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- Algérie
Belmadi : « Saâdane, c’est pas Capello »
Blessé depuis un an maintenant, Djamel Belmadi occupe son temps entre opérations chirurgicales et son job de chroniqueur pour la chaîne Al Jazeera. Quelques minutes après la déconfiture de l'Algérie contre le Malawi (3-0), il appuie là où ça fait mal.
Comment expliquer cette débâcle face au Malawi (3-0)?
J’ai vu une équipe d’Algérie, surtout en première mi-temps, hors-sujet, sans envie, trop prudente, frileuse, attendant l’équipe du Malawi comme s’ils jouaient contre le Brésil. Même en prenant un but, et un deuxième but, j’ai pas senti de révolte, d’envie ni de revenir ni de se réveiller tout simplement.
Pointé du doigt, le gardien Chaouchi est-il le principal responsable de la défaite ?
Non, Chaouchi, c’est que son deuxième match international. C’est vraiment un ensemble. J’ai l’impression qu’on n’avait pas envie. Ca part déjà de devant, des attaquants, quand on a pas le ballon, il faut avoir envie de presser. Puis on a un jeu basé sur du jeu court, à une, deux touches et on a rien vu de tout ça.
Dans quelle mesure « l’affaire de la taupe » (une taupe parmi l’effectif a balancé dans la presse que l’Equipe Nationale est minée par des problèmes internes, ndlr) a joué sur le groupe ?
Je n’accorde pas beaucoup d’importance à ça. Il y a toujours eu des mecs comme ça. Dans tous les clubs, à Paris, n’importe où, il y a un mec qui balance, qui a des intérêts perso avec des journalistes. C’est souvent des mecs qui ne jouent pas. Mais je pense pas que ça soit ça. Ca sert à rien de chercher la petite bête. Déjà tactiquement je n’aime pas du tout comment on joue. Cette histoire de jouer à trois défenseurs centraux. C’est un système qu’on ne rencontre nulle part. Je vous mets au défi de me rapporter trois équipes dans le monde qui jouent avec trois défenseurs centraux. Ca n’existe plus. Ensuite, ça déséquilibre le tout. La plupart des joueurs jouent dans un système simple en Europe avec une défense à quatre, une formation en 4-4-2, 4-3-3. Déjà qu’on parte sur un système que tous les joueurs connaissent et pratiquent. C’est une sélection nationale, on a l’occasion de se voir qu’une fois tous les deux mois, donc on n’a pas le temps de préparer les automatismes. Donc à partir du moment où tu joues avec trois défenseurs centraux, déjà tu désorganises tout un truc. Moi j’ai jamais trop adhéré à ce système-là. Mais ma préoccupation, c’est le manque d’envie, de motivation, la chaleur même si elle est là pour les deux équipes. Je n’irai pas chercher ce genre d’excuse : « il fait chaud » ou « il y a une taupe » .
L’absence d’un leader comme Antar Yahia a-t-elle pu jouer ?
Antar Yahia, c’est un joueur important. Mais même quand il y a Antar Yahia, dans tous les matchs qu’on a pu voir -je vais pas me laisser transporter par la liesse populaire- c’était à chaque fois ric-rac. Quand on dit qu’on n’a pas de fond de jeu, c’est entre autres par rapport à ce système tactique, qui ne nous arrange pas dans l’élaboration de notre jeu. Il met la plupart des joueurs dans des positions qui ne sont pas les leurs. Le système tactique est la base de tout.
Pourquoi Saâdane persiste-t-il donc à imposer ce système en 3-5-2?
J’ai ma petite idée, mais ça serait peut-être faire du tort… Je sais que par exemple quand il fait jouer Bougherra, Halliche et Zaoui- normalement à la place de Zaoui c’est Antar Yahia – je me dis qu’il a peut-être peur de faire un choix parmi ses trois défenseurs centraux, d’en faire jouer que deux et d’en mettre un sur le banc. J’en ai parlé avec quelques personnes qui me donnent raison sur ce coup. Il faut faire un choix. Je n’aime pas critiquer le sélectionneur ou quoi, mais là c’est tellement évident. Si on savait que ce système là avait fait ses preuves, on ne serait pas les seuls au monde à jouer avec. Rabah Saâdane, c’est pas Capello. On ne détient pas la recette magique. Faut pas déconner quand même. Je pars du principe qu’on fait avec les joueurs qu’on a. J’ai plusieurs fois entendu des entraîneurs, dernièrement Laurent Blanc, qui joue dans un système par rapport aux joueurs qu’il a sous la main. Il a pas un système déterminé dans sa tête et se dit contre vents et marées, je vais jouer comme cela. Quand la majorité de tes joueurs jouent dans des systèmes simples comme en France, Belgique ou Allemagne, je vois pas pourquoi quand t’as peu de temps pour préparer les échéances, tu joues comme ça. Déjà qu’une coupe d’Afrique, ce n’est pas évident, on se rajoute de la difficulté avec de la tactique difficile. Et ça résulte sur le fond de jeu, sur les joueurs qui rayonnent moins bien que prévu.
Comment vous voyez la suite de la compétition ?
Très difficile. J’avais dit qu’il fallait absolument gagner contre le Malawi. On est une des cinq équipes africaines qualifiées pour la Coupe du Monde. On ne joue pas la Côte d’Ivoire. On joue le Malawi. Derrière ça, il y a le Mali avec toutes les stars et l’Angola, le pays organisateur. Si tu prends pas les points là, tu vas galérer pour les prendre. Et c’est le cas, on va galérer pour les prendre. Passer le premier tour, ce sera déjà une difficulté.
Et la Coupe du Monde ?
Si d’ores et déjà, t’arrives pas à passer le premier tour de la CAN, tu la prépares pas dans les meilleures conditions.
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