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Le jour où Jean-Charles Sabattier a chuté sur le plateau de l’EDD

Propos recueillis par Paul Piquard
13 minutes
Le jour où Jean-Charles Sabattier a chuté sur le plateau de l’EDD

Chaque année, elle réapparaît sur les réseaux sociaux, et fait marrer tous les amateurs de foot, et les nostalgiques de L’Équipe du dimanche. Souvent commentée, parfois disséquée, la vidéo de la chute de Jean-Charles Sabattier méritait bien une analyse en profondeur. Interview croisée avec les deux principaux protagonistes, et une invitée surprise: Nathalie Iannetta, journaliste et compagne de Jean-Charles Sabattier.


Ton premier souvenir de cette journée qui a marqué l’histoire ?

Jean-Charles Sabattier : On est sur la saison 2010-2011. C’était une saison où on avait changé de plateau, pour L’Équipe du dimanche. À moins que je ne me trompe, on doit être en novembre ou en décembre. Thomas s’en rappellera peut-être plus précisément. Moi, j’ai surtout des souvenirs des nuits qui ont suivi cette chute ! C’est une journée classique de préparation de L’Équipe du dimanche. On est là, on sait qu’il va falloir faire au moins une répétition avant. Je crois que c’est la première fois que L’Équipe du dimanche avait lieu sur ce plateau. Mais voilà, c’est toujours la même ambiance, en tout cas entre Tom et moi, c’est toujours la même chose. Ambiance studieuse d’un côté, puis déconne de l’autre pour savoir comment on allait amener le truc de manière un peu différente. Il y avait une actu qui était assez dense, mais il n’y avait pas d’idées très précises. On a toujours eu ce même rapport tous les deux, il y avait des petites bagarres pour essayer de grappiller quelques secondes supplémentaires pour faire vivre le championnat d’Allemagne, qui n’était pas forcément le plus exposé sur l’antenne. Après, il y a toute la séquence d’écriture, lui de son côté, moi du mien. Puis à un moment, il s’agit de partir pour faire notre répète.

Charly, il peut être complètement dans son monde. Il y a plein de gens en même temps, au même moment, qui sont dans sa tête, et il peut avoir des réactions qui peuvent être parfois très surprenantes…

Thomas Thouroude : J’ai envie de dire que c’est pareil que Charly. C’était un dimanche d’Équipe du dimanche, avec de belles affiches et une belle émission en perspective. Rien ne laissait présager ce qui allait se passer ! Mais ce qu’il faut bien comprendre et savoir avant d’analyser cette chute, c’est qu’on parle bien de Jean-Charles Sabattier. Il faut connaître Jean-Charles Sabattier pour comprendre ce qu’il s’est passé ensuite, et notamment ma réaction. Charly, c’est un personnage. C’est un personnage qui est capable de faire des gaffes, à qui il peut arriver des histoires marrantes. Il a toujours des trucs drôles à raconter. Il peut être complètement dans son monde. Il y a plein de gens en même temps, au même moment, qui sont dans sa tête, et il peut avoir des réactions qui peuvent être parfois très surprenantes…

Et c’est pendant la répète que le drame arrive…

JCS : C’est la fameuse répète, ouais ! Ce n’était pas trop trop mon truc, ni celui de Thomas, même si je comprends les contingences techniques pour se mettre en place. On arrive là-bas, il y avait ce plateau, avec notamment ce plancher tout noir, qui luisait un peu. On commence à déconner, et je lui propose un truc, en lui disant : « Pour mon entrée, j’ai envie de faire une sorte de mixe entre les courses de Benny Hill, à la fin des épisodes, combiné avec la posture de John Cleese dans le Ministry of Silly Walks. » Je trouvais que dans le rythme, ça pouvait être assez marrant. Donc il m’annonçait, je faisais un petit tour sur moi-même histoire de me lancer, puis j’arrivais avec cette posture complètement en décalage de John Cleese sur la musique de Benny Hill. Mon premier passage se passe bien, on se fend la gueule. Le deuxième, pareil, donc on se dit : « On y va ! » Donc on se met en place pour tourner, j’avais mes repères, j’étais équipé, j’avais le micro, ma fiche dans la main droite, la main dans la poche gauche, je commence à prendre ma posture. Le top est donné, et me voilà lancé pour partir le rejoindre sauf que là, j’ai pas le compas dans l’œil, et au moment où je dois franchir les deux mini-marches, j’ai le pied droit qui heurte le haut de la petite marche. Sur ce plancher noir, je vois rien du tout, et comme je suis lancé assez rapidement, bah je pars en vol plané, quoi !

TT : Cette explication est digne de Jean-Charles Sabattier. C’est-à-dire que cette explication résume à elle seule qui est Jean-Charles Sabattier, et le monde dans lequel il vit. Onze ans après, il est encore dans des explications et des justifications hyper précises pour lui, sauf qu’en fait, le truc, c’est juste qu’il est arrivé à donf, et qu’à un moment donné, il a sauté, puis il a raté une marche, c’est aussi simple que ça en fait !

On voit que Jean-Charles arrive beaucoup trop vite…

JCS : Ouais, parce que je pars d’assez loin ! Moi, je voulais faire la course de Benny Hill, tu sais avec la musique, là… Donc ça impliquait que je cours assez rapidement, avec des pas assez longs, mais avec le buste très droit, à l’anglaise ! Et c’est là que ça a capoté. J’ai pris une pelle terrible, et elle est d’autant plus terrible que j’ai la main gauche dans ma poche, mes fiches dans ma main droite, et je suis dans le déséquilibre complet. Le seul réflexe que j’ai, comme j’ai fait un peu de judo dans ma jeunesse, c’est de me recroqueviller un peu sur le côté, histoire d’essayer de faire un roulé-boulé parce que sinon je m’écrasais la gueule au fond du plateau. Ce qui aurait été d’autant plus terrible ! Sauf que le côté gauche, c’est le côté où j’ai le micro, donc je m’éclate tout le côté gauche, quoi.

TT : On répétait l’émission juste avant le direct. Et il répète son entrée, comme il le faisait tous les dimanches, et il arrive comme un ouf, à 10 000 à l’heure ! Mais moi, si tu veux, je fais même pas attention à ça parce que c’est Charly, c’est comme ça. Et là, il se latte vraiment.

Je suis partagé entre cette douleur-là, et l’envie de me fendre la gueule à mort ! Ce qu’on fait deux minutes plus tard, et là, c’est une souffrance invraisemblable de rire. Mais c’est parti !

Terrible…

JCS : Ouais ! Si tu regardes, on entend une sorte de râle, et il y a l’assistant qui est là en train de me regarder, comme Tom qui est complètement estomaqué par l’histoire, et moi, j’ai une forme de râle parce que je peux plus respirer. Je peux réellement plus respirer. Mais je suis partagé entre cette douleur-là, et l’envie de me fendre la gueule à mort ! Ce qu’on fait deux minutes plus tard, et là, c’est une souffrance invraisemblable de rire. Mais c’est parti ! En régie, tout le monde est soulagé de voir que ça va. Parce que je prends quand même une belle pêche, une vraie gamelle ! J’ai le cul par-dessus tête, c’est assez invraisemblable. Mais je sais pas si t’as remarqué sur la vidéo, j’essaie de rester stoïque, même le cul par-dessus tête, j’essaie de garder une certaine prestance dans la gamelle !

TT : Jean-Charles Sabattier, c’est ça ! Il y a tout de lui ! Heureusement, ça se termine bien pour lui, quelque part, il s’est soigné, il n’a pas eu de problèmes, mais ce qu’il faut dire, c’est que le capital sympathie de Jean-Charles était déjà très élevé auprès du public de Canal. Et là, il l’était encore plus. Quand il arrive ça à Charly, tu ne peux que l’aimer plus encore.

Thomas, on a presque l’impression que tu penses que c’est une vanne…

TT : Mais oui ! C’est pour ça qu’il faut bien comprendre à qui on a affaire, quoi ! C’est-à-dire que tu fais ça avec un autre collègue, s’il tombe comme ça, je pense que j’interviens tout de suite. Mais il s’agit de Jean-Charles. Et Jean-Charles, ce genre de truc, ça peut lui arriver très souvent. Donc quand il tombe, sur le moment, je me dis : « Ouais, il a voulu faire le con, il a fait un truc ! » Je suis très surpris, comme tout le monde sur le plateau, et après, il y a un temps de latence, et là je réalise qu’en effet, il s’est fait mal. Et je lui dis cette phrase absolument catastrophique : « Là, tu t’es fais mal ! » Parce qu’en fait, je réalise en effet que c’est pas une vanne, c’est pas une farce. J’ai enfin le mot : Jean-Charles, il est facétieux. Mais là, c’est pas une facétie de Jean-Charles Sabattier. Je me dis : « Merde, il s’est vraiment fait mal. »

JCS : Je comprends que Thomas ait eu un doute ! Sa phrase, « Ah, là tu t’es fais mal », est merveilleusement touchante. J’essaie bien évidemment de les rassurer un peu, même si franchement j’ai mal, quoi ! Ça a duré des semaines et des semaines derrière.

Le bilan médical ?

JCS : Il y a une côte de pétée, sûr. Et trois côtes touchées en tout avec un hématome sous-costal. C’est le micro, en fait, qui m’a complètement écrasé le côté gauche.

TT : Si je me souviens bien il se pète deux côtes à cause du boitier du micro. Mais il fait quand même la séquence derrière dans l’émission en direct !

Très costaud…

JCS : Fallait la faire, L’Équipe du dimanche ! Moi, je faisais tout en direct, avec les lancements. On était assis l’un à côté de l’autre, et comme j’avais des difficultés à respirer, je me rappelle qu’il y avait les pompiers qui étaient là, et qui avaient prévu un truc d’oxygène au cas où je ne puisse pas respirer. On n’en a pas eu besoin, mais celle qui m’a été extrêmement précieuse, en revanche, c’est la maquilleuse qui était là, et qui pendant mes offs me tapotait le front parce que je transpirais à fond, j’étais en apnée ! J’étais vraiment en galère, ça a duré des mois derrière.

Dix ans plus tard, on vous en reparle régulièrement ?

JCS : Lui comme moi on est assez souvent interpelés sur cette chute, pour savoir comment ça s’est passé. Derrière, je suis parti au ski avec ma famille, et j’ai pas manqué de me faire chambrer pas mal ! C’est vrai que les gens étaient assez interloqués. Il y avait d’un côté les proches, qui étaient plutôt inquiets de m’avoir vu me gaufrer comme ça, comme un sombre flan, mais sinon ça a toujours été de manière sympa, même quand ça ressort de manière épisodique comme ça. Les gens qui s’interrogent auront maintenant la réponse sur cette situation assez banale, qui est donc partie de cette idée de combo « course de Benny Hill et posture de John Cleese. »

Moi, quand je croise des gens, on me pose deux questions. La première, c’est Elle est sympa, Isabelle Ithurburu ? Et la deuxième, c’est toujours : Et comment il va, Jean-Charles Sabattier ?

TT : Moi, quand je croise des gens, on me pose deux questions. La première, c’est « Elle est sympa, Isabelle Ithurburu ? » Et la deuxième, c’est toujours : « Et comment il va, Jean-Charles Sabattier ? » Mais ce qui est intéressant sur cette séquence, c’est que mon propre fils aîné, qui avait 4 ans à l’époque, et qui ne l’avait pas vue, a découvert l’image l’année dernière, parce qu’il l’a vue sur TikTok ! Il m’a dit : « Papa, j’ai vu une image de toi qui a percé ! » Et c’était la chute de Charly ! Donc quand même, ça fait dix ans que ça a eu lieu, et l’image a voyagé, quoi.

Une semaine plus tard, vous refaites le match avec la palette qui analyse la chute…

JCS : Ce n’est pas mon idée, c’était la surprise du chef ! Je crois que c’était une idée combinée de Thomas Thouroude et de Paul Elkaïm, très vraisemblablement. Tout le monde s’est mis au travail sur cette histoire, et la palette est sortie le dimanche d’après ou ça a été évidemment une grande rigolade. Moi, je ne suis absolument pas au courant. Je sentais qu’il se tramait un truc. Parce qu’on était souvent ensemble avec Paul et Thomas, pour bosser, et on déjeunait souvent ensemble. Et puis cette semaine-là, c’est vrai que je les voyais un peu moins. Je leur disais : « Vous faites quoi, les gars, vous allez où ? » « Nan, rien, on revient. ». Et en fait, c’est la création de cette fameuse palette qui est à hurler de rire. Ça m’a coûté une petite douleur aux côtes, mais ça valait bien ça !

TT : On avait repris tous les codes d’une palette classique pour analyser une action. On avait mis sa vitesse d’accélération, la hauteur de la chute, on avait tout analysé, et on l’avait rejouée en plateau, avec beaucoup d’autodérision.

Après l’émission, il se passe quoi pour toi, Jean-Charles ?

JCS : Ma femme n’avait pas vu l’émission. Elle rentre et me voit avec le visage tout blanc, et elle me dit : « Mais qu’est-ce qu’il t’arrive, ça s’est pas bien passé l’émission ? » Là, je la regarde, et j’ai cette phrase qui sort : « Putain, j’ai loupé la marche. » Elle me dit : « Quoi ?! » « J’ai loupé la marche et je peux plus respirer. » « Mais qu’est-ce que tu racontes comme conneries ? » Là, j’avais enregistré l’émission, je lui ai dit : « Bah écoute, regarde ! » Elle voit ça, et elle part dans un fou rire magistral, de plus de 10 minutes ! Donc ça, c’est la conclusion de ma journée. Un bon chambrage de ma femme et de mes enfants !

Régulièrement, je me remémore le truc, et je me remets à me marrer comme la première fois.

Nathalie, tu confirmes le fou rire ?

Nathalie Iannetta : Je pense que ça l’a un peu agacé au début parce qu’il avait vraiment mal aux côtes en fait, mais nous, on n’en avait vraiment rien à faire de cette côte cassée, on était juste écroulés de rire ! Et encore maintenant, je ne m’explique pas comment ce truc, presque dix ans plus tard, continue de circuler régulièrement sur les réseaux sociaux. Mais régulièrement, je me remémore le truc, et je me remets à me marrer comme la première fois. Le soir même, il rentre du plateau, je lui dis : « Bah, qu’est-ce qu’il y a ? » Comme ça s’était passé en répète, et pas en direct, je ne le vois pas, sur le moment. Mais ça nous a fait beaucoup, beaucoup rire, et très longtemps.

Thomas disait à l’instant que son fils, qui avait 4 ans à l’époque, l’a vue récemment sur les réseaux sociaux…

NI : Eh bien l’autre jour, ma fille vient me voir avec la vidéo et me dit : « Nan, mais Maman, à quel moment ce truc revient ? C’est une blague ? » Je lui dis : « Je ne sais pas chérie, ce truc revient en boucle sur un certain nombre de réseaux… » « Ah nan, mais là, c’est bon, ça suffit ! » Il y a un moment où les enfants ont toujours un petit peu honte de leurs parents, mais oui, elle me l’a montrée, effectivement, la semaine dernière. C’est dingue, ça doit bien faire dix ans. C’est quand même incroyable, alors que c’est un truc un peu con, quoi !

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On a passé la journée avec Guy Roux, Djibril Cissé et les jeunes de l’AS Gurgy
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