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- Billet d'humeur
V. Dhorasoo : le foot est à part
Vendredi soir, j'ai regardé le basket. Je n'aime pas vraiment le basket. On connaît souvent le vainqueur. L'incertitude, la surprise, l'injustice n'y ont pas vraiment leur place, mais hier j'ai aimé. J'ai aimé car hier, j'ai compris pourquoi le football était un sport particulier, un sport à part, différent.
Hier, la France a perdu contre la Serbie après son formidable exploit réalisé face aux Espagnols. Les Espagnols à domicile au grand complet battus par une équipe de France affaiblie par les absences de Tony Parker, Joakim Noah et bien d’autres. On pourrait facilement comparer cet exploit à celui réalisé par le Costa Rica au Mondial brésilien ou à ce match héroïque de nos amis algériens face aux futurs champions du monde allemands, même si les Algériens, ce jour-là, ont joué au foot. Un beau football. Ils ont pris des risques, mais la différence de niveau était trop importante.
Et bien non ! La comparaison n’est pas possible
Au basket, réaliser un exploit contre une équipe plus forte est quasiment impossible, mais parfois… La France, pour battre les Espagnols, a dû bien jouer au basket. Elle a bien joué tactiquement et techniquement. La défense a été parfaite. Et surtout, la France a marqué des points, donc bien attaqué (dans un match défensif, certes). La France a su imposer son jeu et son rythme sur le match et empêcher les Espagnols de trouver le leur : 88 pts de moyenne en attaque pour l’Espagne avant ce match dans ce Mondial, 52 ce jour-là. Il fallait ralentir le tempo du match et privilégier au maximum le jeu placé. La France a ainsi privé l’Espagne d’un match offensif et notamment de jeu rapide (0 pt de jeu rapide pour la France contre 2 pour l’Espagne, c’est très peu !). Malgré deux fois plus de ballons perdus (16 contre 8) la France a été supérieure collectivement en attaque et en défense ! (14 passes décisives contre 9 ; 50 rebonds contre 28). C’est là, la différence entre le football et tous les autres sports. C’est là, la différence entre le football et le basket : au basket, on ne peut pas refuser la balle ! On ne peut pas décider de laisser la balle aux adversaires et de ne sélectionner que quelques contres offensivement. L’exploit réalisé par les basketteurs français est encore plus fort car, au basket, on est obligé d’attaquer une fois sur deux. Les possessions sont systématiquement alternées et chaque possession doit aboutir à un tir. À chaque possession, il faut faire les bons choix. 8 secondes pour passer la moitié du terrain et 24 secondes pour shooter. Voilà la différence.
Le beau jeu peut parfois gagner
Les règles du football n’imposent pas d’attaquer. On peut défendre tout un match. Le football est certainement le seul sport qui démarre à 0-0 et peut terminer à 0-0. Mickael Chang a eu beau bien défendre pour battre Lendl, il a dû marquer des points et gagner 3 sets. Il a fallu renvoyer la balle sur le court à chaque échange. Au hand, le refus d’attaquer est sanctionné. Au rugby, même si on ne marque pas de points, on gagne du terrain. Voilà : le foot est un sport unique où le meilleur ne gagne pas toujours. Au foot, celui qui a le mieux joué ne gagne pas systématiquement. L’autre soir, les Espagnols – sur le papier – étaient les plus forts, mais l’équipe qui a le mieux joué a gagné. Vendredi soir, le niveau des 2 équipes étaient sensiblement le même, mais la France a mal joué et a donc perdu. Implicitement, les Serbes ont donc mieux joué. Les Costariciens, au Mondial de foot, ont bien défendu. Ils ont couru, pressé, ont fait déjouer leurs adversaires. Ils ont bien joué en défense, mais ont quasiment abandonné leur possession de balle. Les attaques étaient condamnées à des exploits souvent individuels et leur possible victoire – en Coupe du monde, on peut gagner sans marquer de but – se résumait à des arrêts improbables d’un gardien hors du commun. Incroyable, presque impensable dans un autre sport. Le Costa Rica comme Carquefou, comme Calais, comme Andorre à d’autres moments n’a jamais vraiment bien joué, n’a jamais vraiment inquiété ses adversaires, mais à 0-0, en sport, on n’a toujours pas perdu. L’autre soir, comme pendant cette Coupe du monde, j’ai rêvé. J’ai aimé voir le plus faible battre le plus fort. Et l’autre soir, j’ai aimé voir le plus faible ÊTRE le plus fort sur un match. J’ai vibré parce que le beau jeu peut parfois gagner.
Par Vikash Dhorasoo et Mathieu Pradel