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  • Angleterre – Liverpool – Retraite de Jamie Carragher

Carragher: «Je n’étais pas un Michel quelconque !»

Par Ronan Boscher
Carragher: «Je n’étais pas un Michel quelconque !»

Jamie Carragher raccroche ses vissés aiguisés en fin de saison. Avec dans le rétro une brouette de coupes, la rencontre de Salif Diao, une vie qui se pose, des matches de bourrins, des matches parfaits et l’amour inconditionnel d’Anfield. Un goût d’Angleterre se retire. Le foot qui pleut, qui tire le short, qui se bat jusqu’au bout, les joues rouges.

Un jour, dans ses jeunes années professionnelles, Jamie, Carragher, a décidé de suivre les conseils de Gérard, Houllier : « Ne traîne pas en boîte tant que t’es joueur. Achètes-en une à la fin de ta carrière ! » Au mois de mai 2013, « Carra » raccroche, avec plus de 700 matches sous le capot, 2e meilleur total de l’histoire du club. Sans le night-club au bout. Non, pour le moment, Jamie n’a qu’un café « healthy eating » avec les écrans plats pour le sport.



« Mon problème : je ne sais pas centrer »

Jamie Carragher va se ranger, le devoir accompli. « Je me suis senti reconnu comme un symbole de ce que devait être un joueur de Liverpool. Un article disait que si Steven Gerrard était le cœur du club, j’en étais l’âme. J’aime bien entendre ça » écrivait-il dans sa bio fin 2008. Avec la retraite de Carragher, c’est donc une certaine idée du foot anglais, du foot de Liverpool qui disparaît : peu importe l’esthétique, tant qu’on y met du cœur. Cette étiquette l’a aussi desservi, à le faire passer pour un joueur moyen, un peu bovin, de Grande-Bretagne. Une vache un peu folle. C’est vrai qu’effectuer sa jeunesse attaquant pour commencer pro en arrière droit n’est a priori pas la marque de fabrique des génies du foot. Jamie préfère rectifier : « On me présente parfois comme l’exemple d’un joueur de moyenne classe. Et que jeune, grâce aux bons conseils et aux coaches, j’ai pu élever très haut mon niveau de jeu. Je peux accepter cette vision mais je me sens aussi insulté. Suggérer qu’un tas d’autres joueurs auraient pu être aussi bons que moi, c’est pas respectueux. Je ne suis pas un joueur moyen, soudainement devenu assez bon pour jouer à Liverpool. J’étais dans le groupe élite à Lilleshall, donc j’avais quelques bonnes raisons de croire que j’étais l’un des meilleurs joueurs du pays à cet âge. Je n’étais pas de la trempe d’Owen ou Stevie, mais je n’étais pas un Michel quelconque. Je déteste l’idée que ma réussite se soit faite malgré mes défauts plutôt qu’en raison de mes forces. » Il se reconnaît un réel défaut : « Mon problème, c’est que je ne sais pas centrer. » Convaincu qu’un entraîneur « ne fait jamais d’un mauvais joueur un bon joueur » , il a tout de même concédé l’apport de Houllier et Benitez dans sa trajectoire, tout en maudissant la mode des entraîneurs étrangers en Premier League : « Pour un étranger de la trempe d’un Wenger, combien d’Alain Perrin par exemple ? » En maudissant aussi l’afflux de jeunes joueurs étrangers, au détriment des lads du cru. « A un moment, nos scouts ramenaient chaque mois un U18 espagnol pour un essai d’un mois. Je ne vais pas mentir : j’aimais pas ça » .

« Salif Diao, une catastrophe »

Dans les débats internes entre l’académie et les pros, les techniciens français et espagnol cherchent toujours à ranger de leur côté Carragher, plutôt dubitatif : « Peut-être voulaient-ils me convaincre des réponses qu’ils apportaient ?… Et là, je regardais sur le terrain. Je voyais des « jeunes pousses » comme Djimi Traoré, Sebastian Leto, Anthony Le Tallec, Grégory Vignal, Carl Medjani, Alou Diarra et Gabriel Palletta. Je dois l’admettre. Si j’avais été forcé de choisir mon camp, je serais resté auprès de mon coach chez les jeunes » . De ses propres dires, Houllier est quand même celui qu’il l’a fait devenir un joueur qui compte en Premier League. Avec une méthode particulière : l’obliger à se caser pour qu’il canalise ses envies de sorties. Houllier lui a aussi fait rencontrer Salif Diao sur un pré : « Si El-Hadji Diouf était une déception, Salif Diao était une catastrophe. Il ne savait pas faire de passes, était limite quand il taclait et ne marquait jamais. Et ça, c’étaient plutôt ses qualités ! » Avec Benitez, il dit « avoir atteint le pedigree européen, plus guidé sur les détails de mon boulot de défenseur » .


Chien, tapis et cris dans le bus

Sa carrière, Jamie est allée la chercher avec les dents et un caractère en béton armé. Un guerrier. Déjà, il naît avec les entrailles à l’extérieur du ventre. Après 6 semaines d’hôpital – « c’était sérieux à l’époque » – une cicatrice et pas de nombril, le petit Carragher s’acclimate au quartier de Bootle. A la nounou aussi, plus bouteille que tasse : « Cela avait atteint un tel point qu’elle a une fois confondu son pauvre chien avec le tapis du salon. Elle s’apprêtait à lancer ce tapis dans la cuisine lorsqu’elle s’aperçut qu’il avait quatre pattes » sourit aujourd’hui Carra. Avec sa bande, Jamie sombre dans le foot et une passion sans borne pour Everton. Matches à domicile, à l’extérieur, en coupe d’Europe, de l’anti-Liverpool, tout y passe. Ce groupe a ses codes et ses discussions d’initiés : « On m’a présenté à la plupart des vrais Evertonians, comme Eddie Cavanagh. Eddie a déjà couru sur Wembley quand Everton gagne la Cup en 1966. Ça lui vaut un statut d’icône ici. Être capté par les caméras, c’était une sorte de médaille d’honneur. » Une filiation caramel qu’il a difficilement conciliée avec les couleurs de Liverpool, qu’il a portées dès ses 12 ans. Il n’était pas rare ado de le voir s’entraîner avec le complet d’Everton. Après une manifestation de joie trop pro-Everton dans le bus de la réserve de Liverpool, Carragher gagne un rencard chez les patrons de l’académie : « Écoute, Jamie, tu vas devoir régler ça. Le staff des seniors a grand espoir que tu joues pour l’équipe première. Il est temps pour toi de te comporter comme un joueur de Liverpool. » Everton, c’était un peu l‘histoire de la femme qu’il avait trop aimée, dont il s’est lassé pour finir dans les bras d’une proie encore plus belle, plus expérimentée. « Il y a deux Everton dans ma vie : celui avant Liverpool, celui après. Le Everton des eighties, je l’appelle « nous », le plus moderne, je l’appelle « eux » » . Des chants hostiles d’Evertonians contre son pote Gerrard et les supporters Reds du Heysel emballent le tout. Jamie passe dans le camp rouge. Une rumeur dirait qu’il porte un tatouage d’Everton au bras, qu’il camoufle à chaque match. « Pas du tout, si je porte des manches longues, c’est que j’ai les bras tout maigrichons » .

Les sourires de Sven et Rigobert

Malgré son côté soi-disant rachot, Carragher aura tout le temps réussi à se faire respecter. Dès la Youth Cup, en 1996, qu’il gagne aux côtés de Gerrard et Owen. « J’ai pas honte de dire qu’on a gagné cette coupe avec une équipe de petits cons. On ressemblait à un gang de rue, des coins les plus sombres de la ville. On avait plus de caractère que de qualités » déclare franchement Jamie. Le défenseur anglais s’agrippera au mental et finalement au talent à une place de titulaire : « Psychologiquement et physiquement, je devais montrer à mes concurrents qu’ils étaient inférieurs, des ennemis jurés. Je ne devais leur laisser aucun espoir de gagner un 5-5. C’est de mon maillot de Liverpool dont on parle là ! Personne ne se pointe à Melwood pour m’y sortir sans combattre » . Rigobert Song peut en témoigner. Alors que Carragher apprend sa sélection chez les Three Lions, le Camerounais se met à sourire, narquois. « Il avait un regard d’étonnement moqueur, un peu celui que je fais quand il racontait qu’il n’avait que 21 ans » ironise Carra. Rigobert finira la jambe dans la glace, après un tacle d’affreux de l’Anglais à l’entraînement. Faut pas le chercher. Encore moins après une mauvaise performance. Après deux csc et une défaite 3-2 contre l’ennemi Man United, un repas de groupe tourne vinaigre avec la WAG de Sander Westerveld, « un gardien moyen que je n’aimais pas et qui se prenait pour Gordon Banks » . La miss l’enfonce en public avant que Carra mette un ultime tacle : « Fuck-off, barrez-vous en Hollande ! » . Quand on le taquinait un peu plus subtilement, il avait aussi son répondant. Rafa Benitez, après une conférence de presse, chambre Jamie : « J’ai dit aux journalistes que t’étais meilleur que John Terry » en mimant avec ses doigts le nez de Pinocchio. La réponse se fit entendre quelques mois après, la veille d’un Chelsea-Liverpool, parfum C1 : « Je réponds aux questions des journalistes. En partant, Rafa me demande ce que j’ai dit. Là, je lui sors : « Je viens de dire que vous étiez meilleur entraîneur que Mourinho » en imitant comme lui Pinocchio » .

Jamie Carragher s’est donc rangé, un peu comme Liverpool. Sa retraite annoncée sonne comme la disparition du prototype du joueur anglais de club, d’un seul club. Il ne faisait pas partie des joueurs anglais pollués par les résultats décevants de la sélection. Blessé ou choix par défaut chez les Three Lions, il n’a par exemple pas été impressionné par Sven-Göran Eriksson : « Coach international ou playboy international ? Si son style de football avait été aussi divertissant que sa vie privée, l’Angleterre aurait été championne du monde et il aurait eu un contrat de 20 ans » . Tout ça, Jamie ne s’en émeut pas. Son foot, c’était Liverpool, la finale d’Istanbul en 2005, « le plus bel exploit de l’histoire du club » selon lui, vaincre Alavès en finale d’UEFA, battre Everton, soulever de la Cup. « Le ‘God save the Queen’ ne m’a jamais transcendé alors que le ‘You’ll never walk alone’, tu comprends tout de suite ce que ça veut dire. (…) A Liverpool, on trouve que le club, ce sont les numéros du Loto. La sélection, c’est le numéro complémentaire » .

Tous propos tirés d’une autobiographie qui vaut le coup, Carra, my autobiography par Jamie Carragher

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