Suazo, drôle d’oiseau
L'Inter clôt le week-end européen en se rendant chez Cagliari. Victoire assurée, et zoom sur David Suazo, le TGV milanais élevé au football sarde.
C’est l’histoire classique du fils prodigue. Celle d’un jeune mec trop doué pour rester à labourer la même terre toute sa vie, qui fait son baluchon et s’en va chercher fortune ailleurs. Son père lui en veut, et en même temps il comprend son choix. Ce soir, le fils prodigue s’appelle David Suazo. Vêtu du maillot de l’Inter Milan, il revient jouer à Cagliari, terre de ses premiers exploits. Suazo le Hondurien, arrivé dans les valises de son entraîneur Oscar Washington Tabarez en 1999, a défendu durant huit longues années les couleurs du club sarde. Un coup en Serie A, un coup en Serie B, les attaquants ont eu beau défiler (Morfeo, MBoma, Corradi…), lui est resté. Et a planté : 87 buts en championnat au total. On ne va pas faire injure à la mémoire d’Angelo Domenghini, de Roberto Boninsegna, d’Enzo Francescoli, de Gianfranco Zola et de Gigi Riva, mais le fait est que la Sardaigne n’avait pas vu un type de cette classe depuis un bon bout de temps. Suazo, c’est une sorte de TGV : il prend la balle, accélère, grille la défense, et ajuste le gardien. On peut trouver cela sommaire, ça n’en marche pas moins pour autant.
Aujourd’hui, David Suazo joue donc à Milan, dans la meilleure équipe de la péninsule (d’Europe ?). Cagliari, de son côté, a déjà changé d’entraîneur, et se traîne en queue de peloton, à la toute fin du classement de la Serie A. Le contraste est éclairant. Provincial égaré à la ville, Suazo n’a pas démarré du meilleur pied en Lombardie : il a d’abord annoncé qu’il avait signé avec le Milan AC, avant d’atterrir à l’Inter, où il a exigé le numéro 29, le même qu’il portait sur son île. Les supporters l’ont regardé d’un mauvais œil : mais qu’est-ce que c’est que ces manières ? On ne joue pas à ce genre de jeu dans les grands clubs. Et puis la saison a commencé. Dans l’ombre de Zlatan, Suazo a joué des bouts de matches, qu’il a su élargir peu à peu. A l’heure actuelle, il en est à 3 buts marqués pour 11 matches joués (dont seulement 4 en titulaire). Ce n’est pas un ratio de malade, mais pour qui regarde les matches, Suazo est de plus en plus facile. Il prend la balle, court, et les adversaires le regardent passer. Comme à Cagliari, mais en Champion’s League. Même cette tête de cochon d’Ibrahimovic a l’air impressionné, c’est dire.
Et puisqu’on en est aux attaquants méconnus de l’Inter, une parenthèse sur Cruz, Julio, un gars que tout le monde déteste. Cruz est ce type qui a remplacé Riquelme lors du dernier mondial en Allemagne, coaching le plus aberrant de l’histoire moderne de la coupe du monde. Le pauvre n’y était pour rien, mais il traîne cela comme une casserole. Cruz ? Beuh, disent les esthètes. Eh bien voilà les chiffres de Cruz cette saison : 10 buts en 15 matches. C’est encore mieux que les années précédentes, où il ne touchait au Graal qu’une fois sur deux. Alors oui, Cruz a 33 ans, une tête d’Indien, il n’est pas aussi spectaculaire que les autres. Mais rasez lui le crâne, foutez lui un maillot blanc et noir, et faites le chuinter le français : vous avez Trezeguet. Mêmes qualités, même joueur, même efficacité. Un gars pour les statistiques. S’il joue ce soir, l’Inter sera à coup sûr un peu plus en tête, et Cagliari un peu plus dernière. Et toujours orpheline.
Ernesto Carnaval
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