Zlatan, c’est plus fort que toi
Efficace, magnifique et charismatique, Zlatan n'a sans doute jamais été aussi fort que depuis qu'il a passé la barre des 27 ans, le 3 octobre dernier. Si ça continue, Messi ne sera peut-être pas le Ballon d'or 2009.
30. C’est le nombre de votes qu’a réunis sur son nom Zlatan Ibrahimovic au classement du Ballon d’Or 2008. 30, soit 25 de moins que David Villa, 149 de moins que Fernando Torres et 416 de moins que le lauréat Cristiano Ronaldo.
Sur la liste des nominés, Zlatan se classe 10ème sur 24. L’an dernier, il avait terminé 9ème, avec 31 points. Est-ce à dire que l’homme élastique de l’Inter a atteint son maximum ? Foutaises. Même Gianni Rivera, l’âme ennemie du Milan AC (et gagnant du Ballon d’or 1969), est formel : « Zlatan mérite un Ballon d’or. Il en a le talent, et en plus il est devenu sympathique avec le temps » .
Sur la question du talent, ça ne fait guère de doute. Cela fait longtemps que ses qualités sont connues. A un physique d’athlète (1.92 m, 84 kg) capable de déménager même la plus mastoque des défenses, une technique cristalline toute en caresses et une vision du jeu de génie, Zlatan ajoute des prédispositions de samouraï – le garçon a fait du Taekwondo – qui lui permettent de lever le pied là où les autres ne montent pas la tête et des abdominaux qui lui assurent un maintien du tronc en toute occasion.
Pendant des années, Ibrahimovic, un peu feignant, s’est alternativement servi de l’un ou l’autre de ses dons. Depuis le début de la présente saison, il les a enfin mis dans le même pot. Illustration lors du dernier match de l’Inter à domicile, face au Chievo Verone. Sur le deuxième but, il offre une passe décisive en forme de talonnade nonchalante à Stankovic. Sur le troisième, il escalade sans forcer la défense adverse et met une tête croisée qui fait pleurer le gardien. Le quatrième est un genre de chef d’œuvre : une taloche sans contrôle que 95% des joueurs auraient expédiée en tribune – lui l’a mise en lucarne.
Pourquoi maintenant ? Pourquoi Zlatan a-t-il attendu d’avoir 27 ans, de jouer dans une équipe de tarés et de voir Messi et Ronaldo lui passer devant sur le marché de la hype pour réagir ? Bonne question, qui nécessite plusieurs réponses.
Pour commencer, l’arrivée de José Mourinho à Milan y est sans doute pour quelque chose. L’homme qui a transformé Drogba en machine de guerre semble avoir trouvé le bon moyen de motiver celui qui a si souvent détesté ouvertement ses anciens coachs, parmi lesquels Koeman à l’Ajax et Mancini à l’Inter, à qui il avait lancé : « Vivement que tu t’en ailles » .
Seconde explication : l’Inter est le club qu’il fallait à Zlatan. L’Inter, c’est cette école caractérielle où les joueurs se détestent les uns les autres, s’apostrophent à la moindre perte de balle et se font dessus dès qu’ils sont attendus. Une sorte d’asile de fous dans lequel Ibrahimovic a pu s’épanouir, lui qui s’était senti bridé durant ses deux ans passés chez les cartésiens de la Juventus.
La troisième raison, ce serait peut-être qu’il a grandi, tout simplement. Avant, Zlatan humiliait systématiquement ses adversaires, au point que Co Adriaanse, son premier entraîneur à l’Ajax, l’avait décrit comme « introverti et imbu de lui-même » .
Aujourd’hui, Zlatan aime toujours faire danser les autres. Mais il le fait seulement quand il a match gagné. Après avoir mis 3-0 à la Lazio le 6 décembre au stade Olympique de Rome, Ibrahimovic s’est ainsi arrêté devant la presse pour évoquer Cristian Brocchi, qui l’avait tailladé tout le match. « Un problème avec Brocchi ? Non, il court, je joue, tout va bien » . Puis un petit sourire pour emballer le tout. C’est sans doute ce que Rivera entend par « sympathique » .
Ennio Gnocchic
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