San Lorenzo, avec Ramon Diaz !
Ramon Diaz fait partie de ces hommes qui savent allier la parole aux actes. A la tête du San Lorenzo depuis six mois, l'ancien Monégasque est en passe de réaliser un véritable exploit : à deux journées du terme du Clausura, le club argentin possède quatre points d'avance sur ses poursuivants et se rapproche du titre à grands pas. Focus sur cette irrésistible ascension.
Ramon Diaz a un tic de langage tout à fait singulier : à la manière de tous les potreros (les joueurs de rue, soit souvent des mauvais garçons comme Maradona), il ponctue toutes ses phrases par un « Je ! » (prononcez ré). Cette interjection typiquement argentine résume parfaitement l’entraîneur de San Lorenzo – entre malice, classe et fourberie.
Depuis quelques jours Diaz en abuse, San Lorenzo est premier du championnat argentin devant les mastodontes Boca, River et Estudiantes. Et Diaz d’éructer de plaisir : ce « Je ! » -là fleure bon le titre de champion. Il le sait.
Dès son arrivée à San Lorenzo, Ramon Diaz avait prévenu : « Je viens ici pour démontrer qu’on peut être champion autrement qu’avec River Plate. Je veux gagner, Je ! » . C’était en décembre 2006, San Lorenzo venait à peine de se faire liquider par le dernier du classement Quilmes, lors de la dernière journée du torneo Apertura (le tournoi d’ouverture).
Diaz, qui n’a plus coaché depuis quatre ans (River), doit alors faire face à une bande de loosers apeurés, et littéralement déprimés par la déculottée subie la même année face à Boca, 7-1, accessoirement plus lourde défaite de l’histoire du club.
El Pelado endosse alors son costume de psychologue – « Je veux des mecs qui ont des couilles pas des petits branleurs » – et fait une première victime : le gardien Sebastien Saja, visiblement « plus fort avec sa langue qu’avec ses mains » . « Saja a des mains de coton, ma mère serait meilleure que lui dans les cages » . C’est le premier geste fort du nouvel entraîneur.
Les joueurs sont avertis, Ramon Diaz n’est pas le Père Noel, il ne fera aucun cadeau. Pour renforcer l’équipe, l’ancien Monégasque rapatrie illico deux de ses anciens pupilles de River, “Gata” (la chatte) Fernández et “Lobo” (le loup) Ledesma. Des hommes de confiance, mais surtout de devoir, qui deviennent rapidement les tauliers de l’attaque et du milieu de terrain. Il complète « sa colonne vertébrale » en persuadant Sebastien Mendez de ne pas raccrocher les crampons.
Dès les premiers matchs du Clausura (tournoi de clôture), San Lorenzo propose à ses opposants un bloc compact et dur au mal. L’efficacité prime avant le beau jeu. Conscient de ses lacunes, le Cyclone (sobriquet officiel de San Lorenzo) exploite à merveille ses vertus basées sur l’engagement physique, le pressing et surtout une volonté d’acier. C’est un peu l’Uruguay qui joue au Gasometro.
Les Corbeaux (surnom des supporters) sont perplexes mais pas surpris, Diaz appliquant simplement à la lettre le trivial plan qu’il avait élaboré : son équipe joue avec les couilles. En défense, le gardien de but Orion attrape enfin des ballons avec ses mains, Mendez dégage en touche autant qu’il peut, Ledesma ratisse, et Fernandez plante. Le football est peut être parfois aussi simple qu’il est laid…
A défaut de développer un jeu alléchant, Diaz assure néanmoins le spectacle en coulisses à grands coups de déclarations truculentes, et offre enfin aux supporters l’occasion de bomber le torse. Dans la Bombonera de Boca, le coach conseille ainsi au président des Xeneize de faire quelques réformes dans son stade : « Macri est un radin. Si Boca est si puissant qu’il le dit, il pourrait mettre la clim’ en salle de presse. Ici, ça sent mauvais, Je ! » .
A la manière d’un Aulas ou d’un Mourinho, Diaz use et abuse de sa grande gueule et focalise l’attention des médias et la pression sur lui. Pendant ce temps, son équipe enchaîne tranquillement les victoires et prend rapidement la tête du classement. Tout le monde est alors persuadé que l’euphorie ne va pas durer. Seulement voilà, l’effectif compte 22 joueurs et aucun titulaire.
Dans une équipe dépourvue de stars, un remplaçant fait forcément l’affaire, ce qui permet à Lavezzi, un attaquant supersonique, et Bottinelli, un défenseur de tout premier rang, de se révéler au grand public. Tandis que Diaz fait souffler (toutes les compositions d’équipe ont été différentes au long de la saison), Boca et River s’époumonent de leur côté en Copa Libertadores. Diaz s’en frotte les mains et ironise : « C’est bien qu’ils jouent ces matchs, c’est bon pour leur prestige international. Nous on s’occupe de notre prestige local » .
Et effectivement, les Azulgranas remportent tous leurs matchs dans leur antre de Gasometro, pour assurer au minimum le nul à l’extérieur. Seule ombre au tableau, la défaite du 7 avril dernier sur le terrain d’Estudiantes. Passablement irrité, Diaz attaquera Veron pour délit de grande gueule : « Ne me regarde pas dans les yeux espèce d’imbécile ! Pour moi tu n’es rien, dégage ! Je ! » .
San Lorenzo est aujourd’hui définitivement respecté, mieux, il est craint… A deux journées de la fin, le club possède quatre points d’avance sur ses poursuivants. Le Cyclone est quasiment assuré de remporter le Clausura. Je !
Par Javier Prieto Santos
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