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Raul aux oeufs d’or
Le meilleur buteur de l'histoire de la Ligue des champions et des coupes européennes a peut-être déjà éliminé à lui seul le FC Valence. Avec le mythique numéro 7, Schalke 04 a déjà réalisé son retour sur investissement.
Raul valait-il encore quelque chose ? Voir le fin limier du Real s’en aller en Teutonie ne confinait-il pas à la flagrante erreur de casting ? Allait-il ramasser ses cinq millions par an en s’entraînant à la petite semaine avant de se retirer un peu plus riche ? Les interrogations les plus sceptiques rodaient autour du transfert de l’Espagnol à Schalke 04. Au même moment, son conscrit, Thierry Henry, s’offrait une pré-retraite de luxe à New York, trop vieux, usé et fatigué pour faire illusion une saison supplémentaire parmi ses semblables. Raul présentait alors le parfait profil pour l’imiter : mis de côté par Pellegrini, en retraite international imposée et libéré par les dirigeants merengues. Il opta pourtant pour la Ruhr, toujours prêt à aller au charbon.
Passé mi-saison, le bilan du triple vainqueur de la Ligue des Champions est limpide : l’Espagnol est le meilleur buteur du club (onze réalisations en Bundesliga), il vient d’envoyer Schalke en finale de la Coupe d’Allemagne d’une tête de renard et son écot apporté à Mestalla pourrait valoir de l’or pour le représentant du bassin minier. Embauché à cinq millions d’euros l’année, Raul n’aura tout simplement rien coûté à son employeur en cas de qualification pour les quarts de finale de la Ligue des Champions, et devrait même lui rapporter une belle enveloppe. La calcul est simple, une place parmi les huit dernières meilleures équipes d’Europe est évaluée à 5 millions d’euros. Aux indiscutables 3,3 millions d’euros de prime versée par l’UEFA s’ajoutent les recettes guichets et la rentrée en droits télé. Au coup d’envoi, le but de Raul vaut donc pas moins de cinq millions d’euros.
Outre cette efficacité de plus d’une décennie et demie en Ligue des Champions, le surplus de ventes maillots et d’intérêt médiatique provoqué par l’arrivée du six fois couronné au royaume d’Espagne offrait, quels que soient les scenarii de la saison, une garantie aux grincheux qui craignaient d’assister à la mise à mort lente du matador en climat hostile. Mais quand on y réfléchit, les considérations économiques peuvent paraître vulgaires pour un avant-centre qui évoque avant tout la grâce. Sur le déclin, mais toujours vivant, Raul distille en Allemagne ses dernières esquives fatales, ses attaques en fleuret moucheté et des restes qui valent bien des produits plus frais à la date de péremption encore éloignée. Tout en touché, en jeu de corps et en sens du placement, le 7 qui valait trois Ligue des Champions parachève son œuvre monumentale avec la fanfare germanique.
A l’image de son but du match aller, Raul peut bien se passer de pointe de vitesse et d’explosivité. Un contrôle orienté astucieux, une frappe judicieusement placée et l’Espagnol peut toujours danser sur le ventre de l’Europe, comme si le temps n’avait pas de prise sur lui. On pourrait pourtant presque parler de résurrection devant les stats faméliques de sa dernière saison merengue (cinq buts), et son éviction de la Roja qui frappa si fort son orgueil. Il y a toujours quelque chose d’amer dans la fin de carrière d’un grand footballeur, devant le constat que sa plénitude appartient au passé, qu’au sentiment de toute-puissance succède celui de la vulnérabilité. A Madrid, Raul broyait du noir, déconsidéré dans son foyer comme dans sa nation qui célébrait une suprématie de laquelle il fut soigneusement tenu à l’écart. Le Barcelonisme était porté aux nues au moment où le porte-drapeau du madridisme n’était même plus roi en sa maison blanche. Revanchard, l’indésirable voulait s’offrir un dernier défi. Le fameux combat de trop qui guette toute star déclinante ?
Non, car Raul est un joueur à part. Pas uniquement pour ses statistiques, qui en font, par exemple, le toujours meilleur buteur de la Roja et le meilleur réalisateur de l’histoire des coupes européennes. Ni pour son copieux palmarès. Car, à l’instar de Pippo Inzaghi, avec lequel il se tire encore la bourre pour danser sur les cimes du classement des buteurs européens, et à l’inverse d’un Thierry Henry, par exemple, Raul n’a tout simplement pas besoin de disposer du souffle de ses 20 ans pour continuer de prendre à revers les systèmes défensifs les mieux rodés. Il vient d’ailleurs de déclarer qu’il comptait bien honorer sa deuxième année de contrat avec Schalke. Sauf improbable victoire des Allemands dans la reine des compétitions, Raul ne disposera cependant plus de l’horizon de la Ligue des Champions pour alimenter sa flamme. Mais sauf improbable défaite en finale de la Coupe d’Allemagne face à Duisbourg (méfiance tout de même avec Schalke), le mythique numéro 7 devrait encore flotter sur les terrains d’Europa League. On ne s’en plaindra pas, comme de le voir franchir un tour de plus en Ligue des Champions. Parce qu’il le vaut bien.
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