y avait des arbres tout autour de l’ancienne structure de l’oratoire, confiait-il en 2018. Mais ils ont décidé de tout raser. Je crois qu’au passage, un peu de poésie a été perdu… »

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