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Argentina mon amour – La musique du dimanche

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Argentina mon amour – La musique du dimanche

Le football devrait toujours se jouer le dimanche. En Argentine, la semaine n'est parfois qu'une longue attente de la grande messe dominicale. Le jour de la catharsis collective, le jour des clasicos – les Independiente/Racing, les San Lorenzo/Huracan, les Lanus/Banfield - le jour où l'on va au stade avec son père, ses amis, sa copine, en Argentine, c'est le dimanche. Plongée au cœur d'un dimanche argentin idéal.

Le réveil sonne. Midi, une heure, minimum. Le soleil brille depuis déjà bien longtemps, l’écho d’un « tum tum chi » de cumbia ou de reaggaeton monte de la rue – où est-ce dans mes oreilles ? –, dur de se réveiller si “tôt”. Car quand tu sors à Buenos Aires un samedi soir, tu reviens quand même très rarement avant 8h du matin. Mais bon, malgré la fatigue, malgré le fernet (apéritif local), tu te lèves car on est dimanche, début d’après midi, c’est le jour d’aller au stade, à la cancha (1).

Maté ou café, au choix, en parlant du match, de la compo – Palermo suspendu, qui va jouer en numéro 9 ? –, et puis très vite, il faut aller prendre un colectivo sinon on risque de rester devant la porte du stade.

Le 152 ou le 168 me déposent à cinq minutes du stade. C’est parti pour 45 minutes de bus, tranquille au début et puis plus on avance plus le bus se remplit de supporters tout en bleu et jaune, les couleurs de Boca.

Dans le 152 c’est déjà la Bombonera. Un type lance un premier chant, tout le colectivo reprend en cœur, en frappant le rythme sur le toit, sur les sièges, sur les fenêtres. C’est bondé, le bus déborde littéralement, prêt à exploser. Putain, les jours de gros match, comme dirait Woody Allen, ça te donne envie d’ « envahir la Pologne » .

Aujourd’hui, c’est donc Boca – Independiente. Descente du bus, à côté d’un immonde terrain vague qu’il faut traverser pour arriver véritablement dans le quartier de la Boca.

De la poussière, des déchets partout, des types qui te sautent dessus pour te revendre des places. Et là, à mi-chemin, comme une claque dans la gueule, surgit la Bombonera, le stade, le mythe, construit au milieu de son quartier, bleu et jaune, comme les couleurs des petites maisons de la Boca.

Restent encore quelques centaines de mètres à parcourir mais déjà la foule se fait plus massive, le nombre de flics aussi et les tambours et les chants commencent à raisonner dans l’enceinte et à envahir les rues autour.

Tout le monde se dirige vers la cancha, les socios, les vendeurs de drapeaux et des fameux parapluies. Ceux qui entreront et ceux qui se feront refouler. Le père et son gosse, des femmes, des vieux. Le hincha en mode jogging – maillot de Roman – immonde queue de rat. Le touriste roux qui ne passe pas du tout inaperçu et le vieux pochtron. Tout le monde.

Carte d’identité et place à la main, on rentre dans le couloir de grilles qui conduit jusqu’au stade à travers les rues du barrio, comme on fait rentrer des lions au zoo.

Il y a ceux qui ont leur place et qui sont dedans et ceux à l’extérieur qui grattent peso par peso pour pouvoir espérer se payer une entrée dans la popular.

Arrivée à la porte numéro 12, celle de la Doce, des ultras. Il ne reste plus que deux étages pour y être. La tribune est pleine à craquer, de quoi rendre folle la FIFA.

Dans la Doce, il n’y a pas de sièges, pas de places attribuées, tout le monde est debout sur les rangées de béton, ce qui fait que le club doit parfois vendre le double des places théoriquement disponibles. Ce qui fait aussi que parfois tu rentres vingt minutes après le début du match.

Par chance, aujourd’hui on est en avance et on peut profiter de l’ambiance d’avant-match. Peut-être le meilleur au fond, un peu comme au ciné, les bandes annonces et l’attente du film.

La Bombonera c’est simplement beau, c’est coloré, bleu et jaune, c’est la joie, les tambours, le soleil. Ça sent l’herbe, les hamburgers bien gras, la transpiration. Sous le tifo, avec les émanations de fumée et la chaleur, c’est parfois même irrespirable.

Au milieu de Buenos Aires l’européenne, là, pas de doute, tu sais que tu es en Amérique du Sud. Les Xeneize rentrent sur le terrain, tout le stade se lève, les petits papiers blancs s’envolent et la Bombonera, enfin, explose en chantant « Boca, mi buen amigo, esta campaña volveremos a estar contigo… » .

La balle est au centre du terrain, l’arbitre regarde ses assistants, et pour citer le regretté Fontanarrosa, « on donne le coup d’envoi de ce match pour profiter de ce jeu auquel, en Argentine, mieux nous jouons, et plus il nous plaît » .

1 – Le stade en espagnol

Par Pierre Boisson, à Buenos Aires

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