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Sarri face à ses limites
Mis hors course en Ligue Europa, éliminé de la Coppa Italia, le Napoli va devoir abattre toutes ses cartes ce dimanche soir, lors du sommet de la Serie A face au rival turinois. Un match aux allures de révélateur pour Maurizio Sarri. Car s'il a transfiguré depuis trois saisons le jeu napolitain, le Mister doit toujours s'asseoir sur un étrange paradoxe : son palmarès, resté vierge avec le club azzurro.
S’il y a un point commun entre Walter Mazzarri et Rafael Benítez, c’est bien un trophée. Plus précisément, une Coupe d’Italie remportée en 2012 par le premier et en 2014 par le second. Deux Coppa venues dépoussiérer l’armoire à trophées du Napoli. La joie de remporter un titre, un moment d’extase qui glisse pour l’instant entre les mains de leur successeur, Maurizio Sarri. Étrange, pour un type qui a clairement fait passer le jeu de Naples dans une nouvelle dimension depuis son arrivée à la tête du club en 2015. Mais symptomatique de la gestion d’un coach certes virtuose, mais dont la méthode manque sans doute d’un soupçon de renouvellement.
En Europa, Sarrigole pas
À l’heure de retrouver la Juve, les petits accrocs du management de Sarri se traduisent déjà au travers de ce qu’il a réussi à accomplir face à la Vieille Dame. À savoir, pas grand-chose. Souvent brillants face aux autres formations de Serie A, les Partenopei sont beaucoup plus quelconques quand il s’agit de montrer les muscles face aux Bianconeri. En Serie A, depuis que Sarri est aux commandes, les Azzurri ont pris 4 points sur 15 face aux Juventini, leur dernière victoire en championnat contre la Vieille Dame remontant à septembre 2015. Un déficit dans les confrontations directes que Naples traîne comme un boulet dans une course au Scudetto qui obsède ses tifosi. Des supporters que l’idée d’un nouveau titre national rend fous, mais dont la passion retombe lorsque la Ligue Europa vient toquer à la porte du San Paolo. Quitte à parfois pousser Sarri et sa direction à sacrifier une compétition où prétendre à la victoire semble pourtant dans les cordes des Azzurri.
Face à Leipzig en seizièmes de finale aller de C3, le Mister napolitain allait même jusqu’à aligner un onze type composé d’habituels remplaçants comme Maggio, Tonelli, Diawara, Ounas, Rog et Zieliński et à se passer d’un attaquant de pointe de métier, en replaçant José Maria Callejón dans l’axe. Bilan : une défaite 3-1 et une future élimination de l’épreuve. Sarri, lui, justifie alors son turnover en évoquant un calendrier surchargé et un drôle de contexte, qui voit ce soir-là son équipe jouer dans un San Paolo quasi désert, avec seulement 15 000 supporters en tribunes : « On est au bord de la folie dans cette compétition. On joue un match européen à 21h05, puis nous sommes de retour sur les terrains à peine 60 heures plus tard en championnat… Je ne vous cache pas aussi que, cette année, nous avons dû nous battre pour garder une mentalité européenne… Ce n’est pas seulement notre faute, c’est aussi dû à notre environnement, où il y a tellement de désir de nous voir faire des résultats en Italie… »
Le changement, c’est pas maintenant
L’Italie, où la méthode Sarri reste quasi inchangée depuis son arrivée en Campanie. Un milieu à trois, un onze type remarquablement stable et un jeu de mouvement et de possession aussi collectif que spectaculaire. Une formule que Sarri a intelligemment adaptée aux circonstances, par exemple en recyclant Dries Mertens comme attaquant axial, avec un succès fracassant. Mais sans jamais développer de solution alternative : trois saisons après son arrivée, Sarri n’a toujours pas de plan B d’envergure quand la symphonie collective de ses poulains ne suffit plus pour plier l’adversaire. Contrairement à Massimiliano Allegri, qui a su faire évoluer avec succès la Juventus en 3-5-2, 4-2-3-1 ou 4-3-3, le Mister azzurro n’a jamais travaillé de schéma tactique alternatif à son habituel 4-3-3. Pas son style, lui, qui, à l’image de Pep Guardiola, veut coûte que coûte imposer son jeu plutôt que s’adapter aux caractéristiques adverses. Quitte à aller parfois droit dans le mur, au nom d’une certaine idée du jeu.
Coucou, revoilà Milik
Les tifosi napolitains espèrent, eux, voir leur gourou s’astreindre à faire quelques changements d’ici la fin de la saison. Histoire de brouiller les cartes et peut-être relancer la Serie A en terrassant l’ogre turinois à l’Allianz Stadium : 90% des votants consultés lors d’un sondage en ligne effectué par le quotidien napolitain Il Mattino voudraient notamment voir Sarri trancher en faveur d’Arkadiusz Milik au détriment de Dries Mertens, pour le sommet de ce week-end. Moins en jambes en cette fin de saison, le Belge reste sur six matchs sans but en Serie A, alors que le Polonais, de retour début mars après une grave blessure, s’est récemment montré décisif en plantant face au Chievo Vérone puis à l’Udinese. La décision de Sarri de le faire commencer sur le banc le 15 avril dernier face au Milan (0-0) avait même soulevé quelques grognements chez certains commentateurs.
Entré sur le pré en remplaçant Mertens peu après l’heure de jeu, Milik avait failli inscrire un but salvateur en toute fin de rencontre, mais avait vu sa frappe détournée par une parade de martien signée Gigio Donnarumma. Suffisant pour faire cogiter Sarri, qui hésiterait entre le géant polonais et Mertens pour débuter face à la Juve, à en croire les médias transalpins. Même si le Mister napolitain a tenu à prévenir tout le monde : « Je ne changerai pas la philosophie de jeu de l’équipe, même pour un match aussi important. » Une manière comme une autre de clamer que, même s’il risque une nouvelle fois de flirter avec ses limites, son Napoli se cramponnera quoi qu’il arrive à ses principes.
Par Adrien Candau
Tous propos issus de la Gazzetta dello Sport et Il Mattino