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Tactique : pourquoi Karim Benzema vit la meilleure saison de sa carrière

Par Maxime Brigand
Tactique : pourquoi Karim Benzema vit la meilleure saison de sa carrière

Meilleur buteur et meilleur passeur du Real cette saison, Karim Benzema vient d'accrocher le 18e titre de son aventure madrilène à son CV, mais surtout de réussir le meilleur exercice de sa carrière. Tout simplement car le Français n'a jamais été aussi complet. Voilà pourquoi.

Assis à l’étage d’un hôtel parisien, en septembre 2017, Karim Benzema s’agite : « Tu peux avoir de la chance pendant un an ou deux, mais après, si tu n’es pas performant, on te remercie et on te demande d’aller voir ailleurs. Je vais être franc : c’est dur, c’est super dur d’en arriver là, et je pense honnêtement que c’est le club où c’est le plus dur de réussir. »

Tu as plusieurs types d’attaquants : tu as l’attaquant qui va rester dans une surface, qui, si tu ne lui donnes pas le ballon, ne va te servir à rien, et inversement, si tu lui en donnes ; tu as le créateur ; et tu as l’attaquant qui peut tout faire. Moi, je me place dans cette catégorie : je peux créer et terminer.

Puis le Français commence son exposé à sa manière, soit en l’illustrant avec des gestes et des histoires. Benzema raconte un football qui se perd et se transforme sous le poids des stats. « Il n’y a plus d’amour du foot, souffle-t-il. Aujourd’hui, quand tu regardes un match à la télé ou une émission, on ne te parle que de statistiques, on ne te parle pas de foot. On se rapproche de la NBA… » Lui, c’est autre chose : c’est souvent de l’invisible, la recherche du bon décalage, de la bonne passe, de l’appel parfait… Voilà maintenant onze ans que Karim Benzema a signé au Real, où il vient de décrocher son troisième titre de champion d’Espagne et avec qui il partira dans les prochains jours à la conquête de la cinquième Ligue des champions de sa carrière – pour ça, il faudra quand même retourner City, vainqueur de la manche aller au Bernabéu (1-2).

Il y a quelques années, il expliquait ne pas être « dans une course » et jouer au foot pour « le beau jeu ». Il affirmait même pouvoir tout faire : « Pour moi, un attaquant a, par nature, cette mentalité de tueur. C’est en lui. Après, tu as plusieurs types d’attaquants : tu as l’attaquant qui va rester dans une surface, qui, si tu ne lui donnes pas le ballon, ne va te servir à rien, et inversement, si tu lui en donnes ; tu as le créateur ; et tu as l’attaquant qui peut tout faire. Moi, je me place dans cette catégorie : je peux créer et terminer. » À 32 ans, peut-être plus que jamais, Karim Benzema a atteint ce statut de caméléon, de joueur multiple et d’acteur principal du Real. Après un doublé inscrit par le joueur contre Valence, mi-juin, Zinédine Zidane se félicitait de voir son attaquant « fermer un peu de bouches ». Plus qu’abîmer des mâchoires, à l’heure où de nombreux joueurs attaquent leur phase de déclin, Benzema résiste surtout au temps, aux changements d’entraîneur, à la concurrence, et a su se réinventer, à l’OL, puis à Madrid, avec Ronaldo et sans Ronaldo, afin de durer au plus haut niveau au fil des saisons. En septembre 2016, Carlo Ancelotti affirmait qu’il ne « manquait rien » à l’attaquant français, si ce n’est « l’envie d’être le meilleur ». C’est aussi ce que raconte sa saison en cours.

« Il s’associe avec tout le monde »

S’il refuse d’être enfermé dans les chiffres, il faut malgré tout y passer : cette année, Benzema a d’abord tout avalé et n’aura rien laissé sur sa route, à l’exception d’un match de Liga à domicile face à Osasuna, fin septembre. Le Français a été de tous les moments de la saison du Real et aura planté dans dix-sept des trente-sept matchs qu’il a eu à disputer en championnat. Au total, ça fait lourd : 21 buts en Liga, auxquels il faut en ajouter quatre, inscrits en Ligue des champions, et un autre planté en Coupe du Roi sur la pelouse de Saragosse. Et ce n’est évidemment pas tout : Karim Benzema a également délivré onze passes décisives toutes compétitions confondues et est, en plus d’être le meilleur buteur de loin de son club, son meilleur passeur.

  Vous avez souvent des joueurs statiques : lui, il joue, il bouge, il propose, et encore plus aujourd’hui que lorsqu’il était plus jeune, où il restait plus seul devant. J’ai le sentiment qu’il s’est rendu compte du plaisir de participer au jeu. Désormais, il aime être dans l’élaboration.

Alors qu’on attendait l’été dernier de voir Eden Hazard prendre les manettes de l’organisation offensive madrilène, Benzema s’est occupé de tout parce qu’il sait tout faire et tout bien faire, notamment porter les autres. « Il s’associe bien avec tout le monde », expliquait justement il y a quelques jours Zidane, avant de préciser : « Peu de choses ont changé depuis son arrivée à Madrid. L’âge et l’expérience, car il est à Madrid depuis dix ans maintenant, mais le joueur est le même : il prend beaucoup soin de lui et a toujours de l’ambition. Karim nous apporte beaucoup et s’il marque des buts, c’est encore mieux. Mais moi, je ne suis pas intéressé par un 9 qui marque des buts et qui disparaît. Et il n’est pas comme ça. » Oui, Benzema ne disparaît jamais, il finit toujours pas revenir et est aujourd’hui le poumon de l’organisation tactique du Real.

Visionnaire, généreux avec et sans ballon, clinique devant le but, le Français est ce que son ancien entraîneur à l’OL, Alain Perrin, appelle un « attaquant type ». Perrin précise sa pensée : « On a toujours tendance à enfermer les joueurs dans un poste, sous un numéro… Mais Karim, c’est un attaquant, point : il marque et fait marquer. Il est capable de jouer pour l’équipe. Il sait être point de fixation, il sait s’inscrire dans un collectif, il peut être pivot, il est adroit, il a une technique bien au-dessus de la moyenne… Surtout, il a quelque chose que peu de joueurs ont : le plaisir du jeu. Vous avez souvent des joueurs statiques : lui, il joue, il bouge, il propose, et encore plus aujourd’hui que lorsqu’il était plus jeune, où il restait plus seul devant. J’ai le sentiment qu’il s’est rendu compte du plaisir de participer au jeu. Désormais, il aime être dans l’élaboration. » Benzema se tue à répéter depuis de nombreuses années qu’il ne veut pas être considéré comme un 9, mais comme un 10 qui évolue dans la zone d’action d’un 9 : le départ à la Juve de Cristiano Ronaldo, dont il a longtemps été le lieutenant ou « le premier violoncelle » (Omar da Fonseca, dans Le Figaro), lui a permis d’enfiler pour de bon ce costume. Interrogé l’an passé par France Football, le Français se définissait ainsi comme « un numéro 9 avec une âme de 10 » et affirmait pouvoir « jouer son vrai football » sans CR7. Il est désormais l’homme qu’on recherche à chaque phase de construction, celui sur qui on aime s’appuyer et avec qui on aime se connecter afin de faire progresser le bloc. « Ce qui lui permet de le faire, au-delà de sa technique, c’est avant tout sa coordination, complète Perrin. Jeune, c’est ce qui m’avait frappé d’entrée : il peut jouer n’importe quel type de ballon, et ce, dans des périmètres extrêmement réduits. C’est d’ailleurs pour ça que je l’avais mis à gauche d’un 4-3-3 au départ, quand Fred évoluait en pointe. En faux pied, comme Zidane à une certaine époque, ça lui permettait de rentrer pied droit et de participer directement au jeu. C’est encore souvent comme ça qu’il commence ses actions d’ailleurs. »

Son but inscrit face à Valladolid (1-1), fin août, est un bon exemple de ce qu’explique Alain Perrin. Alors que Karim Benzema décroche de sa position de 9, Luka Jović prend l’axe en compagnie de Gareth Bale. Benzema, lui, va tourner autour de la surface avant d’y revenir.

Trouvé dans l’interligne, Benzema ressort avec Raphaël Varane, qui va ensuite jouer un une-deux avec Bale pour se mettre en position de centre. Benzema, lui, file se réinstaller dans la surface.

Au moment du déclenchement du centre de Varane, Benzema lance un appel et va brutalement le stopper. C’est l’un de ses mouvements favoris, qui lui permet de se créer un espace vital pour armer ensuite.

Puisqu’il s’est créé un espace d’action, Benzema peut contrôler et enchaîner rapidement.

Lorsqu’il n’est pas trouvé dans l’interligne, Benzema est aussi souvent utilisé comme relais le long de la ligne par son latéral gauche…

… comme leurre…

… ou en profondeur, ce qu’il faisait déjà souvent lors de ses années à l’OL.

Le lubrifiant

S’il fallait sortir deux prestations cette saison pour définir le Karim Benzema d’aujourd’hui, on pourrait d’abord s’attarder sur son match de C1 face au PSG (2-2), en novembre, lors duquel il avait inscrit un doublé, mais où il avait surtout lâché sur la pelouse du Bernabéu l’étendue de son répertoire. On pourrait aussi reposer les yeux sur son match contre le Barça (2-0), en mars : une rencontre sans but pour l’attaquant français, mais brillante dans son implication collective. Hier, il lui était parfois reproché de s’éteindre lors des grands cols. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas. C’est notamment dans ce genre de rencontres que Karim Benzema peut asseoir sa réputation de facilitateur.

Benzema sort de nouveau de son rôle d’attaquant de pointe pour venir former ici un triangle avec Valverde et Carvajal.

Autre côté, même rôle, cette fois avec Vinicius Junior et Marcelo.

Nouvelle séquence, cette fois Benzema, toujours dans le sens du jeu, est de nouveau dans son rôle de liant afin de lancer Vinicius en profondeur.

En phase de relance, le Français, suivi par Umtiti, a aussi cette capacité de briller dos au jeu. Il est cette fois dans un costume de « planche » afin de décaler Casemiro plein axe. Puisqu’il ne sort jamais du bloc, il permet de créer ensuite un surnombre face à un bloc du Barça dépassé. Il est l’homme qui fluidifie les mouvements et les sorties de balle.

Le match face au Celta de Vigo est aussi un beau modèle pour illustrer le Benzema total.

Un Benzema capable de déclencher pour les autres :

De jouer dos au but :

Et d’être un appui précieux :

Alain Perrin reprend : « Là où il est très fort dans toutes ces séquences, c’est qu’il permet d’accélérer le jeu du Real puisqu’il ne joue que rarement en plus de deux touches de balle. À chaque fois, c’est contrôle, passe. Contrôle, passe. Dès qu’il reçoit le ballon, il est déjà orienté de façon à déclencher vers un partenaire. C’est là où il a énormément progressé. »

Monsieur 0,49 but par match

Un autre secteur est évidemment central pour juger Karim Benzema, souvent comparé à Roberto Firmino, mais qui possède un truc que le Brésilien n’a pas encore : dans la surface, le Français est chez lui, et ce, dans n’importe quelle position. Pour la quatrième fois de son aventure madrilène, Benzema est passé cette saison au-dessus des vingt buts en championnat. Il a surtout dépassé, en juin, Ferenc Puskás, au nombre de buts inscrits sous le maillot du Real et est désormais le cinquième meilleur buteur de l’histoire du club avec 248 buts claqués toutes compétitions confondues (son ratio est de 0,48 but/match et est supérieur à celui de Raúl). Deux images viennent évidemment instantanément en tête. Le but inscrit par Benzema face à Valence en juin, bien sûr, qui a fait s’envoler Carlos Carpio, le directeur adjoint de la rédaction de Marca : « C’est une ironie aussi fine que son football, aussi subtile que sa manière de comprendre le jeu.

Ce but est une dédicace silencieuse à tous ceux qui, bénis ignorants, après onze saisons, n’ont toujours pas compris que Benzema est l’un des meilleurs attaquants du monde sans aucune discussion. » Sa passe décisive délicieuse – une talonnade – pour Casemiro face à l’Espanyol, ensuite, qui a fait pétiller les yeux de Zidane : « Je pense au génie, je pense à ce geste de classe, je pense à tous les gens qui aiment voir du beau football, comme moi, comme vous, comme tous les passionnés qui aiment voir ce genre de gestes… » Benzema, lui, s’est simplement contenté d’expliquer qu’il voyait « le football comme ça ». En 2017, il disait déjà : « J’estime que le football doit être beau à voir, à regarder. Tu ne viens pas au stade ou tu ne t’installes pas sur ton canapé pour rester les bras croisés. » Alors, souvent, Karim Benzema invente, ce qu’il avait déjà magnifiquement fait un jour de Clásico, au Camp Nou, en 2015.

La force de Benzema est surtout de pouvoir piquer de partout.

Le premier domaine où excelle particulièrement Benzema est sa capacité à avoir toujours un temps d’avance sur son adversaire grâce à une science des appels aiguisée.

Il sait notamment parfaitement se placer dans une surface et brouiller les pistes pour les défenseurs comme on le voit sur ces deux exemples, un de chaque côté, face à l’Atlético et face à Grenade. Ici, il se cache au second poteau avant de piquer, ce que faisait beaucoup CR7 lorsqu’il était associé à l’attaquant français.

Il sait briller dans les espaces réduits. Au retour face à Grenade, trouvé côté gauche, il a tout le loisir de rentrer, de crocheter son défenseur direct et d’allumer Rui Silva.

Karim Benzema est aussi un chasseur et sait être à l’affût du moindre ballon qui traîne.

Il sait surtout toujours parfaitement se placer par rapport au bloc adverse.

L’un des domaines où le Français a le plus progressé est son jeu de tête, où il est devenu l’un des meilleurs joueurs du monde.

Pour le symboliser, il y a notamment ce but face à la Real Sociedad…

… mais aussi plusieurs occasions vues au cours de la saison, comme celle-ci sur le terrain du Celta de Vigo, où Benzema prend le dessus sur son défenseur direct.

Le Real utilise également cette qualité en phase défensive, Benzema venant souvent se placer au premier poteau sur les corners adverses.

Au bout d’une saison parfaite sur le plan personnel, lors de laquelle le Real n’aurait peut-être jamais dépassé le Barça sans lui, Karim Benzema aimante évidemment les louanges et aura été le seul point inamovible du secteur offensif du Real, ses coéquipiers du secteur (Hazard, Vinicius, Bale, Jović) ayant manqué de constance ou n’ayant pas été à la hauteur des attentes. Si bien que son président, Florentino Pérez, ne demande rien d’autre qu’un Ballon d’or pour celui qui aura été le héros de la saison aux côtés de Sergio Ramos. Ce qu’on sait, pour le moment, c’est que Benzema touche sans aucun doute le sommet de sa carrière et qu’il réussit plus que jamais dans sa mission première : divertir les gens.

Par Maxime Brigand

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