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« Le street foot, c’est la liberté, c’est un mode d’expression »

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La culture du street football en France a désormais son film de référence, avec Ballon sur Bitume, qui sort le 17 novembre sur YouTube. Parmi les protagonistes du documentaire, entre Riyad Mahrez, Ousmane Dembélé, Yacine Brahimi, MHD et Gradur, on trouve Adrien Gasmi, que le street foot a mené jusque sous le maillot de l’équipe de France de futsal. Entretien.

Après huit ans de pratique de futsal et six ans au plus haut niveau, tu as décidé de quitter la région parisienne, où tu avais toujours évolué, pour rejoindre Montpellier, pourquoi ce départ ?En fait, le club de Montpellier me suivait depuis un bon bout de temps, environ quatre ou cinq ans… À l’époque, ils n’étaient pas encore en Ligue 1, alors on s’est dit qu’on reparlerait de mon arrivée une fois qu’ils seraient montés. C’est une région que j’aime beaucoup, je venais souvent en vacances à Montpellier quand j’étais gamin. Et puis j’avais aussi envie de changer d’environnement, après avoir joué dans un certain nombre de clubs de la région parisienne. Je ne regrette pas du tout d’avoir fait ce choix : nous sommes premiers après sept matchs, il y a un énorme engouement autour de l’équipe, qui se vérifie à chaque match à domicile.

Tu n’es pas trop dépaysé ?C’est vrai que c’est un nouvel environnement, il faut que je m’acclimate… Ça change beaucoup d’Aulnay, où il y avait toujours plein de potes dans les tribunes à chaque match. Bon, il y en a certains qui descendent du quartier jusqu’à Montpellier, mais ce n’est pas la même chose. Le plus important, c’est que j’ai rejoint un beau projet, une belle équipe, donc ça ne devrait pas poser de problèmes de m’habituer à vivre ici.

Comment passe-t-on du street foot au futsal ? Pour ma part, je joue au street foot depuis mon plus jeune âge. Et j’ai découvert le futsal grâce à une affiche, qui était placardée sur tous les bâtiments de mon quartier, et qui invitait tous les gamins à venir pour une détection, dans le but de créer un club de futsal à Aulnay. J’ai vu ça, j’ai prévenu quelques potes avec lesquels j’avais l’habitude de jouer, et c’était parti ! On est passé du terrain en béton à la mairie, le club s’est créé, puis s’est développé ; on a notamment disputé deux finales de la Coupe de Paris, c’est là que j’ai été repéré et que j’ai pu signer en Ligue 1. Aujourd’hui, je joue en équipe de France depuis quatre ans, et je suis parrain du club d’Aulnay.

Est-ce que le street foot et le futsal font appel aux mêmes qualités ?Le street foot, c’est un peu plus qu’un sport, c’est la liberté, c’est presque un mode d’expression. Quand tu as le ballon, tu es libre de faire tout ce que tu veux, tout ce qui te passe par la tête. Tu peux tenter des tas de choses, prendre des risques, sans craindre que ça nuise à l’équipe, comme il n’y a pas vraiment de pression du résultat. Le street foot, c’est ça, c’est la liberté. Le futsal impose un peu plus de rigueur, mais on y retrouve quand même la dimension du spectacle, héritée du street foot.

Dans quels domaines as-tu le plus progressé depuis que tu pratiques le futsal ?Sans doute au niveau tactique. Le niveau du championnat de France s’élève d’année en année, et tout le monde progresse au même rythme. Et le niveau est encore plus élevé quand je joue en équipe de France ou en Coupe d’Europe, comme c’était le cas au Sporting de Paris. J’ai aussi beaucoup progressé en matière de concentration. Dans le futsal, tu n’as pas le droit de te relâcher, parce que tu peux mener 3-0 à deux minutes de la fin et perdre le match 3-4.

Tes modèles, ils appartiennent au monde du futsal, du street foot, ou du football en général ?Mon idole de jeunesse, c’est George Weah. Je suis un grand supporter du PSG depuis que je suis tout petit, et j’étais dingue de Mister George. Aujourd’hui, j’admire particulièrement Arjen Robben, pour ses qualités d’explosivité, de percussion… Tout le monde sait exactement quel dribble il va faire, parce qu’il fait tout le temps le même, en repiquant vers le centre, mais à chaque fois il y arrive quand même.

En dehors de l’aspect footballistique, est-ce que les codes de la culture street foot – les fringues, la musique, le trash talking – se retrouvent également dans le futsal ? Disons qu’il y a forcément de l’influence. Bon, on ne met pas de la musique pendant les matchs, parce qu’il faut rester concentré avant tout, mais ça fait partie de notre culture, on écoute de la musique pour se préparer… Pour le style, c’est pareil, on essaie de cultiver sa différence. Il y a moins de trash talking, en revanche. On ne va pas se mentir, on essaie d’être un peu plus concentrés sur le résultat dans le futsal, c’est normal. Mais chacun amène avec lui un peu de street foot, ce qu’il veut… Il y a un héritage indéniable.

Aux États-Unis, la NBA a profondément évolué en l’espace de quelques années, dans les 90’s, sous l’influence du streetball. Penses-tu que le foot pro bénéficiera, à terme, des exploits de Riyad Mahrez ou d’Ousmane Dembélé, issus du street foot, pour évoluer dans le même sens ?Je pense qu’on a besoin de ce genre de profils dans le foot. D’abord parce que ce sont ces joueurs-là qui nous font rêver. Ce sont les buts, les gestes techniques, qui font la beauté du football. Ronaldo, Maradona, ils ont commencé à jouer au foot dans la rue, et ça se voit. Dembélé, Mahrez, ce sont des diamants bruts qui viennent des quartiers, et le fait qu’ils réussissent est forcément un message positif envoyé à tous les gamins des quartiers, qui se reconnaissent forcément dans cette façon de jouer. L’éclosion de tels joueurs, ça donne de la force à tous les gamins talentueux qui jouent dans les quartiers.

Mahrez et Dembélé, justement, figurent à tes côtés à l’affiche du documentaire Ballon sur Bitume, le documentaire sur la culture street foot qui sortira le 17 novembre. Quand tu les vois jouer, est-ce que tu reconnais l’influence du street foot ? Oui bien sûr, au premier coup d’œil ! On reconnaît les contrôles de quartier, les feintes de quartier, les gestes techniques dans les petits espaces, avec la semelle. Riyad Mahrez, je le connais depuis l’époque où il est parti du Havre. Il vient d’un quartier à côté de chez moi, en région parisienne, et on a pris l’habitude de se retrouver de temps en temps pour se faire des five. On le fait encore aujourd’hui, quand on retourne au quartier au même moment.

Est-ce que le documentaire est fidèle au street foot que tu as connu dans ton quartier ?Oui, c’est un beau documentaire, qui retranscrit très bien la culture du foot de nos quartiers, on s’y retrouve très bien. J’espère que beaucoup de gens le regarderont, parce que ça décrit parfaitement le quotidien du quartier, où le football occupe une place centrale. Quand j’étais gamin, le street foot, c’était toute ma vie, je me foutais de tout le reste. C’était même plus important que les copines (rires) ! Tous les jours, on jouait de 14 à 21 heures !

Où en est l’équipe de France de futsal ? Nous sommes en pleine progression. La France est classée 37e au niveau mondial, mais depuis deux ans, on est de plus en plus performants face aux meilleures nations. On a loupé de très peu la qualification pour la Coupe du monde. En janvier prochain, nous jouerons le tour préliminaire de l’Euro, et je pense qu’on a l’équipe pour faire quelque chose de bien. On a joué contre l’Espagne, en amical, on a perdu 1-0 et 2-0, alors que c’est l’une des meilleures équipes du monde. Normalement, contre des équipes de ce calibre, si tu te prends 6 ou 7-0, tu t’en sors bien. On est en net progrès.

Le street foot est-il un langage international, ou existe-t-il des spécificités françaises ?Je pense que le foot en France bénéficie énormément de l’apport de l’immigration : chacun amène sa culture, et ça crée quelque chose d’unique, un mélange super intéressant. C’est quelque chose qu’on retrouve beaucoup dans certains tournois, où les équipes françaises font de bons résultats. En Île-de-France, surtout, le niveau de jeu est très élevé, ce n’est pas pour rien.

Documentaire Ballon sur Bitume, disponible sur YouTube dès le 17 novembre prochain.

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Plus d'informations sur http://oneyard.com/ballonsurbitume/

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