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  • Espagne/France (1-1)

Deschamps : le boss, c’est lui…

Par Chérif Ghemmour
7 minutes
Deschamps : le boss, c’est lui…

Le « nul victorieux » ramené de Madrid (1-1) doit avant tout à Didier Deschamps. Un gros coup qui a épaté la footosphère. Et qui trace désormais une ligne Deschamps dont les Bleus seraient bien avisés de ne pas dévier : un groupe est peut-être né et les places de l’aventure seront chères.

Mea culpa général… Personne ne voyait les Bleus ramener ne serait-ce qu’un point de Madrid. Il faut donc d’abord les féliciter, eux, et surtout leur coach. Ensuite ne pas s’enflammer : le nul ramené de Vicente Calderón tient autant à la bravoure et au talent des p’tits Français qu’à la déliquescence incroyable de la Roja en seconde mi-temps. Et puis l’Espagne reviendra en mars au SdF pour gagner, avec là encore une position de favori « naturel » qui colle toujours avec son statut de n°1 mondial. Mais revenons d’abord sur Didier Deschamps, grand « vainqueur du nul » . Autant on ne doutait pas de ses compétences, autant on déplorait le niveau général de cette génération actuelle des A arrivée pour la plupart en fin de mandat de l’ère Domenech. Eh bien, DD a su transcender ce groupe pourtant diminué (Diaby, Mavuba, Lass Diarra) pour un match crucial. C’est que DD est homme de coups : sa joie après le but de Giroud rappelait les exploits au finish et les coups de poker insensés de l’ASM 2004 (contre le Real ou Chelsea) ou de l’OM (champion de France 2010 dans la deuxième partie de saison, ou en C1 avec les qualifs au finish à l’Inter, à Dortmund, voire au Spartak Moscou…).

L’ADN de la gagne du Français le plus titré en foot, qui en doute aujourd’hui ? Chez lui, c’est presque une mystique. Lui seul rend crédible cette maxime à la con : haïr la défaite… C’est donc bien un commando qui a neutralisé l’Espagne hier soir. On ignore les mots et les gestes utilisés pour motiver son groupe, mais on avait noté la zen attitude adoptée dès sa prise de fonction : sourire et humour à toutes ses interventions médiatiques. Jamais inquiet, pas plus après le France-Japon (0-1) qu’il a dédramatisé aussitôt, qu’avant cet Espagne-France. La zen attitude a déteint sur ses joueurs hier soir : pas de panique, ni de fautes rédhibitoires (2 jaunes, pour Gonalons et Koscielny). Le nul ramené d’Espagne valide grandement sa gestion de groupe.

Didier le tueur

Car, attention ! Avec Deschamps, il y a toujours des vainqueurs et des perdants. Les gagnants : tous ceux qui « y étaient » , notamment les 14 alignés à Calderón. Mention spéciale pour Giroud, buteur enfin décisif servi par Ribéry : ça casse un peu le lien exclusif Benzema-Ribéry (pas encore très convaincants à Calderón) et ça leur impose de mieux considérer Olivier. Benz a quitté le stade sans un mot à la presse. Jaloux d’Olivier ? À DD de recadrer ça… Les perdants, donc : Nasri, Ben Arfa, M’Vila. Sans eux, les Bleus s’en sont bien tirés. Un groupe, voire une équipe, s’est peut-être créé hier soir et ils n’en étaient pas. Disciple de Jacquet, le sacrifice de joueurs même très bons (comme Ginola et Cantona autrefois) fait partie du Deschamps impitoyable quant à ses choix. La mise à l’écart de Nasri, Ben Arfa et M’Vila pour un très bon résultat, c’est la meilleure des disciplines de groupe : voilà qui fera réfléchir tous les sélectionnés et sélectionnables à l’avenir. Ceci dit, il ne faut pas se focaliser sur les trois punis de l’Euro 2012. Ils peuvent revenir. De la même façon que DD a poursuivi la jurisprudence Blanc en retenant Évra et Ribéry, tristes héros de Knysna. À suivre…

L’autre grand perdant à l’heure actuelle, c’est Laurent Blanc. Parti brutalement, sur un semi-échec avec pour dernier match une défaite sèche contre l’Espagne (0-2) abordée trop frileusement, comme s’en étaient plaint les joueurs (Debuchy ailier droit…). Le nul ramené de Madrid le renvoie maintenant à un échec en rase campagne. Comme si Lolo était parti en refusant l’obstacle : l’Espagne… DD a fait mieux sur le plan de la gestion de groupe, du résultat et surtout de la tactique et du coaching. Trois attaquants au départ (Ribéry, Benzema, Ménez) plus un Cabaye, voire un Matuidi, chargés d’apporter un soutien offensif à la possession. DD avait prévenu, contre l’Espagne, « il faudra les attendre bas et les prendre haut » , un truc débile et convenu déjà entendu mille fois. C’est pourtant ce que les Bleus ont plutôt réussi : ils ont défendu bas, âprement, en première période, et ils sont montés d’un cran en seconde, enrayant la belle mécanique rouge. Mais c’est dans le coaching que DD a été très bon. Déjà, à l’inverse de Domenech et Blanc, il n’a pas attendu le dernier quart d’heure pour agir. À la 57e, il a sorti un défensif (Gonalons) pour un offensif (Valbuena) : geste fort et ambitieux pour un p’tit Vélo tout de suite au taquet, comme d’hab’. Ensuite à la 68e : entrée de Sissoko à la place de Ménez. Un défensif pour un offensif, ce coup-là ? Non. Si Moussa avait bien sûr pour mission de colmater à gauche les montées de Jordi Alba, il a aussi animé son couloir en montant à chaque fois que c’était possible apporter du soutien aux attaquants. Après le match, tous les Espagnols, groggys, ont reconnu que le coaching de Deschamps leur « avait fait très mal » . Cerise sur le gâteau, l’entrée de Giroud pour Benz à la 88e, soit quand tout était fini-foutu… sauf pour DD : c’est bien Olivier qui a égalisé à la 94e ! Du 100 % pour le coach…

Profil de winner

Ainsi va la Dèche, encore auteur d’un gros coup. Outre son profil de winner bien connu, il se nourrit de toutes ses expériences pour se forger des convictions qu’il transmet à son groupe. DD est un rancunier, ça compte : il n’a pas oublié la fin de carrière ratée au FC Valence (2000-2001) où son image de marque en a pris un coup. Il était traité, peut-être à juste titre, comme un vulgaire remplaçant. Un petit compte à régler avec le foot espagnol ? Pas incertain… Et puis il faut comprendre que, dans l’univers foot contemporain, Didier Deschamps fait peur. Déjà comme joueur et capitaine habitué à gagner et décrocher des titres, il imposait la crainte. Même crainte suscitée en tant qu’entraîneur : la qualif de l’OM contre l’Inter, c’était d’abord un combat psychologique gagné contre Ranieri (qu’il avait déjà « battu » en 2004 du temps de Monaco-Chelsea). Tout au long de l’avant-match, on aura remarqué un Vicente del Bosque inhabituellement « inquiet » de jouer la France de Deschamps. L’épisode de la veille du match où il est venu observer subrepticement avec ses adjoints et Casillas le début de l’entraînement des Bleus et la mise en place tactique (ce qui a mis DD en colère) n’était peut-être pas si anodin que ça. Malgré les excuses pour ce passage prétendument fortuit…

Pendant la rencontre, on a souvent vu un Del Bosque debout donner de la voix, un peu fébrile. Il a même maintenu jusqu’au bout un Fàbregas pas extra, déjà auteur du péno manqué en première mi-temps… Dans le discours, DD en a fait des tonnes en mettant la pression au maximum sur son rival. Il a dû dire au moins 15 000 fois en quinze jours que « l’Espagne est la meilleure équipe du monde » . Là aussi, phrase en apparence banale, mais qui jette à la fois un sort psychologique à la partie adverse… tout en mobilisant ses Bleus à faire l’exploit. Lolo Blanc avait intériorisé la défaite contre l’Espagne à l’Euro. Après le revers éliminatoire, il avait confessé que le plan était de tenir le 0-0 en première mi-temps. Attitude attentiste, donc. Mais qui n’est pas la tasse de thé de son pote Didier. Voilà, voilà. Rien n’est fait, rien n’est joué, rien n’est acquis. La Roja revancharde et sans doute au complet viendra à Paris pour vaincre. On guette depuis des années les signes incontestables du déclin inévitable de cette extraordinaire Roja. L’avenir nous dira que, peut-être hier soir, c’est contre la France que sa domination sans partage a pris fin. Et que ce coup d’arrêt fatal lui a été porté par la « France de Deschamps » …

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Par Chérif Ghemmour

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