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Suarez, l’autre Argentin
Hier à 22h, l’Argentin du Sporting d’Anderlecht, Matias Suarez à remporté le Soulier d’or belge 2011. A 23 ans, le talentueux attaquant argentin a réalisé une entame de championnat brillante. Il devance Axel Witsel et Thibaut Courtois.
Suarez premier, Witsel deuxième, Courtois troisième… On imagine sans peine pire palmarès. Comme souvent en Belgique, cette élection se sera décidée sur un duel Anderlecht-Standard, au bénéfice des Bruxellois à l’arrivée. Matias Suarez, attaquant polyvalent, à la technique raffinée, a été sacré (230 points) principalement grâce à sa deuxième partie de campagne tonitruante. Il succède au Marocain Mbark Boussoufa. Mais Witsel, parti à Benfica cet été, n’est pas passé bien loin de lui souffler la mise (211 points) tant il avait épaté les observateurs lors des Play-offs du défunt championnat. Tout comme Thibaut Courtois (196 points), le transfuge estival de Chelsea, envoyé se fabriquer de la corne aux gants entre les perches de l’Atletico Madrid. Voir un joueur expatrié rafler le Soulier d’Or du meilleur joueur se produisant en Belgique alors qu’il évolue au Portugal, ou Espagne, et les observateurs extérieurs ne se seraient pas privés de se gausser de la nouvelle histoire belge.
Le Soulier d’Or… Depuis deux semaines, dans toutes les langues en Belgique, on ne parle plus que de ça. Ce trophée voit les journalistes élire le meilleur footballeur évoluant en Belgique. Dans les médias, ces derniers jours, sans vergogne, les favoris rivalisent d’inventivité pour convaincre la Belgique entière que leur esprit n’est pas focalisé sur la godasse dorée, qu’ils préfèrent les récompenses collectives et se concentrent sur le match suivant. Bref, le baratin habituel. Surtout que les pseudo-spécialistes ne se privent pas non plus de gâcher la fête : « On devrait le remettre en fin de saison, les votes des journalistes ça ne vaut rien par rapport à celui des entraineurs ou des joueurs etc… » . Le Soulier d’Or est une institution contestée mais une institution tout de même. Et puis dans le fond, tout le monde se fout de ces critiques de rabat-joie, ce qu’on veut voir, c’est cette godasse dorée clinquante et bling-bling au main du lauréat, juste pour la photo. Parce que franchement, la légitimité du prix, on s’en tape. Le Soulier d’Or, ça en jette !
Un talent pur mais inconstant
L’évènement était diffusé hier soir sur la VRT, une chaine flamande, en direct du casino d’Ostende. Là, tout ce que la Belgique compte de footeux, d’anciennes gloires, ou de mannequins siliconées s’était retrouvé, histoire de faire coucou à la caméra. Le prix a été décerné, comme l’exige la tradition, sur base de l’année 2011, sans tenir compte de la saison régulière. Il va sans dire qu’un joueur transféré à l’étranger cet été s’en trouve défavorisé. Au bout du premier tour, ça ne rate pas. En tête, Axel Witsel, parti il y a six mois à Benfica, devant Courtois, transféré à Chelsea suivi de Kevin De Bruyne, en route pour Stamford Bridge lui aussi. Tout un symbole. A ce tarif, autant élire le meilleur joueur belge évoluant à l’étranger. Quitte à voir Eden Hazard truster les récompenses pour les dix années à venir, à la Lionel Messi ? La Jupiler League n’a que rarement le temps d’admirer ses talents. A peine révélés, et les voila partis, pour un club d’un niveau supérieur dans le meilleur des cas ou pour l’Anzhi Makhachkala et le Terek Grozny. Saloperie d’arrêt Bosman… Suarez, le vainqueur de l’édition 2011, n’échappera pas à la règle. En attendant il s’impose comme le premier Argentin à remporter ce Soulier d’Or. Même si son coéquipier Lucas Biglia aurait déjà pu y prétendre.
Mais Matias Suarez, c’est autre chose que la version politiquement correcte de son homonyme uruguayen. Pas provocateur ni charismatique pour un sou, il peine parfois à se faire violence. Tout sauf un leader sur le terrain, un talent pur, fragile, inconstant. Débarqué de Belgrano en 2008, les débuts à Anderlecht furent difficiles pour ce jeune garçon timide et taciturne. Il peine à s’habituer au triste climat belge, la pluie, la grisaille du plat pays, la froideur des gens. Bueno Aires et sa famille lui manquent. Il ne joue que onze bouts de matchs la première année (1 but). La saison suivante commence en fanfare, il score 15 fois toutes compétitions confondues. Mais avec l’arrivée de l’hiver, du froid, de la neige, « Mati » s’éteint progressivement, Ariel Jacobs, son coach, l’aligne de moins en moins régulièrement. Rebelote l’année suivante, l’hiver signe la fin de ses bonnes prestations, il conclut la saison 2011 avec seulement 11 buts au compteur. Anderlecht commence à douter de son attaquant. Son talent ne se discute pas, mais le joueur marche à la confiance, se plaint même d’Ariel Jacobs, son entraineur, dans les médias, lui reprochant de ne pas croire en lui. Les bruits de transferts commencent à faire écho, on parle de lui à Rennes, et même au Standard, l’affront suprême. Les supporters des Mauve et Blanc, qui raffolent de Suarez, commencent à s’en inquiéter.
Meilleur buteur d’Europa League
Mais la saison 2011-2012 sera la bonne, il est systématiquement aligné. Sa meilleure place se situe selon l’intéressé en position de 9 et demi, comme deuxième attaquant, même s’il est le plus souvent aligné sur le flanc droit ou en pointe. Le joueur étale toute sa classe en championnat avec 7 buts et surtout de nombreuses passes décisives. Il éclabousse également l’Europa League de son talent, y marque 7 buts (meilleur buteur de la compétition) et devient la pièce maitresse de l’attaque anderlechtoise aux côtés de Milan Jovanovic et par intermittence de Dieumerci Mbokani. « Sur le terrain, c’est un joueur qui a plusieurs éclairs de génie par match et c’est quelque chose qui demande plus d’énergie qu’il n’y paraît. Des fois, il fait des trucs et je me dis nom de Dieu, que c’est beau. Matias a de nombreuses qualités, comme sa vitesse, ses contrôles orientés et ses dribbles mais il a aussi travaillé. Quand il est arrivé, il ne frappait par exemple jamais avec le coup de pied. Maintenant, il commence à marquer de cette manière. Pour que cela fonctionne avec lui, il faut taper plusieurs fois sur le clou. Je peux le comprendre. Jusqu’à ses 18 ans, on lui a dit : Reste devant, les autres défendent pour toi. Il a dû se faire à la façon européenne de voir les choses. Il n’avait jamais fait de musculation non plus. Je sais que Matias a été très souvent au plus bas mentalement avec toutes ces nouvelles données à assimiler mais il est aujourd’hui l’un des candidats au Soulier d’Or » expliquait récemment Ariel Jacobs à la DH. Et comment !
Vers Arsenal ?
A peine stabilisé à un bon niveau et déjà un départ semble inéluctable. Cet hiver ? « Ce n’est pas maintenant que je vais lâcher le club. Quand je partirai d’Anderlecht ce sera par la grande porte, pas durant le mercato d’hiver » dément Suarez il y a deux jours dans Het Laatste Nieuws. Mouais… A voir. Arsenal est déjà sur le coup. L’Argentin vaudrait une dizaine de millions d’euros. Pas cher payé. Pour le même montant le Zénith serait prêt à rapatrier le Russe Andreï Arshavin, ces derniers temps plus adroit sur Twitter que pour trouver ses coéquipiers démarqués. Mais Matias Suarez peut-il s’imposer à ce niveau ? Difficile à dire tant l’Argentin se révèle imprévisible. Son niveau varie énormément en fonction de la confiance de son coach, de son état d’esprit. Matias a besoin de se sentir désiré, aimé et intégré dans son environnement. Pourrait-il supporter la concurrence qui sévit chez les Gunners ? Il s’agit peut-être d’un risque à prendre, Thierry Henry ne sera pas éternel tout de même…
Par Adrien de Marneffe