Après les Footix, place aux Rugbyx ?
France-Féroé ou pas France-Féroé ? A cette heure, on ne sait toujours pas si le match aura bien lieu because pluie, brouillard et giboulées sur Thorshavn. Par contre, sauf cataclysme, France-Angleterre c'est bien pour ce soir. France 2007 aussi glorieux que France 98 ? Pourquoi pas ! Une précaution quand même : soutenez bien les Bleus sinon les rugbyx ruineront votre oxygène...
Un Footix, qu’est-ce que c’est ? Footix, c’était la mascotte de la Coupe du monde 1998, un coquelet obèse tout bleu au sourire idiot. A ne pas confondre avec l’autre mascotte, Jules, coquelet plus svelte tout bleu au sourire faux-cul. Par extension, les “footix” c’est devenu en 98 ces supporters des Bleus qui ont pris le train en match (après la victoire contre l’Italie, très précisément). Peinturlures tricolores sur les joues, maillot bleu sur les épaules juste acheté hier et révision expresse de la Marseillaise ( « Contre nous de la tirelire » , c’est bien ça ?)…
Aucun mépris pour ces nouveaux supporters quand même sincères et enthousiastes. L’horreur, c’est que le footix, souvent totalement ignare en matière de ballon rond, la ramenait partout : au bar, au boulot, en famille ou chez ses potes ! « Djorkaeff, il est nul ! » , « Si on développe sur les ailes, on va niquer les Croates ! » , « Quand Barthez y relance à la main, c’est mieux que les dégagements au pied ! » , « Moi, à la place de Jacquet, j’prendrais pas Karembeu en deuxième mi-temps, faut juste le faire jouer au début ! » … Arrrrghh ! C’est l’autre horreur avec le footix : il a toujours raison. Parce que vous qui “connaissez” un peu le ballon, vous avez été raisonnablement réaliste avant la Coupe du Monde, vous avez fait part de vos réserves sur les chances des Bleus de la gagner, soulignant que l’équipe de France a de la qualité mais que la concurrence est costaude…Malheur à vous ! Les Bleus battent la Croatie : au yeux de vos amis les footix, vous êtes une merde : « Alors, hein ?! T’as vu qu’l’équipe de France, c’est une super équipe ! T’as vu Thuram ? C’est un super avant-centre ! Deux buts, Lilian ! T’y connais rien, mon pote ! » La honte. En plus, le footix apprend vite les prénoms, les surnoms des joueurs : les Bleus, c’est ses vieux potes.
France-Brésil : le calice jusqu’hallali. France-Brésil, c’est la finale de rêve : tout le monde connaît le grand Brésil, alors on tremble un peu. Et puis, vlan ! Les Bleus gagnent 3-0 ! Explication finale féroce. « On a un super jeu, on a une super attaque ! » , « On a niqué les Brésiliens pasqu’on s’est pas laissés contrer ! » , « Ben, Ronaldo, fallait pas le laisser démarrer, c’est tout ! » , « Quand Jacquet il a fait rentrer Vieira, j’ai été sûr qu’on allait gagner ! » Et puis, le summum : « Moi, j’ai toujours cru qu’on serait champions du monde ! J’en étais sûr ! » Et 1, et 2 et 3-0 : tout le monde s’adonne au folklore de supporter, « une connerie de beaufs » , comme ils disaient avant, quand vous leur parliez foot et qu’ils vous pourrissaient…
Vous, vous vous félicitez de la victoire finale de Bleus, sauf que vous êtes en état d’arrestation : la police des footix vous accuse d’être un collabo, un traître. Rigolent pas, les footix : z’ont vu Jacquet éructer de haine sur l’Equipe, juste après la victoire contre le Brésil…Vous êtes dead. Et peu importe si la France a joué à domicile, dans un groupe facile au début, qu’elle en a chié grave contre le Paraguay, qu’elle aurait dû jouer à 10 contre l’Italie à cause du coup de coude mortel de Guivarc’h sur Cannavaro, que Boban a joué au con avec Thuram, ce qui amène l’égalisation contre la Croatie, que le Brésil 98 était une équipe très moyenne (ce que vous aviez toujours dit avant le Mondial), et surtout que la France a joué avec un système de jeu hyper défensif qui fera le malheur du championnat de France jusqu’à aujourd’hui…Non, non : fusillé ! « Les Bleus ont gagné 3-0 en finale, donc c’est une super attaque ! T’y connais rien, mon pote ! »
Depuis ce jour, quand vous reparlez foot avec vos amis les footix, ils vous contrent systématiquement, laissant planer la menace, lorsqu’ils sont à court d’arguments, de ressortir votre dossier, « tu sais, le dossier France 98! » … Alors, vous vous taisez.
Et voilà que le cauchemar recommence avec le rugby. Après le France-Argentine perdu et la perspective de jouer en quart contre les Blacks, c’était la morosité générale dans l’Hexagone : « C’est foutu, Laporte est nul et les joueurs y font trop de pubs ! » La Coupe du monde ne “prend” pas. Avant Cardiff, les spécialistes du rugby font leur boulot : avantage pour les Néo-Zed’ parce qu’ils sont a priori plus forts, bien que la France ait une chance de l’emporter. Les pauvres ! Les Bleus ont gagné à Cardiff ! Les rugbyx sortent de leur trou : « J’étais sûr qu’on allait les niquer, les Blacks ! » , « Ben, ouais, contre les Blacks, fallait jouer dans l’intervalle avec Jauzion et Dusautoir ! » , « Michalak, j’l’aurais fait rentrer avant ! » , « On les a niqués sur le jeu au pied ! Les Blacks y z’aiment pas ça quand ils reculent trop ! » , « Les Blacks y croyaient qu’on allait faire des fautes dans nos 22 mais on n’a a pas été cons! » , « Y’a pas en avant sur l’essai parce que c’est une phase active qui se déroule dans la continuité ! » … La Chabalmania déferle sur les Champs.
Laporte fustige les traîtres. Classique. Les journalistes font leur autocritique publique (voir l’édito d’aujourd’hui de Jean-Philippe Leclaire dans l’Equipe-Mag !). Comme en 98, les rugbyx exaltent le beau jeu offensif du XV de France ( « Putain, deux essais ! On a attaqué comme des dingues ! On est les rois du french flair ! » ). Sauf que comme le rappelait Daniel Herrero, « le jeu des Bleus contre les Blacks, c’est même pas du jeu défensif, c’était carrément du non jeu ! Dès qu’on avait chopé la gonfle, allez, hop ! Un grand coup de tatane à l’autre bout du pré ! Dès qu’on avait le ballon, aucun jeu à la main, aucune passe : trop peur de sa faire contrer ! » Oui, mais Daniel n’y connaît rien puisque les Bleus ont marqué deux essais.
Comme le footix, le rugbyx a tous les droits : celui de ne jamais se tromper, d’être opportuniste, de pouvoir se contredire, d’adorer ce qu’il a brûlé la veille. Rien à voir avec le supporter sincère, qui sera toujours là à encourager les Bleus, qui y croit toujours, parce qu’il a la foi ou tout simplement par patriotisme. Les footix et les rugbyx surfent sur la vague bleue et jetteront leur planche au premier accroc venu. Vengeurs irréductibles, ils fustigent les journalistes « preneurs de tête » , trop mesurés ou trop imprudents dans leurs appréciations et dans leurs pronostics. Allant jusqu’à sacraliser les Bleus et le coach des Bleus au point d’éteindre toutes critiques, toutes discussions. Le syndrome Jacquet. Craignant l’armée des footix, devenus alliés inconditionnels des Bleus, les journalistes n’ont plus osé critiquer les Bleus de Lemerre, malgré sa gestion parfois chaotique. Jusqu’au crash final en Corée 2002 : élimination au premier tour, zéro but marqué…Ce qui déchaînera la colère des footix au Mondial asiatique 2002, donc, et à l’Euro 2004. Le footix a toujours raison.
Heureux les simples d’esprit parce que le royaume des cieux leur appartient.
Jean-Bulbe Larticho
PS : Ceci n’est pas un pronostic. On parle tout le temps des deux victoires des Bleus contre l’Angleterre, cet été. Par contre, on a déjà oublié la victoire impressionnante des Anglais sur la France à Twickenham en mars dernier, au Tournoi des Six Nations (26-18). Ceci n’est pas un pronostic ! Je ne veux pas finir broyé par les rugbyx, nom d’un chabalou…Allez les Bleus !
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