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Les députés Juanico et Roussel : « L’échec de Mediapro, c’est une responsabilité partagée »

Propos recueillis par Pierre Rondeau
7 minutes
Les députés Juanico et Roussel : « L’échec de Mediapro, c’est une responsabilité partagée »

Les députés Régis Juanico (Génération.s) et Cédric Roussel (LREM) viennent de remettre à l’Assemblée nationale les conclusions de leur mission parlementaire sur les droits télé. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont des propositions. Pour eux, il faut à tout prix éviter un nouveau Mediapro, fâcheux épisode qui était pourtant prévisible.

Quel bilan tirez-vous de cette mission parlementaire que vous avez menée ?Régis Juanico : Nous avons auditionné plus de 150 personnes, nous avons pu avoir tout le monde, toutes celles et ceux que nous voulions, tous les clubs, tous les dirigeants, tous les représentants. Tout le monde a joué le jeu, à de très rares exceptions. De cette mission, nous avons pu tirer un rapport complet visant, à la fois, à faire la lumière sur l’affaire Mediapro, mais aussi à trouver des solutions pour réinventer le processus des appels d’offres et assurer au financement du sport une pérennité et une solidarité. On l’oublie trop souvent, mais l’échec de Mediapro a considérablement altéré le secteur amateur, à travers le financement de l’Agence nationale du sport. Trouver des solutions spécifiquement dans le cadre des droits TV, c’était aussi protéger et soutenir toute la diversité et l’hétérogénéité du sport. Cédric Roussel : C’était un réel enjeu, après le cataclysme de 2020. Il fallait retracer toute l’histoire et comprendre comment cela était arrivé, pour que ça ne se reproduise jamais. Au départ, j’avais souhaité l’organisation d’une commission parlementaire, mais cela n’a malheureusement pas pu se faire. Nous avons donc fait cette mission parlementaire, et le rapport qui s’en est dégagé a été chaleureusement applaudi par l’ensemble des parlementaires. Des propositions ont été faites et elles vont à présent circuler. J’espère qu’un débat sera lancé et que l’on va pouvoir posément discuter des réformes à apporter pour qu’une telle situation ne se répète pas. C’était tout le but de cette mission.

Le milliard n’était donc pas une illusion. Seulement, ce qui a pêché, c’est le risque associé à l’espérance de gain.

Vous avez pu vous entretenir avec quasiment tous les dirigeants du football. Avez-vous une conclusion sur l’affaire Mediapro ? Y a-t-il un responsable ou est-ce une responsabilité partagée ?Roussel : Au bout de la discussion, j’aboutis à la conclusion suivante : le prix de 1,15 milliard d’euros négocié en 2018 n’était pas exorbitant, mais réaliste, contrairement à ce qui a pu être dit. La France et la Ligue 1 peuvent avoir cette ambition d’atteindre la barre fatidique du milliard. D’ailleurs, Didier Quillot, lors de son audition, nous a présenté l’étude du cabinet Boston Consulting Group qui, dès 2017, avait estimé une valeur du championnat de France comprise entre 720 et 1,2 milliard d’euros et un prix de réserve à 965 millions d’euros. Le milliard n’était donc pas une illusion. Seulement, ce qui a pêché, c’est le risque associé à l’espérance de gain. Le groupe Mediapro a fauté en construisant un mauvais modèle économique et a réalisé un calcul de rentabilité infructueux. Leur modèle était irréaliste, basé sur un projet de sous-licenciement des affiches, sur une distribution incertaine, sur un prix d’entrée peu compétitif. Dans le même temps, je pense que la responsabilité est partagée : la Ligue n’a pas été assez prudente, a été illusionnée et aveuglée par les propositions de 2018 et n’a pas privilégié des garanties financières et bancaires de premier rang, n’a pas été assez rapide pour souscrire à une assurance de défaut de paiement, n’a pas réalisé un audit sur la solvabilité de Mediapro, n’a pas eu une approche du risque sérieuse.

Parmi vos propositions, vous soutenez la création d’un lot « match en clair » avec la diffusion d’une rencontre par journée sur des chaînes gratuites. Ne pensez-vous pas que cela risque d’altérer la valorisation du foot ? Juanico : Il y a deux choses ici à prendre en considération. D’abord, il est évident que la privatisation du foot, avec sa diffusion sur des chaînes payantes, a réduit la fidélisation et coupé l’accessibilité aux fans de ballon rond. On ne peut plus voir du football en clair, mis à part quelques matchs de Coupe, et cela altère l’adhésion à ce sport. En imposant une diffusion gratuite, on repart à la conquête du public, on relance l’intérêt et on soutient la valeur des lots et des rencontres. C’est une simple question de visibilité. Ensuite, l’idée n’est pas d’interdire d’accès les chaînes payantes ou à péages, elles pourront aussi candidater sur ce lot. Simplement, elles auront l’obligation, comme c’est déjà le cas avec les rencontres sportives d’importance majeure, d’organiser une codiffusion avec une chaîne en clair, de revendre en sous-licence, voire de passer à une chaîne secondaire gratuite, filiale de la maison-mère. Comme RMC Story ou RMC découverte pour RMC Sport, C8 pour Canal+ ou même Twitch pour Amazon.Roussel : Je reprends cette liste des événements sportifs d’importance majeure et souhaite l’amender, l’agrandir, la renforcer. Je défends profondément l’idée des événements sportifs d’importance régionale. Des rencontres, comme des derbys bretons ou du Sud, n’auraient pas forcément beaucoup d’impact pour les diffuseurs traditionnels, ne sont pas forcément attracteurs d’abonnés à échelle nationale, mais intéresseraient forcément des fans locaux. Le match pourrait donc être diffusé gratuitement sur des canaux régionaux, comme une affiche Brest–Lorient sur France 3 Bretagne. Cela n’aurait aucun impact sur la valorisation du championnat, mais améliorerait la visibilité.

En imposant une diffusion gratuite, on repart à la conquête du public, on relance l’intérêt et on soutient la valeur des lots et des rencontres. C’est une simple question de visibilité.

Dans votre rapport, on trouve une vingtaine de propositions, comme la modification des modalités d’organisation des appels d’offres, l’imposition d’un salary cap, le plafonnement des effectifs, la dégressivité des charges patronales en fonction de l’âge, etc. Pensez-vous que cela pourrait se traduire par une proposition de loi et que cela aille au bout ? Qu’en pensent les dirigeants ? Roussel : Je vois ce rapport comme une boîte à outils, comme une aide pour les instances et les dirigeants à réformer et à réinventer le football. Clairement, des choses doivent changer. Et j’ai le sentiment que le monde du foot est globalement d’accord avec nous. Il n’y a qu’à voir l’audition de Vincent Labrune au Sénat qui a cité le projet d’un salary cap et d’un plafonnement des effectifs. Tout le monde est clair, le foot doit être réformé pour ne pas qu’un tel cataclysme se reproduise. Nous, de notre côté, nous avons dégagé des propositions après avoir écouté l’ensemble des acteurs, des observateurs et des experts. Ces propositions nous semblent légitimes et crédibles. Juanico : Pour concrétiser nos recommandations, il existe la proposition de loi sur la démocratisation du sport en cours de discussion qui contient déjà la société commerciale encadrée et les SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif), mais tout une série de propositions ne relèvent pas du législatif comme la liste des événements sportifs d’intérêt majeur ou la durée du contrat d’exploitation des droits, s’il est rallongé de quatre à cinq ans. La plupart des mesures de sécurisation des droits relèvent d’une discussion directe avec les clubs, et c’est la ligue qui prendra les décisions. Politiquement, il va y avoir des élections prochainement, et notre rapport va permettre de poser un débat et d’offrir des propositions clefs en main. De même, les États membres de l’Union européenne doivent faire pression sur les instances internationales du football, l’UEFA et la FIFA, pour qu’elles décident de mécanismes de régulation et d’encadrement.

Le président Emmanuel Macron a-t-il lu le rapport ?Cédric Roussel : Le rapport a été remis à l’Assemblée nationale le mercredi 8 décembre, il a été présenté devant la Commission des affaires culturelles, et a été chaleureusement accueilli le mercredi 15 décembre. Maintenant, il doit faire son chemin parlementaire et politique, le président Macron va recevoir nos propositions et la conclusion de nos travaux. Je le sais fan et grand connaisseur de football, je suis certain qu’il y trouvera un grand intérêt.

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