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Châtellerault, pour un verre de Porto
Nouvelle rubrique sur sofoot.com. Chaque week-end, nous nous intéresserons, au hasard (enfin, pas vraiment au hasard, en fait) à un club ou match de football amateur. Cette semaine, bienvenue à l'AS des Portugais de Châtellerault.
Située en terre ségolène-royaliste, la commune de Châtellerault a quelques arguments de choix. De jolis ponts surplombant la Vienne, un bassin industriel, de petites places où le café se déguste dès les premières heures de la matinée. Sur l’une d’elles, il n’est d’ailleurs pas rare de croiser un joueur de foot de la ville, qui compte plus de 5 écuries. Derrière le S.O Châtellerault, figure de proue évoluant en CFA2, l’association des Portugais, fondée en 1973 navigue cette saison en DHR. Un club monté par ces immigrés débarqués en Poitou-Charentes au gré du voyage et désireux de s’offrir un peu de bonheur après l’effort : « Ils travaillaient tous la semaine dans des milieux difficiles, comme la maçonnerie » raconte Luis Da Silva, entraîneur du club. « Leur seul loisir, c’était de jouer ou d’aller voir le match le week-end. » Depuis, l’AS des Portugais de Châtellerault s’est ouverte. Ouverte à d’autres nationalités, à d’autres challenges aussi. Passé d’un niveau départemental à l’échelle régionale, le club nourrit saison après saison l’ambition de grimper au-delà des murs de division. Une réussite à la vue des deux dernières décennies, mais une tâche qui s’annonce compliquée cette saison : l’AS pointe à la dernière place du classement. Une vérité à laquelle les joueurs tentent de tordre le cou, sans se départir de l’identité d’un club, qui chérit la troisième mi-temps plus qu’il ne se laisse aller à l’apitoiement.
Départs et débuts
Les raisons de porter le verre haut ne sont pourtant pas légion depuis le début de l’exercice 2014-2015. 6 défaites en 12 rencontres, et une position de lanterne rouge qui ne ravit personne. Pourtant jamais ou presque, l’AS des Portugais de Châtellerault n’a subi de lourd revers, n’a senti un écart de niveau insurmontable par rapport aux autres écuries de la poule. Tout au plus doit-elle s’adapter aux nombreux changements de l’intersaison : « On a perdu 8 titulaires cet été. Et évidemment, on ne remplace pas 8 titulaires comme ça, surtout qu’on n’a le droit qu’à 6 mutés. Les nouveaux qui sont arrivés ont des qualités, mais on est clairement en reconstruction » , explique Tony Grenet, vétéran de l’équipe du haut de ses 42 ans. Le prometteur gardien Florian Guillaume et Jordan Téco, parti du côté de Montmorillon où une place de titulaire et un CDI l’attendaient, ont laissé un vide, pour le moment non comblé. D’autant que dans les rangs des fidèles du club, certains n’ont pas été épargnés par les blessures, notamment dans le secteur offensif : « Eric Pereira est blessé depuis le début de la saison, il a une hernie discale. C’est un très bon joueur. Et puis on a aussi Boris Chaumont, qui s’est fait opérer des croisés en septembre et qui nous manque. » .
Résultat, l’AS des Portugais ne marque plus, ou peu, malgré les débuts pleins d’envie de Bernardo Ibrasi et l’avènement de Victor Hérault aux avant-postes : « Les attaquants ont des qualités, je ne veux pas leur jeter la pierre, mais c’est limité. Et c’est normal, ils ont besoin de s’adapter » , analyse Grenet, d’autant plus au fait du poste qu’il a joué au buteur avant de reculer latéral droit sous l’effet du temps. Luis Da Silva avance également un autre facteur : « Nos vestiaires n’étaient plus aux normes. La municipalité nous a déplacés au stade de la Montée rouge, là ou évolue le SO Châtellerault, et on n’a plus les mêmes repères. Le terrain est beaucoup plus grand, on perd aussi quelques supporters. C’était un terrain en plein cœur de la ville et là, on est à 1km, mais c’est plus la même ambiance. » Un changement qui a impacté les résultats à domicile.
Le stade de la peur
Car, comme aime à le rappeler Tony Grenet, l’AS des Portugais de Châtellerault est un club familial et populaire. Près de 300-400 spectateurs à chaque rencontre, et un bus, qui transporte près d’une soixantaine d’irréductibles lors des déplacements : « Entre nous, on les appelle les Socios » . Les supporters de l’AS en sont d’ailleurs l’âme. Une âme qui a souvent tout donné pour son club, quitte à parfois dépasser les limites : « On a eu des années vraiment difficiles, avec des joueurs hyper sanguins. Et puis on a un public… Les Portugais, ils ont le sang chaud. J’ai vu des matchs qui ont dégénéré. Mais depuis 3-4 ans, ça s’est stabilisé niveau discipline. Bon, de temps en temps, il y a des sanguins en tribunes qui foutent un peu la zizanie. Mais ça n’a rien à voir avec des années auparavant. » Pour Luis Da Silva, qui confesse avoir poli cette réputation, le changement de stade a eu un impact certain sur les performances de son équipe : « Il n’y a plus cette ferveur qu’on avait dans le stade municipal qui était fermé, à l’anglaise, avec des spectateurs qui jouaient le rôle de 12e homme. Les équipes avaient peur quand elles venaient au stade municipal. »
Si la chaleur ne traverse plus les visiteurs, elle habite encore joueurs et dirigeants. Principal pourvoyeur de fonds, le bal organisé chaque année rassemble près de 850 personnes. Un succès populaire qui n’a d’égal que les repas, organisés 1 à 2 fois par mois, et auxquels aucun membre de l’effectif ne se soustrait. Une façon de conserver le lien fraternel qui unit cette équipe, au-delà de la communauté originelle : « On ne rentre pas chez nous sans boire le verre de l’amitié. Même si aujourd’hui, on est derniers au classement, il y a toujours cette ambiance qui est là. On a un club house qui est tout neuf. Il y a la télé, les cartes, et puis on boit un petit verre. Franchement, c’est un super club et d’ailleurs, c’est pour ça que ça fait 17 ans que j’y suis. J’ai eu des propositions, bon plus maintenant hein, mais quand je me sens bien quelque part, je ne vois pas pourquoi j’irais ailleurs. » D’autant qu’avec un match nul à La Rochelle et une victoire face à Thouars lors des deux dernières journées, l’AS des Portugais de Châtellerault pourrait bientôt trinquer à autre chose que la simple unité.
Par Raphael Gaftarnik