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Santamaría : « Gagner, c’est l’essence même du Real »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix
8 minutes
Santamaría : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Gagner, c’est l’essence même du Real<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Dès la création de la compétition, le Real Madrid a façonné l’histoire de la C1. Défenseur mythique des Blancos où il remporte trois C1, José Emilio Santamaria évoque avec bonheur cette époque où le Real était vraiment roi. Entretien avec une légende vivante.

Bonjour José. Vous avez 87 ans… Comment va la santé ? Tout est parfait. Bon, j’ai eu une petite gêne dernièrement, où j’ai dû me faire opérer de la hanche. Maintenant, je récupère doucement depuis l’hôpital, mais ça va plutôt bien. L’énergie est toujours là !

Vous habitez toujours sur Madrid ? Sur Madrid même, non. Je vis en dehors, à environ 25 kilomètres du centre-ville. Je suis souvent au bureau des vétérans du Real, donc j’ai l’habitude de voir des anciens camarades pour des activités ludiques liées au football.

Comme suivre les matchs du Real de Madrid où vous êtes invité d’honneur, par exemple ?Ah oui ! Je ne peux vraiment pas me plaindre du traitement reçu par le Real à mon égard… J’ai un siège attribué dans la tribune présidentielle, et les gens viennent me parler avec une affection énorme, comme si j’étais encore un joueur actuel de l’équipe ! (Rires) Généralement, je retrouve Amancio et Pachín au stade, et on parle un peu de tout : nos souvenirs respectifs, notre avis sur l’équipe actuelle, sur les matchs. J’ai l’occasion de pouvoir suivre l’actualité sportive du Real, c’est un privilège.

Est-ce que, dans la rue, les gens vous reconnaissent encore ? Il y a des gens qui vont me reconnaître, parce que le football concerne vraiment tous les âges, et la culture pour ce sport est immense. En réalité, les joueurs sont des étapes du Real, mais certains en deviennent des légendes. Quand les gens se rendent compte de qui je suis, ils sont très amicaux avec moi. Ça me touche beaucoup.

Vous êtes une vraie légende du club. Voir le Real en lice pour une douzième C1, cela vous inspire quoi ? Au club, quand nous avons conquis ces titres, nous savions déjà que l’avenir du club était en très bon chemin. D’une certaine manière, nous avons participé à cette réussite actuelle du Real Madrid. Aujourd’hui, nous sommes dans les tribunes, à encourager le club, comme tous les supporters. Le football a évolué de manière impressionnante. Avant, tu n’avais pas la télévision et la publicité qui servent tous les intérêts économiques du club. Nous étions de vrais amis, ce concept renforçait notre équipe. Notre amitié nous permettait d’aller vers un objectif commun : gagner, gagner et encore gagner. C’est l’essence même du Real.

À notre époque, il fallait affronter d’autres types de difficultés… Les terrains n’étaient pas toujours en herbe, le ballon pesait très lourd, les maillots aussi. Il fallait se battre encore plus pour gagner les matchs.

Vous veniez du Club Nacional de Football avant de signer au Real Madrid. Qu’est-ce que la vie avait de différente entre Madrid et Montevideo ? La différence est énorme. Nous n’avions pas tant de mélange entre les continents. Avec le Nacional, l’évolution de notre championnat arrive après la victoire de la sélection au Mondial 1950. L’Europe avait ses joueurs et, de notre côté, nous avions notre championnat national. Les départs étaient rarissimes, mais le Real est parvenu à penser avant les autres, à recruter des joueurs en Amérique du Sud pour constituer une excellente équipe et aller de triomphe en triomphe. En fait, seuls les descendants de familles espagnoles ou italiennes pouvaient partir jouer en Europe. Moi, en Uruguay, je travaillais aussi dans les banques, car le football ne payait pas assez. Aujourd’hui, tout est mondialisé. À notre époque, il fallait affronter d’autres types de difficultés… Les terrains n’étaient pas toujours en herbe, le ballon pesait très lourd, les maillots aussi. Il fallait se battre encore plus pour gagner les matchs. Et à Madrid, c’est ce désir profond pour la victoire que le club a gardé. Quand un match est équilibré, le Real se bat jusqu’à la fin pour faire la différence.

Vous faites sûrement référence à Sergio Ramos là-dessus… Comment le considérez-vous, en tant qu’ancien défenseur central du Real ? Sa force et sa condition physique m’impressionnent. Il est encore jeune, et il possède encore du potentiel pour s’installer dans la durée. Son ambition débordante l’amène à marquer beaucoup de buts, c’est aussi un vrai plus pour un défenseur.

Le Real avait déjà remporté les deux premières C1 de l’histoire, contre Reims et la Fiorentina. Vous arrivez dans un vestiaire de stars : le récent Ballon d’or, Alfredo Di Stéfano, Raymond Kopa, Francisco Gento et Héctor Rial, votre ancien partenaire au Nacional… Comment est-ce que le vestiaire vous a accueilli à l’époque ?Héctor Rial avait intégré l’équipe après le Mondial en Suisse, il était là pour m’accueillir au départ. Bon, Rial ne prenait pas trop de maté comme le font beaucoup d’Uruguayens, donc je ne pouvais pas l’inviter à en boire chez moi. Ensuite, cette équipe était une bande d’amis, très soudée. Je venais d’une famille d’origine galicienne, et ma façon de jouer permettait au club de bénéficier d’un défenseur avec une bonne vision du jeu. J’étais central, Marquitos à droite et Zárraga à gauche, en 3-4-3. C’était un football très ouvert.

Le Real, où Di Stéfano était déjà une incroyable machine à marquer, empilait les buts. Comment est-ce que vous le situez par rapport à Cristiano Ronaldo aujourd’hui ?Que tu appliques un 3-2-2-2-1, un 4-4-2 ou un 4-2-4, tu te rends compte de la variété des schémas. Pour moi, les grands joueurs s’adaptent toujours aux schémas, quel que soit le poste où on les place. La caractéristique de l’attaquant complet, c’est la vitesse, le dribble et le sens du but. Sur ces trois aspects, je pense que Di Stéfano et Cristiano Ronaldo se valent, seules les époques changent.

Je n’ai connu qu’une seule petite amie dans ma vie. Elle est devenue ma femme et nous avons eu des enfants. La vraie facilité, c’était d’avoir connu l’amour de ma vie très tôt.

Vous gagnez la Ligue des champions, et les stars continuent d’arriver : Ferenc Puskás, Luis Del Sol, Didi… Qu’est-ce qui poussait les meilleurs joueurs à intégrer le meilleur club du monde malgré la concurrence ? La notion de meilleur club du monde reste subjective, chacun possède sa propre vision des choses. Ce qu’il faut pour jouer au Real, c’est d’abord une grande discipline afin de remplir les objectifs de victoire. Chaque joueur qui signe au Real, c’est parce que l’on sait qu’il peut finir par briller.

L’apogée de votre règne arrive en 1960, où vous écrasez l’Eintracht Francfort en finale (7-3). Quelle était la force de votre équipe ? Effectivement, c’était sans doute notre campagne la plus aboutie. Je me souviens très bien qu’avant la finale à Glasgow, la presse voyait notre équipe comme vieillissante, on pensait qu’elle allait souffrir contre Francfort, beaucoup plus jeune… Finalement, nous avons marqué sept buts. Ce jour-là, les personnes se sont rendu compte que le Real cultivait la victoire.

Aujourd’hui, les joueurs du Real sont des stars internationales et très sollicitées. Cela attire aussi la gent féminine… Vous aviez le succès facile avec les femmes, José ? Je n’ai connu qu’une seule petite amie dans ma vie. Elle est devenue ma femme et nous avons eu des enfants. La vraie facilité, c’était d’avoir connu l’amour de ma vie très tôt. Je l’ai connue à Montevideo, à 400 mètres de ma maison d’enfance. Une fois cela réglé, mon activité c’était d’aller m’entraîner, puis travailler à la banque. Parfois sans manger. Et quand j’arrivais à sept heures du soir chez moi, je mangeais mon dîner et j’allais me coucher parce que le lendemain, l’entraînement m’attendait. Aujourd’hui, ma femme a 84 ans… Bon, nous avons toujours nos petites disputes quotidiennes, mais l’amour dure toujours ! (rires)

Aujourd’hui, Zidane peut devenir le premier entraîneur depuis Sacchi à remporter deux C1 consécutives avec le même club. Quel regard portez-vous sur la Ligue des champions actuelle ? C’est difficile de pouvoir répondre à cela, parce que je ne vis pas cette compétition comme footballeur, je la regarde juste. Aujourd’hui, il y a plus de matchs dans le calendrier, mais aussi plus de joueurs dans chaque effectif. L’un dans l’autre, cela se compense à mon avis. Pour cette finale, je vois que le rival du Real Madrid est la Juventus, un très grand club, lui aussi chargé d’histoire.

Où est-ce que vous allez regarder la finale samedi ? Là, c’est un peu compliqué de me déplacer parce que le médecin ne m’a pas donné d’autorisation. Pour aller à Cardiff cette année, ça s’annonce difficile. Mais bon, je vais trouver le moyen de regarder ce match devant ma télé. Je signerais bien pour un 1-0 sans encaisser de but… Si le match se passe bien, je me ferai un petit maté pour fêter ça. Et dans le cas contraire, ce sera une bonne bière.

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