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Stéphane Guy : « Cette histoire de Gijón et Valladolid, c’était une parabole »

Propos recueillis par Maxime Brigand et Alexandre Doskov
Stéphane Guy : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Cette histoire de Gijón et Valladolid, c&rsquo;était une parabole<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Le 8 mars dernier, Stéphane Guy était formel : le PSG allait se qualifier pour les quarts de finale de la Ligue des champions. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en face du Barça, ce n'était « pas Gijón, pas Valladolid ». Et si l’affrontement entre Gijón et Valladolid ce dimanche soir était l’occasion d’aller poser quelques questions à Stéphane Guy, le commentateur le plus commenté du football français ?

Tu seras devant ta télé dimanche soir ? (Rires) Non, non…

Raconte-nous comment on en vient à penser à Gijón et Valladolid lorsqu’on commente un Barça-PSG, huitième de finale de retour de Ligue des champions.Cette histoire de Gijón et Valladolid, c’était une parabole, un propos imagé pour dire que le PSG n’était pas une équipe de charlots.

Tu as raconté après le match que ton erreur principale avait été de ne pas anticiper un tel scénario.Je l’ai dit, parce que le commentaire, c’est de l’anticipation, donc il faut imaginer tous les cas de figure : quand je commente un PSG-Anderlecht, je me dis qu’Anderlecht peut accrocher le PSG. Ce soir-là pourtant, à aucun moment je n’ai imaginé la remontada possible. Je dois même dire que j’en riais quand je voyais la peur se répandre.

À chaque fois que tu veux faire le malin, le foot te dément dans la seconde.

Comment expliquer que les supporters, vous, d’autres journalistes, un peu tout le monde, ayez été enfermés dans une espèce de bulle d’aveuglement au point de se dire « c’est impossible, c’est plié » ? Parce que c’est le football et qu’à un moment, tu te fais rattraper par sa réalité. À chaque fois que tu veux faire le malin, le foot te dément dans la seconde. J’étais au match aller au Parc, et j’avais trouvé le Barça presque pitoyable, avec une équipe sans âme, sans valeur surtout, et la supériorité du PSG avait été telle que, pour moi, c’était impossible. Après, je reste persuadé que si le match retour a lieu une semaine plus tard, comme c’est la règle en Coupe d’Europe, la remontada n’existe pas. C’est les trois semaines d’écart qui ont nourri ce qui était au départ pour eux une illusion et qui s’est finalement transformé en un exploit historique.

Qu’est-ce que tu ressens quand tu lances au micro « Paris, c’est pas Gijón, c’est pas Valladolid » ? Quand je dis cette phrase, on joue la 85e minute. Il y a 3-1 et il faut donc que le Barça marque trois buts contre le PSG. Pendant les dix minutes qui ont suivi, le PSG n’a réussi qu’une passe : quelque chose d’unique. C’est Christophe Colomb qui marche pour la première fois sur le continent américain, c’est le premier mec qui va marcher sur Mars. Si c’était à refaire, le commentaire serait le même. Mon seul regret est de ne pas avoir cru un seul instant que finalement si, c’était possible.

Paul Le Guen a également craqué à tes côtés avec son « Nooooooon » devenu mythique après le dernier but. À 4 ou 5-1, je me dis que c’est mort, qu’ils sont en train de le faire. Lui, non. Il pensait vraiment que la blague allait prendre fin. Après le match, on a longuement marché ensemble dans la nuit de Barcelone et je me souviens qu’il avait le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’incroyable, d’avoir été le privilégié d’un événement historique. Moi, comme toujours, j’étais dans le débrief de mon match et en général, les débriefs, c’est rarement positif.


Et là ?Je me suis dit des choses qu’on se dit intimement et qui n’appartiennent qu’à soi.

On parle souvent de l’éloignement grandissant entre le public et les journalistes, qu’ils traitent de sport ou d’autres choses. Lorsqu’un journaliste, comme toi lors de ce match-là – ou Thierry Gilardi qui lâche son « pas toi Zinédine » le 9 juillet 2006 – redevient l’enfant de huit ans qui regarde le match dans sa chambre avec une voix de supporter, on le lui reproche. Quand il tente de parler de façon journalistique, on le lui reproche aussi. C’est quoi le bon équilibre finalement ?

On a un débat permanent en soi. Quand on devient commentateur sportif, on est dans le prolongement de nos rêves d’enfant. Je fais ça pour ça, c’est ce que je rêvais de faire et je le fais toujours aujourd’hui en me pinçant pour y croire. Après, c’est mon métier, et un métier a des exigences : je le fais dans une entreprise, pour une chaîne, sous une étiquette. Mais quand je commente par exemple le PSG à Barcelone, il est évident que je suis derrière le PSG. Je veux bien qu’on me dise qu’il fallait soutenir le Barça, mais non. En Coupe d’Europe, mon émotion va vers le club français, que ce soit Lyon, Monaco, Paris ou un autre. J’imagine aussi que l’émotion des abonnés de Canal va dans ce sens-là. Le reste, c’est l’émotion de l’instant, ce qu’est le commentaire : les mots doivent venir immédiatement, dans un environnement où tu ressens les choses par tous les pores de ta peau, sur une situation donnée. Quand Rooney met son retourné lors du derby contre City en 2011, je suis avec lui et je suis content d’y être. À Barcelone, je n’arrive pas à être heureux et je pense que j’aurais dû trouver d’autres mots ce soir-là.

L’émotion de Fekir sur l’instant, je la partage même à 1000%, et je ne suis ni juge ni censeur.

Comme à Saint-Étienne, dimanche dernier ?Entre le moment où je commente le geste de Fekir et le moment où le mec de L’Équipe écrit son papier, il y a trente minutes qui se sont écoulées. Lui, il a pris connaissance de tout un tas d’éléments que je n’ai pas au moment où je vois Fekir lever son maillot. Honnêtement, lorsqu’on sort du stade dimanche dernier, je me dis qu’on a fait le taf et qu’on l’a bien fait. Je ne suis pas connecté, je ne regarde pas ce qu’il se dit sur moi, je ne le l’ai pas lu et je ne veux pas regarder ça, même si je sais que j’en ai pris plein la gueule. J’ai la confiance de mon patron, Thierry Cheleman, et c’est très important. Aujourd’hui, je pense encore que Fekir n’aurait pas dû faire ça, ce qui ne veut pas dire qu’il doit prendre douze matchs de suspension, hein. J’ai réagi sur l’instant : au moment où il enlève son maillot, je sens un danger immédiat, je sens qu’il va se passer un truc et il se passe un truc. Je n’ai pas le temps à ce moment-là de savoir s’il y a un lien entre le geste de Fekir et l’envahissement de terrain. L’émotion de Fekir sur l’instant, je la partage même à 1000%, et je ne suis ni juge ni censeur. Le commentateur est le prescripteur, et quand tu es au stade, tu respires la chose différemment : aujourd’hui, les stades sont des cocottes-minute. Il y a eu des drames dans le foot et il y aura des drames dans le foot. Ou alors, il faudra faire autre chose en matière de sécurité que ce qu’on a vu à Saint-Étienne. Je ne vais pas au stade pour ça.

Tu y vas pour quoi ?J’y vais comme un gamin qui va commenter un match de foot pour ses copains. C’est ça la démarche. Là, au bout de trente secondes, c’est déjà fini et pendant sept minutes, on ne parle déjà plus de foot. Que dans un stade de foot, en France, on laisse un tifo énorme avec écrit La Haine se déployer… Est-ce que les gens se rendent compte ? C’est invraisemblable. On peut dire que c’est un hommage à Kassovitz, mais j’y crois moyen.

Quand on a une équipe comme le PSG, qui maîtrise tout en Ligue 1, qui est largement supérieure, qui possède des joueurs qui font rêver les gosses, est-ce plus difficile de garder de la mesure dans les commentaires ? Il y a le « football circus » d’un côté et il y a le match de foot de l’autre, deux choses qui sont séparées pour moi aujourd’hui. Le match de foot se joue dans le « football circus » . Je m’explique : notre job est de commenter un match de foot, qui est un rapport de force, donc c’est compliqué de s’enthousiasmer pour le PSG lorsqu’il massacre Angers, parce que de toute façon, c’est écrit, c’est logique et c’est le moins qu’ils puissent faire. Après, tu ne vas pas passer ton temps à emmerder les gens – ce qui m’est aussi reproché – avec la différence de moyens. Pourtant, elle est réelle, essentielle pour analyser un match, c’est une donnée que tu es obligé de prendre en compte lorsque tu commentes le PSG. On ne parle pas d’un club, mais d’un hyperclub.

C’est quoi le « football circus » ?C’est le foot au sens large : la question des moyens est consubstantielle aux matchs de foot. C’est beaucoup plus simple de commenter PSG-Bayern ou Barça-PSG que de commenter PSG-Angers, qui est une apparence de match de foot que tu te dois de faire vivre aux gens comme un vrai match de foot. Il faut que la pelouse soit trop haute, bosselée, que Neymar soit blessé, Mbappé absent, que Cavani n’ait pas envie de se défoncer, pour qu’il se passe quelque chose.

Quand tu commentes, il y a aussi une singularité : tu éditorialises. J’ai longtemps commenté le football anglais qui, pour moi, était le nirvana. J’étais où je voulais être, avec des gens puant le foot, j’étais parmi eux, tout allait bien pour moi. Un jour, Cyril Linette, mon patron de l’époque, m’appelle et me dit que Canal + récupère le match de 17h et qu’il aimerait que je commente la Ligue 1. Je n’en avais aucunement envie. Je voulais rester en Angleterre avec ce foot qui correspondait bien à ce que je suis. Dans les arguments avancés par Linette, il me disait qu’il cherchait un commentaire plus éditorialisé, mais je pense que je suis allé trop loin là-dedans. Depuis deux ans, même si ce n’est pas forcément évident pour ceux qui écoutent, j’essaye donc de plus revenir au descriptif parce que je pense qu’on débat trop du foot. Le moment du match n’est pas, en plus, le moment le plus simple pour éditorialiser, et la demande du spectateur n’est pas forcément celle-ci : quand il regarde le match, il vibre. Le supporter n’a pas envie qu’on l’emmerde avec des « Pastore il a coûté tant » . Après, il y a quand même un travail de journalisme, de pédagogie.

Tu nous expliques que le foot anglais te ramenait à un foot qui te correspondait plus. Toi, tu viens de Normandie, tu as commencé à développer ton rapport au jeu là-bas. Comment c’était ?C’est d’abord un temps où le foot à la télé n’existe pas. J’ai très peu de souvenirs télévisuels du foot en réalité. Le rapport ne s’est pas créé comme ça. Le foot, c’était d’abord jouer. J’étais très mauvais, mais j’étais passionné : je passais ma vie à jouer au foot, dès qu’on avait cinq minutes. Après, c’est le rapport avec ton père aussi qui t’emmène au stade. Pour moi, c’était le stade Jacques-Fould, le CS Alençon… quand je n’étais pas puni !

J’étais numéro 9, je ne courais pas beaucoup, donc on me mettait devant et je marquais. Bon, j’étais un joueur pitoyable.

Quand on te punissait, c’était par le foot ?C’était le levier de mon père pour me tenir un peu, parce que j’étais déjà très fougueux. Je pouvais passer deux mois sans aller au club, ce qui n’a pas été simple pour développer l’immense carrière qui m’attendait ! J’étais numéro 9, je ne courais pas beaucoup, donc on me mettait devant et je marquais. Bon, j’étais un joueur pitoyable, mais c’est la passion, les copains. On jouait sur la place de l’église, au stade, on allait voir Alençon jouer en D3 ou en D4 à l’époque. Le premier match que j’ai vu, c’était Marseille-Saint-Étienne. On est en 1979, j’ai neuf ans, à l’époque de Platini, notre héros de jeunesse. Saint-Étienne a gagné 5-3 avec un but de Platini, et un doublé de Rocheteau. C’est le premier souvenir de stade que j’ai.

Une équipe te fait frissonner plus que les autres ?C’est compliqué, je ne peux pas trop parler de ça. Mais s’il y a un truc qui m’a beaucoup marqué, c’est la montée de Caen en première division. Ça nous semblait incroyable. Cinq ans plus tôt, ils jouaient avec Alençon en troisième division. Dans la région, on n’en revenait pas. Il y avait aussi Laval à une soixantaine de kilomètres d’Alençon, mais je ne me suis jamais trop identifié à eux.

Quelques décennies après ses souvenirs d’enfance, ta passion pour le foot a l’air intact. Mais est-ce qu’il y a des moments où tu as l’impression d’avoir fait le tour, une envie de faire autre chose ?Des fois, tu as envie d’être un môme. Hier soir, j’ai passé ma soirée avec un gamin qui a neuf ans et qui ne parle que de foot. Il vient d’une famille où il n’y a pas un footeux, mais lui est passionné, il a les vignettes, les machins… Je le regarde, il a des yeux comme ça, il est fou de Thauvin, je me dis : « Qu’est-ce que j’aimerais être comme lui ! » Avoir cette innocence-là. Nous, aujourd’hui, on ne voit plus le foot pareil. On voit tout ce qu’il y a derrière.

Commenter le foot anglais, c’était aussi une façon d’aller chercher un nouveau plaisir, de trouver quelque chose d’autre ?Quand je suis tombé dedans, je n’avais aucun rapport au foot anglais. Rien, même si j’ai un peu suivi Cantona quand j’étais étudiant. Un exemple : lors de la Coupe du monde 1998, à Canal, chaque journaliste était supporter d’une équipe et pour être dans le vent, ce que je n’étais déjà pas à l’époque, il fallait supporter tout le monde sauf la France. Moi, j’étais béatement supporter des Bleus de Jacquet. Ça me plaisait bien, et j’étais persuadé qu’on allait gagner la Coupe du monde. Et, un jour, on m’a dit d’aller faire un match en Angleterre et j’ai découvert la Lune. Je me disais : « C’est pas possible. » J’ai été à Leeds, à Liverpool, c’était incroyable…

Il y a un moment qui t’a particulièrement marqué là-bas ?Il y en a plein… J’ai eu au moins deux grands privilèges dans ma vie de commentateur de foot anglais. D’abord, d’avoir été contemporain de Sir Alex Ferguson. Je pense qu’on ne mesure pas assez son influence, et que l’histoire remettra Ferguson à sa place. C’est quelque chose de dingue, l’exploit du mec, la permanence du succès sur la durée, en restant malgré tout ancré sur certaines valeurs. Il y avait des joueurs dans son équipe, il n’y avait que Ferguson qui pouvait… C’est pour ça que j’aime bien Patrice Évra, c’est un Fergie boy, il aimait ces joueurs-là, les vrais, les combattants. D’avoir vu ce bonhomme avec son pardessus, toujours le même, et son chewing-gum, je trouve ça fantastique. L’autre privilège, presque intellectuel, c’est aussi d’avoir pu parler autant de foot avec Arsène Wenger. Passer des dizaines d’après-match à discuter jusqu’au bout de la nuit avec lui de foot, c’est fascinant.

Tu écoutes les autres commentateurs français ?Oui, c’est un peu comme quand tu écris ton premier article. Un jour, il fallait que je publie mon premier article dans Ouest France. Comment tu fais ? Moi, je n’ai pas fait d’école. Donc, tu lis un peu ce que les autres ont fait, le correspondant d’à côté, puis tu essayes à peu près d’agencer ton article pareil. La télé, moi, ce n’était pas mon monde, pas mon milieu, je n’ai pas été formé pour ça. Donc j’ai beaucoup regardé comment faisaient les autres, notamment Gilardi.

Je pense qu’on vivra l’époque où un joueur va emplâtrer un journaliste, ou un entraîneur un éditorialiste ou un consultant. Ça va arriver. Je pense qu’il faut un peu de mesure, il faut allumer quelques voyants.

Qu’est-ce qu’il apportait de différent ?J’ai été très marqué par sa méthode de travail. Il y a un truc que j’ai retenu de lui : chaque saison, le commentateur vedette de Canal commente entre 20 et 30 matchs du PSG. Et Gilardi, à chaque fois qu’il faisait le PSG, il reprenait la fiche à zéro et la refaisait à la main dans son bureau. Pour PSG-Sochaux, pour PSG-Lille. J’ai gardé ça. Je suis encore adepte de cette bonne vieille méthode à l’ancienne où à chaque fois que tu refais une équipe, tu te re-penches sur elle, même si tu as l’impression de tout savoir et de tout connaître. J’en reviens à Barça-PSG : quand tu prépares un match, il y a une lumière qui doit s’allumer et qui doit te dire : « Attention Stéphane même si le PSG marque, 6-1 c’est possible dans le football. » Même 7-2, 8-3… Tu dois avoir cette lumière-là qui s’allume.

La critique permanente du commentateur est-elle difficile à vivre ?J’ai une notoriété très limitée, je me tiens très éloigné de ça. On ne fait pas ce métier-là pour être connu, pour être célèbre. Moi, je ne suis jamais embêté dans la rue, seulement un peu autour des stades. Au contraire, quand on t’arrête, c’est toujours bienveillant, c’est toujours sympa.

Pourtant, tu as été chahuté récemment par des supporters de l’OM, non ?Aujourd’hui, les relations entre les acteurs du foot sont très violentes. Je pense qu’on vivra l’époque où un joueur va emplâtrer un journaliste, ou un entraîneur un éditorialiste ou un consultant. Ça va arriver. Je pense qu’il faut un peu de mesure, il faut allumer quelques voyants. On ne peut pas tous aller dans le « toujours plus » , dans le « encore plus » .

On a l’impression que les éditorialistes vont de plus en plus loin dans leurs critiques, qu’il n’y a plus de limite.Il y a une surenchère permanente. Je pense que le foot est un monde extrêmement violent. On est dans la société de l’opinion. Le commentateur en direct est le prescripteur. Puis il y a une chaîne qui se met en place avec des débats, etc.

Vous dites qu’on débat trop du football. Effectivement, il y a des émissions de deux heures avant les matchs, après les matchs… Mais si elles font de l’audience, ça veut dire que le public est demandeur. Comment faire pour en parler moins, mais de façon plus pertinente ?Je ne sais pas. Perso, je zappe ou je coupe le son. On a la tentation de regarder, surtout dans nos métiers où il faut être tout le temps informé. Au début, j’écoutais beaucoup pour m’imprégner, mais je me rends compte que, finalement, combien de fois tu regardes un débat pour te dire à la fin : « J’en retiens quoi ? J’ai appris quoi ? » On est dans le commentaire, dans l’opinion, mais très peu sur les faits. Il y a beaucoup de commentateurs, et très peu de producteurs d’infos.

Est ce que J+1 a été justement créé pour prendre de la hauteur, respirer un peu par rapport à tout ça ? L’idée de départ, c’était ça. J’avais dit qu’on n’en pouvait plus des émissions de débat. Qu’il fallait surtout ne plus faire ça. L’idée, c’était d’inventer une émission anti-débat. J+1 est né de ça, c’est une réaction à ces émissions-là. Cette émission-là repose sur deux piliers fondamentaux : le foot est notre passion, donc c’est très sérieux pour nous. C’est un truc, on ne rigole pas avec le foot, un résultat de foot est pour nous une information importante. Mais, en même temps, on doit quand même toujours avoir en tête que ce n’est que du foot, qu’on peut se marrer. Moi, ma mère, ça ne la fait pas rêver que son fils soit commentateur de foot. Elle aurait préféré que je sois prof d’histoire. Si j’avais mis toute l’énergie que j’ai mis dans le foot à travailler mon autre passion qui est l’histoire, et si j’étais agrégé d’histoire et prof d’histoire, j’aurais fait la fierté de ma mère. Malheureusement, je suis commentateur de foot.

Si j’avais mis toute l’énergie que j’ai mis dans le foot à travailler mon autre passion qui est l’histoire, et si j’étais agrégé d’histoire et prof d’histoire, j’aurais fait la fierté de ma mère. Malheureusement, je suis commentateur de foot.

Vous dites que vous allez toujours au stade en ayant l’impression d’être un gosse qui vit un rêve. Le jour où cette impression ne sera plus là, vous ferez quoi ?J’ai deux ou trois idées. Je remercie le bon Dieu chaque matin. Je me dis que j’ai cette chance incroyable. Donc si demain je m’arrête, je serai profondément triste, mais je me suis gavé.

C’est quoi ces deux-trois idées dont vous parlez ? Vous voulez remplacer Stéphane Bern ?(Rires) Je peux être prof d’histoire ! Non, j’ai d’autres idées en tête, mais c’est trop intime. C’est compliqué d’aimer le foot aujourd’hui. Franchement, je trouve que c’est un sacerdoce. Tu vas à Marseille, il n’y a pas un supporter du PSG, il y a des batailles de rue tout l’après-midi. C’est ça, la réalité. Ce n’est pas que Neymar qui fait tsouin tsouin après avoir marqué un triplé. Ta passion est mise à l’épreuve tout le temps, et des fois, comme la semaine dernière avec l’affaire Évra et le derby, tu te dis : « Merde, peut-être que j’aurais mieux fait d’aller à l’opéra samedi soir, et aller avec ma fille au ciné dimanche que d’aller dans les stades. »

Une histoire peut permettre de mieux comprendre mon rapport au foot : chaque année, je pars avec des amis voir la finale de la Ligue des champions. Il y a deux ans, on a donc été à Berlin pour Barça-Juve. Là, tu arrives : Berlin est transformé en vitrine publicitaire, c’est dégueulasse, ils te mettent du McDonald’s partout, du Heineken… Au stade, tu arrives dans des tentes où il y a assez à bouffer pour nourrir l’Afrique entière pendant dix ans. Tu te dis : « Mais je fais quoi là ? » Et tout d’un coup, le match commence. Tu as onze bonshommes contre onze bonshommes, un ballon, deux buts, un enjeu, une coupe à aller chercher. Et là, c’est magique. Tu es emporté par un scénario, une histoire, une chorégraphie. C’est un match extraordinaire. Et tu te dis qu’il faut que ce jeu soit d’une force inouïe pour surmonter le reste. Pour moi, c’est ça, le foot. Parce que ce qui nous relie, c’est ça. Nos parties de foot gamins où on mettait nos écharpes pour faire les buts, souvent sur un terrain en bitume. Ça nous renvoie à ça. Et aujourd’hui, le curseur de la passion l’emporte toujours. Il faut essayer de rester là-dedans. Moi, je ne me lasse jamais d’aller au stade, mais c’est vrai que c’est de plus en plus dur.

Propos recueillis par Maxime Brigand et Alexandre Doskov

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