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Ajaccio, plein gaz

Par Maxime Brigand
Ajaccio, plein gaz

Un club qui emploie cinq personnes, sans compter staff, joueurs et dirigeants. Un stade dont la capacité d'accueil ne dépasse pas les 3 000 âmes. Un budget initial ridicule. Le Gazélec avait en début de saison le profil parfait du condamné d'office à un retour en National. Sept mois plus tard, la Corse voit son équipe historique truster le podium de Ligue 2. Torse bombé, le Gaz' se prend à rêver d'une accession en fin de saison.

Le stade Ange-Casanova est une fracture dans le paysage du football professionnel français. Une élipse bordant le bitume – reliant Ajaccio au Nord de la Corse – et dont l’allure ne paie pas de mine. Un bloc de béton qui accueille 3000 âmes entassées et surchauffées tous les quinze jours, dans le quartier ajaccien de Mezzavia. L’endroit est le foyer d’une famille à l’image écornée par un passé fait de coups de sang, dont seul le football corse a le secret. L’ambiance passionnée des supporters locaux irrite, comme en avril 2013, lorsque l’arbitre du match entre le Gazélec Ajaccio et l’AS Monaco, Tony Chapron, quitta la pelouse sur un doigt d’honneur en direction des tribunes. S’ensuivirent de nombreux incidents sur le bord du terrain et des sanctions lourdes pour les dirigeants du club corse. L’épisode de trop pour une équipe qui quitta la deuxième division en fin de saison. Bilan : un échec sportif avant tout, mais aussi une sérieuse remise en question en interne. Un peu moins de deux ans plus tard, le Gaz’ est revenu en Ligue 2 calmé et bourré d’ambitions. L’insolent rentre dans le rang. « Il y a eu un gros ménage à faire dans les têtes à tous les étages. Que ce soit moi, les supporters, les joueurs et les dirigeants, on a compris que pour repartir sur des bonnes bases, on devait être irréprochables dans notre comportement. Tout le monde s’est conditionné, et on est revenus plus fort » témoigne aujourd’hui l’entraîneur Thierry Laurey, sur le banc des Gaziers depuis février 2013.

« Voir les dirigeants à quatre pattes en train de dérouler l’herbe pour qu’on s’entraîne, ça donne forcément envie de s’arracher »

Cette opération séduction, le Gazélec l’a enclenchée sur et en dehors du terrain. De loin le plus petit budget du championnat avec 4,5 millions d’euros dans les caisses au début de saison, le club historique de l’Île de Beauté a puisé dans l’art de la débrouille pour grandir. L’été dernier, Ange-Casanova a connu son lifting annuel grâce à l’aide de nombreux bénévoles. Des gars absents de l’organigramme du club, venus apporter leur aide spontanément pour aider leur équipe de cœur. 
 « Le Gazélec est un club amateur dans un monde de foot business. On n’a même pas la licence-club (seule équipe dans ce cas Ligue 1 et Ligue 2 confondues) ! Reste que les gens ici ont gardé ce côté historique, familial. On fait avec nos moyens » souligne Laurey. Cette différence, le club l’entretient même avec le second de la ville, l’ACA. Le défenseur gazier, Rodéric Filippi, qui a évolué à l’ACA au début de sa carrière pro, raconte « deux mondes différents dans une même commune. L’AC Ajaccio est dans le monde professionnel, ça n’a rien à voir. Au Gazélec, il n’y a pas d’équipe réserve, pas de centre de formation, mais au moins ici, tu as un rapport avec ton club au-delà du terrain. Les dirigeants n’hésitent pas à régler tes problèmes personnellement, à prendre de tes nouvelles en cas de blessures ou même à te rassurer dans ta vie privée » .

Ce monde d’écart, David Ducourtioux l’a découvert à son arrivée à Ajaccio l’été dernier. Contacté par le directeur sportif du Gazélec, Christophe Ettori, l’ancien joueur de Valenciennes, a foncé tête baissée dans le projet du club : « J’étais à un moment de ma carrière où je souhaitais connaître un projet humain. Quand Christophe, que j’avais connu lors de ma formation à Toulouse, m’a appelé, je n’ai pas hésité » . Ducourtioux débarque alors avec deux autres briscards du championnat de France, Jérémie Bréchet et Grégory Pujol, histoire d’apporter de l’expérience à un groupe en quête de repères. « On a réussi à installer une alchimie assez bizarre. Un mélange de notre expérience avec l’insouciance des jeunes. Sans eux, on n’est rien. C’est notre force cette saison, et quand tu vis sereinement, tu peux avancer dans les objectifs, analyse l’ex-Nordiste. Et quand tu vois les dirigeants à quatre pattes pour installer la pelouse pour qu’on s’entraîne au début de saison, tu as envie de t’arracher. »

Le berceau du foot corse

Reste qu’à treize journées de la fin, l’élève en cours de réhabilitation s’est frayé un chemin sur le podium de sa classe. Un parcours étonnant porté par une invincibilité qui traîne depuis le 29 novembre et une défaite à Tours (1-2) et, surtout, un statut de quasi-intouchable à domicile avec seulement deux revers. Le Gazélec avance discrètement sans penser tellement à une éventuelle montée en Ligue 1, même si Louis Poggi, la trentaine passée et une carrière presque faite en intégralité chez les Gaziers, avoue « en parler avec les autres dans le vestiaire. Quand on évolue dans un club qui a connu plus de mauvais moments que de bons, qui a toujours su se relever, on a envie d’y croire. On se dit surtout que ce que l’on vit actuellement est extraordinaire et lorsque l’on voit la solidarité plus forte que jamais qui touche le club, on a encore envie de déranger » . Histoire également de corriger l’historique du football corse et son passé avec l’élite. Car, l’équipe qui a permis à l’île de sortir de l’anonymat est bien le Gazélec, et non le voisin de l’ACA ou encore le Sporting Club de Bastia. Grâce à un palmarès solide fourni de quatre titres de champion de France amateur sous les ordres de Pierre Cahuzac, coach qui emmena notamment Bastia en finale de Coupe d’Europe, mais aussi du statut de première équipe insulaire à atteindre les 32es de finale de la Coupe de France en 1961.

Ce manque de reconnaissance a construit une partie de l’âme ajacienne. Entre les décisions de la Ligue, qui avait interdit au Gaz’ de monter en Ligue 2 en 1999 sous prétexte qu’une ville de moins de 100 000 habitants ne pouvait compter deux clubs professionnels, et la mauvaise réputation dont pâtit le football corse auprès des instances du football français, il y a de quoi rendre fou. Car dans les travées d’Ange-Casanova, tout n’est pas noir. L’effervescence amenée par le beau parcours des joueurs crée des idées. Et ce charme désuet aujourd’hui absent du football business, ce mur de béton qui habille la face nord du stade, ces dirigeants historiques qui bâtissent le projet à bout de bras, ce tout redonne espoir à une ville qui ne respire que par l’odeur du foot. Un objectif résumé dans les travées par un message d’unité : « GFCA PER SEMPRE » .

Par Maxime Brigand

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