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Lucas Digne, plus qu’une simple doublure
Si Lucas Hernandez semble toujours tenir la corde au poste de latéral, Lucas Digne a considérablement réduit l'écart ces derniers mois. Et sa dernière prestation contre les Gallois a encore montré que le joueur d'Everton en avait sous la pédale. Et s'il était l'invité surprise du onze de départ de Didier Deschamps ?
Ce mercredi face au pays de Galles, le costard de Didier Deschamps était parfaitement taillé. Un 4-4-2 losange sur mesure et une animation soyeuse pour un résultat probant. Pourtant, à la mi-temps, il a décidé de retoucher ses manches, celles dans lesquelles il range habituellement ses latéraux. Un secteur dans lequel le sélectionneur a longtemps cherché une paire d’as, finalement trouvée en 2018 en la personne de Lucas Hernandez à gauche et de Benjamin Pavard à droite. Deux défenseurs centraux de formation qui ont apporté leur solidité et leur allant pour équilibrer le système français. Pourtant, à la mi-temps de ce premier match de préparation, le Basque a sorti les deux Munichois champions du monde pour les remplacer par deux petits gars à la stature moins établie. Sur le côté droit, c’est Jules Koundé, lui aussi axial de métier, qui a fait ses débuts avec les Bleus, laissant le spécialiste Léo Dubois ruminer en tribune. « Je sais très bien que c’est un défenseur central, mais je l’ai déjà vu performant avec son club à ce poste de latéral. Il est à l’aise, se justifiait DD. Ce n’est pas pour enlever quoi que ce soit à Léo Dubois, c’est une option différente et j’ai pris Jules pour cette polyvalence. » Un choix qui ressemble encore à du bricolage, tant ils sont limités à ce poste.
Un Lucas peut en cacher un autre
À gauche, le topo était bien différent. Si Hernandez est sorti, ce n’est pas pour opérer une revue d’effectif, ni parce qu’il s’est fait relativement bougé par Gareth Bale, mais plutôt parce qu’il s’est blessé au genou. En attendant les résultats des examens, cela ne semble pas inquiéter outre-mesure le staff tricolore. Déjà parce qu’il sait le Bavarois robuste, mais surtout que l’autre Lucas, Digne, est une doublure plus que fiable. C’est en tout cas ce que l’ancien Lillois a montré en 45 minutes à Nice, comme lors de ses dernières sorties avec les Bleus. En plus de ses nombreuses montées incisives, sa frappe sans complexe en fin de match en est la preuve : le gaucher est en pleine confiance.
Au point de réclamer plus qu’un rôle de numéro bis ? Lui ne le fera pas de son propre chef, ce n’est pas le style de la maison. Et si Lucas Hernandez est extrêmement précieux lorsque l’intensité grimpe, son collègue aux 5 passes décisives en 37 sélections n’a jamais vraiment déçu lorsqu’on a fait appel à lui. Jusqu’ici, alors qu’il le convoque régulièrement depuis 2014, Didier Deschamps l’a surtout aligné lors des matchs à moindre enjeu. Peut-être paye-t-il ici un déficit d’image, lui qui trimbale toujours à 27 ans cette ganache juvénile. Peut-être est-il desservi par cette carrière en dents de scie où il a eu du mal à s’imposer dans des clubs huppés comme le PSG ou le Barça. Des 26 sélectionnés, le latéral d’Everton est celui dont le club a terminé sa saison à la moins bonne place du classement. Et c’est chez le 10e de Premier League que Digne a composté son billet pour l’Euro. Une manière de montrer qu’un joueur peut s’épanouir dans une formation du sub-top et de prendre conscience à ce moment-là de toutes ses qualités.
Anglais sans frapper
Cette saison, Lucas Digne, c’est par exemple 7 passes décisives en championnat. Soit autant que des références comme Trent Alexander-Arnold, Raheem Sterling et Bobby Firmino. Une de plus qu’Andy Robertson, Bernardo Silva ou Riyad Mahrez. L’assurance donc de pouvoir approvisionner les attaquants de quelques galettes et également de pouvoir compter sur un joueur ayant perfectionné son anglais dans un Euro qui doit se terminer à Wembley. Ce tournoi est aussi l’occasion pour lui de creuser définitivement l’écart avec la concurrence (les deux Mendy, Ferland et Benjamin, sont désormais dans le rétro, son remplaçant au PSG Kurzawa n’est plus dans les plans et le frère Hernandez, Théo, n’y est pas encore) et de prendre une revanche.
Aujourd’hui, s’il peut légitimement viser le Mondial 2022, le blondinet doit se souvenir aussi de sa mise à l’écart en 2018. Un épisode qui l’a profondément marqué. « J’étais fier de ce que mes potes avaient fait. Mais, d’un autre côté, j’étais aussi frustré parce que je me disais que j’aurais pu en faire partie aussi, expliquait-il quelques mois plus tard à L’Équipe. C’était un sentiment bizarre. Bien sûr, il y avait de la déception, ce serait mentir de dire le contraire. Mais j’étais vraiment content pour eux, parce que je sais tous les sacrifices qu’ils ont dû faire pour en arriver là. Je les ai faits aussi. » Digne connaît désormais la marche à suivre : garder cette régularité, mais aussi, pourquoi pas, claquer le plus beau but de la compétition comme un certain Pavard. Ça peut aider pour être respecté.
Par Mathieu Rollinger