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18 juin 1965 : le Brésil de Pelé arrive à Alger

Par Nicolas Kssis-Martov
18 juin 1965 : le Brésil de Pelé arrive à Alger

L'Algérie, jeune nation indépendante, reçoit la visite de la Seleção de Pelé. Une joie immense s'empare de la patrie de Saint-Augustin et Abd-el-Kader où le foot représente déjà le principal véhicule de la fièvre populaire. Mais ce que personne ne soupçonne, à commencer par un Ahmed Ben Bella qui vit ses dernières heures à la tête de la « République algérienne démocratique et populaire », c'est que la tournée ne connaîtra pas d'étape algéroise…

Peut-être faut-il commencer par le terrain, le jeu, le rêve. Revenir vers le stade municipal d’Oran, alors la plus grande enceinte sportive d’Afrique. 40 000 places officiellement, car selon les journaux de l’époque, près de 60 000 Algériens se pressent, se serrent, repoussent les murs et défient les lois de l’architecture et de l’ingénieurie du bâtiment pour assister à la rencontre. La Seleção, championne du monde en titre, en a-t-elle conscience ? Elle se livre à une classique tournée de préparation en Europe et en Afrique, avec en perspective une Coupe du monde en Angleterre où elle pense déjà enchaîner un troisième trophée consécutif. L’effectif est en tout cas au grand complet : Pelé, Garrincha, Vavà, Bellini, etc, emmené par Vicente Féola, celui qui accrocha en 1958 la première étoile sur le maillot jaune.

Sur fond de boycott du Mondial

En face, le symbole est tout aussi fort. La sélection nationale algérienne ne se résume pas à l’équipe d’un jeune État, fraîchement indépendant, pétri de rêves socialisants autogestionnaires, et d’euphorie anticolonialiste. Elle fut dès le départ – nous parlons évidemment de la mythique équipe du FLN – un combattant comme un autre, même si, sur le front diplomatique, elle a pris le relais d’une lutte armée qui a marqué le pas. Si les paras ont gagné en 1957 la bataille de la Casbah, les pré-Fennecs vont remporter celle du symbole et contribuer à retourner l’opinion. Toujours emmenée par Mekhloufi, héros à crampons de la libération nationale, elle reçoit donc avec fébrilité et un brin de panache les maîtres du ballon rond. Depuis l’indépendance, elle n’a en effet croisé la route que de ses voisins – surtout l’Égypte – et des nations du bloc soviétique, si l’on excepte une victoire, en amical, contre l’Allemagne (2-0). Elle ne participe pas aux qualifications du prochain Mondial, les pays africains boycottant l’événement de la FIFA pour protester contre une procédure qui ne leur attribue qu’une unique et humiliante place, à partager avec l’Asie et l’Océanie.

C’est donc avec une certaine impatience que les joueurs algériens attendent de rencontrer deux fois d’affilée les Sud-Américains. Et malgré une inévitable défaite 3 à 0, le résultat était finalement déjà assuré pour les locaux. Y compris aux yeux du président Ahmed Ben Bella, assis aux premières loges de ce moment magique. Pour lui non plus, le football n’est pas qu’une affaire secondaire. Alors militaire, l’homme fut durant la drôle de guerre un des joueurs « suppléants » de l’OM (il fallait remplumer les rangs après les départs sous les drapeaux). Il se retrouve même titulaire lorsqu’il foule la pelouse du FC Antibes le 21 avril 1940, où les Phocéens écrasent leur voisin neuf à zéro, dont un pion au crédit du futur chef d’État. Le personnage ne cessera ensuite de raconter qu’il aurait pu devenir professionnel à la Libération. Invérifiable, forcément. Il est en tout cas comme un gamin, pose avec Pelé qu’il reçoit comme son égal, sans savoir, avec le recul, s’il le considère comme un chef d’État ou un collègue footballeur de haut niveau. Commence alors une légende. Obsédé par cette visite, il aurait – grave erreur – négligé les signes annonçant ce qui allait se produire.

« Le président Ben Bella a été destitué ! »

Le 18 juin, les Brésiliens quittent Oran et débarquent dans la capitale, Alger. Ils doivent disputer une seconde rencontre le 20, au stade municipal du Ruisseau (aujourd’hui stade du 20-Août 1955). Une réception est organisée à El Bihar, quartier populaire – dont l’équipe brilla le 2 février 1957 en éliminant le Stade de Reims – où est située l’ambassade du Brésil. Dans la chaleur réconfortante qui plane sur la ville blanche, personne ne semble attendre autre chose que cette fête où la samba va croiser le chaabi sur une pelouse plus ou moins verte. Un des journalistes de l’Alger républicain se souvient, dans les colonnes de La Liberté, de l’ambiance de cette soirée alors qu’il revenait justement de cette « party » : « Je redescends vers le siège du journal. La ville est silencieuse, la température est douce. Je crois me souvenir avoir remarqué, sans y prêter grande attention, quelques véhicules militaires près de la Grande Poste. De fait, depuis plusieurs jours, le tournage du film La Bataille d’Alger perturbait la circulation des grandes artères du centre-ville. (…) Sitôt arrivé à la maison, sitôt au lit ! (…) Je suis réveillé brutalement à neuf heures du matin ! On m’appelle au téléphone. On m’apprend qu’un « coup d’état » vient d’avoir lieu pendant la nuit… Le président Ben Bella a été destitué ! »

Ahmed Ben Bella a perdu le match avant même le coup de sifflet. L’animal politique qui avait su prendre le pouvoir juste après les accords d’Évian, quand régnait la rivalité entre l’ALN et le GPRA, aurait perdu son flair, neutralisé par son amour du ballon rond. L’historien Youcef Fates, alors jeune garçon, se souvient de ce paradoxe chez l’homme : « Nous étions en train de jouer au football sur un terrain d’aviation que l’armée française a abandonné au moment de l’indépendance quand deux hélicoptères russes atterrissent pas très loin de nous. Ben Bella en tenue col Mao descend. Bien sûr, comme à l’accoutumée, il nous a fait un discours improvisé sur « la bourgeoisie et la réaction ». Et il s’associa à nous en échangeant quelques passes de football. » Difficile pourtant d’y croire. Bien que tragiques, les légendes sont parfois justes un peu plus belles que la terrible banalité des mœurs politiques. L’Algérie a toutefois un sens certain de l’humour noir. Le stade d’Oran où s’était tenu ce fameux et unique Algérie-Brésil, si cher à Ben Bella, sera rebaptisé par la suite, « Stade du 19 juin 1965 » , en commémoration du coup d’état d’Houari Boumédiène.

Par Nicolas Kssis-Martov

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