A’ : Un mardi à Charléty
Mardi, pour tester les primeurs de France, le rendez-vous n'était pas fixé à Rungis, mais à Charlety. Un match des A' pas si déprimant que ça, mais où on a surtout appris ce que l'on savait déjà. Et Raymond, sans doute aussi.
Comme un match des A, un match des A’ commence avec l’exécution des hymnes nationaux. Cérémonial vu du dessous de la tribune de presse, plus précisément sous l’immense Pierre Ménes, forcément plus visible que d’autres journaleux. Et les incivilités fusèrent immanquablement en sa direction : « Gros porc, gros lard » . Dur dur d’être une TV star.
Pour suivre le match, nous migrons vers la tribune française. Hier à Charlety, c’était placement libre, mais comme si chacun reconnaissait les siens et que les moutons étaient ainsi mieux gardés, les supporters maliens se groupaient dans une tribune latérale, les supporters français en face, à quelques exceptions près. Ambiance bon enfant. Personne ne prend véritablement le match au sérieux, à part les candidats aux 23.
Le match commence comme une farce. Première passe en profondeur de Simana Pongolle et but de Nasri. Le Mali serait-il écœuré de se coltiner la réserve des Bleus au point de baisser les bras d’entrée ? La partie n’est pas désagréable, Briand et Pongolle animent l’attaque, avec vaillance mais c’est un brin brouillon. Raymond a mis du ballon dans l’équipe. Rothen (bon, voire très bon) en milieu défensif, Clichy, arrière latéral (20 bonnes minutes, et puis c’est tout), Nasri en chef d’orchestre, et Bodmer dans une position aléatoire, gravitant autour du rond central. L’ex Lillois respire la classe mais ses moments de nonchalance sont exaspérants. De quoi décourager Domenech de l’intégrer dans ses 23.
Un grand jeu anime la première demi-heure dans les tribunes : « Le qui est qui ? » . Le 4 reste longtemps une énigme. Après avoir compris que Rami porte le mambo number five, on procède par élimination : trop costaud pour être Clerc, trop grand pour s’appeler Réveillère. Mais bordel c’est qui ce 4 ? Le cousin de Rami ? Eclair de génie d’un voisin : ce ne serait pas Delpierre ? Mathieu Delpierre, depuis Lille on ne l’avait pas vu jouer. Car il ne faut pas se mentir, personne ne regarde la Bundesliga, tout au plus les résumés de Canal. Et puis Lille on n’a jamais vraiment regardé non plus. Domenech, comme la Marie-Ange Nardi des beaux jours, a failli nous coller.
L’intérêt de ce genre d’opposition, jouée sur un rythme médian entre match international et match amical corvée, est qu’il requiert de réelles capacités d’auto-motivation, et son tempo tranquilou, malgré des duels âpres, révèle la classe naturelle des joueurs. Donc au-dessus des toits s’élèvent Nasri (la passe toujours pertinente, et en bonus un coup-franc sur la barre) et Rothen, convaincant dans son rôle de relayeur, et quoiqu’on en dise le meilleur centreur français. Ca peut servir dans une compétition internationale.
Un ton en-dessous, et sans espoir de sursaut. Boumsong, Réveillère (entré à la pause à la place de Clichy), Delpierre, Bodmer, Mavuba. Rio a été très bon hier, mais on sent bien, comme ses congénères, qu’il ne fera pas le poids lors des joutes internationales. C’est le drame de ces joueurs éternellement assis sur un strapontin : au dessus du lot, mais ne tutoyant jamais les cimes. Aspirant toujours à une place chez les Bleus, mais dont seules les circonstances (blessures, match amical) peuvent les faire intégrer le gotha.
Les cramés maintenant. Ils ont l’accent marseillais. Mandanda a bien gardé sa cage inviolée contrairement à Lloris, mais Steve a complètement déconné sur deux sorties. A l’inverse, le gardien niçois s’en est pris deux sur lesquels il ne pouvait rien, mais a dégagé par ailleurs un fort sentiment d’assurance, notamment sur des sorties loin de sa ligne. Le cas Givet maintenant. Il avait la tête sous l’eau, Charlety l’a définitivement noyé. Entré à la 73e sous les sifflets d’un stade plus malien que français, et plus parisien que marseillais, il s’est placé (mal) en défense central, a foiré sa première intervention, ouvrant le but aux Maliens, qui ne se privèrent pas de revenir à 3-2.
La fin de match fut totalement désordonnée, comme Hatem Ben Arfa. Rentré en seconde période, il a montré toutes ses limites dans l’expression collective : choix de la passe quand il devrait prendre le jeu à son compte, et rushs solitaires quand ses partenaires proposent des solutions. Désespérant. Pour le reste, Briand, Simana Pongolle, Rami, on savait qu’il ne s’agissait pas de génies, mais ils ont eu le mérite de faire leur match dans une partie niveau haut du ventre mou de la Ligue 1. Le leur.
Côté Malien, Djilla Diarra, le baobab du milieu de terrain, a tout fait, et même marqué un but.
Derrière, ça a déconné sec, avec Sammy Traoré à la ramasse, et Cédric Kanté pas plus à son avantage, les deux remplacés à la pause. France A’ – Mali, c’était 10 euros. Ca les valait, mais pas un euro de plus.
Patrick Genfrémont
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