Aux racines de Hoarau
Il est trop grand, trop maigre, trop jeune, mais il est le deuxième buteur de Ligue 1, avec déjà 11 réalisations, ravivant la flamme du Parc des Princes et du club de la capitale. Guillaume Hoarau, réunionnais un peu trop cool en apparence, a pourtant déjà tout d'un grand. Retour sur un parcours un peu foutraque, pas vraiment académique, mais qui sent bon la mer. Là-bas, à Saint-Pierre.
Guillaume Hoarau, la banane planteur, n’était pas à proprement parler promis à un avenir de winner au départ. Né à 11000 kilomètres du Camp des Loges, coordonnées 21° 09′ S 55° 30′ E, nichée dans le sud-ouest de l’Océan Indien, sur l’Ile de la Réunion, il était plutôt parti pour carrer son ennui sur les plages du 974 ou, au pire, trouver un job au Port – le ghetto de l’île. Mais voilà, le bonhomme a voulu jouer au foot et plus précisément au club de Saint-Pierre. Deuxième commune de l’île, la grande rivale de la capitale du Nord, Saint-Denis, possède un avantage certain : son association sportive historique, la Jeunesse Sportive Saint-Pierroise, entraîné par Patrice Segura, ancien pro du TFC et du PSG – encore eux.
Car, comme on le dit là-bas, ce club c’est un peu le Marseille de la Réunion. Situé dans l’extrême sud de l’île, le club déchaîne les passions et sort les – presque – seuls joueurs capables de se faire un nom dans les grands championnats. Car la JSSP n’est pas qu’une de ces petites équipes d’outre-mer dont la nonchalance fait sourire et amuse. On lui doit aujourd’hui plusieurs joueurs talentueux, qui, lentement, s’insinuent dans le paysage du football international, Guillaume Hoarau, Florent Sinama-Pongolle ou encore Christophe Mandanne (Tours, Dijon, Reims). La raison de cette émergence ? Un partenariat avec Le HAC, lanterne rouge, mais rampe de lancement pour les joueurs de la Réunion. Le club normand permet ainsi aux jeunes footballeurs d’effectuer plusieurs stages de préparation, piochant à l’envie dans le vivier de talents, et autorisant les petits créoles à rêver de destins européens.
« Ma carrière a débutée à la Réunion, à l’âge de 19 ans. Je n’ai pas connu de centre de formation car je jouais à Saint-Pierre, sur mon île natale. Mon parcours a été couronné de chance et de réussite. À 19 ans, le monde pro était loin de moi. Un partenariat entre le Havre et Saint-Pierre m’a alors permis d’effectuer un essai en Normandie. Quand tu quittes ta famille à 19 ans, pour la France et en plus, en plein mois de janvier, c’est vraiment dur. Je savais qu’il fallait que je tienne car cela me rendrait plus fort. J’ai tenu et aujourd’hui je suis fier de mon parcours » , racontait-t-il dans une interview accordée au site psg.fr.
C’est sûr que quand on en est encore à enfiler les buts en D1 réunionnaise à 19 ans, les rêves de carrière internationale semblent loin, très loin. Déjà à ses débuts, lorsqu’il n’est que jeune joueur à Saint-Pierre, tous les yeux sont tournés vers Florent Sinam-Pongolle, recruté dès l’age de 11 ans par le HAC. Quant au grand Guillaume, il est trop maigre, spécial, mais pas assez. « Guillaume était très mince. On avait peur qu’il ne supporte pas les charges de travail » se souvient Yves Dupuy, ancien directeur du pôle d’entraînement des joueurs réunionnais.
Retour à la case départ pour la grande gigue, pendant que Florent s’éclate avec l’Equipe de France des moins de 17 ans. C’est finalement Patrice Ségura, entraîneur de la JSSP, qui convainc les recruteurs du Havre de le revoir. C’est le début du professionnalisme, à 20 ans, âge auquel certains étaient déjà champions du monde. Mais encore une fois, ça ne passe pas et le jeune homme est prêté à Gueugnon pour la saison 2006-2007 avec seulement 8 buts et un sauvetage in extremis de la relégation. C’est finalement de retour au Havre que le gaillard explose avec 38 matchs et 28 buts.
« Il a un grand désir de réussite. Il se remet en cause en permanence et puis surtout il a énormément travaillé son physique à l’entraînement car ce n’est pas évident de bouger sa grande carcasse » avoue Jean-Marc Nobilo, ancien directeur du centre de formation du HAC.
Guillaume Hoarau fait depuis le début de la saison le bonheur de Paris, en s’installant même, de temps à autres, à la tête des meilleurs buteurs du championnat et en s’étant en plus offert le luxe d’un doublé face à Marseille. Un parcours comme un destin qui promet encore de belles choses pour l’avenir. Quant à lui, comme à son habitude, c’est avant tout un profil bas et une absence de langue de bois qu’il sert. « Le chemin est très long, je suis simplement entrain de prendre mes marques. » Un jeune mec avec comme un air de vécu et de galère, ça ne peut pas faire de mal.
Julien NODOT
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