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Saldanha, un rouge chez les Auriverdes

Par Régis Delanoë
Saldanha, un rouge chez les Auriverdes

João Saldanha aurait eu 100 ans ce 3 juillet 2017. Éphémère sélectionneur du Brésil entre 1969 et 1970, il avait été licencié du poste juste avant le triomphe de Pelé et des siens lors du Mondial mexicain, payant là ses rapports difficiles avec la dictature militaire de l’époque. Ce communiste convaincu en était alors retourné à son activité de chroniqueur sportif, laissant le bref souvenir d’une équipe auriverde qui, sous sa direction, n’a jamais semblé aussi « brésilienne » : offensive, audacieuse, chatoyante.

Le 21 juin 1970, la démonstration du Brésil au Mexique s’achève par un triomphe face à l’Italie et une victoire 4-1. Au sortir de ce Mondial qui reste encore aujourd’hui une référence, Pelé devient définitivement une icône internationale et le sélectionneur Mario Zagallo un héros national. Ce n’est pourtant pas l’homme au grand front qui aurait dû être sur le banc pour cette épopée mexicaine, mais son prédécesseur João Saldanha, débarqué du poste soixante-quinze jours seulement avant le match inaugural du tournoi. Saldanha, condamné à une carrière d’entraîneur bien trop courte eu égard à ses talents et son audace de technicien. Il avait déjà eu une première expérience de coach assez courte dix ans auparavant, lorsqu’il avait été à la tête de l’équipe première de Botafogo entre 1957 et 1959. L’aventure s’était conclue plutôt positivement, mais l’ancien joueur de ce même club de Botafogo, à la carrière de footballeur stoppée tôt par les blessures, n’avait pas insisté, préférant revenir à son activité de journaliste. Car João Saldanha était d’abord un homme de lettres, à la plume et au verbe acérés, un intellectuel issu d’un milieu artistique – cousin du compositeur Carlos Jobim – aussi bien à l’aise dans la presse écrite qu’à la radio et à la télé. Si le football est sa spécialité, c’est loin d’être son seul centre de préoccupation.

Le plan machiavélique de João Havelange

Saldanha est aussi un homme hautement politisé, affichant une préférence idéologique claire pour la couleur rouge. Membre du parti communiste brésilien à une époque où il n’est pas admis, il fonctionne en esprit libre dans une société qui ne l’est plus vraiment depuis 1964 et l’arrivée au pouvoir par coup d’État des militaires. La situation de son pays renforce Saldanha dans ses convictions. Il poursuit ses activités militantes et n’use d’aucune langue de bois lorsqu’il s’agit de pratiquer son métier, critiquant lorsqu’elle le mérite la sélection nationale, le joyau de la patrie. Or justement à cette époque, les Brésiliens traversent une petite crise footballistique à la suite de la désillusion du Mondial 66 et cette vilaine élimination au premier tour. Les sélectionneurs s’enchaînent, sans réussite, ce qui met sous pression la Fédération, dont le président est un certain João Havelange. Celui qui deviendra président de la FIFA de 1974 à 1998 a alors une idée aussi brillante que machiavélique : pour calmer les critiques des journalistes locaux, pourquoi ne pas nommer l’un d’eux au poste ? C’est ainsi que Saldanha l’inexpérimenté se voit proposer cette inattendue opportunité, qu’il va saisir brillamment. Pour son premier match sur le banc, le 6 août 1969, c’est pourtant un périlleux déplacement à Bogota qui s’annonce pour le compte de la première journée des qualifications au Mondial 1970. Pas un cadeau, mais d’un doublé, Tostão se charge de battre les Colombiens 2-0 et de mettre son équipe et son nouveau sélectionneur dans des conditions idéales. En confiance, les hommes de Saldanha vont enchaîner six victoires en six matchs de qualification durant cet été 1969, marquer 23 buts et n’en encaisser que 2. Colombie, mais aussi Paraguay et Venezuela volent en éclats face à ce Brésil ultra-offensif, peut-être plus offensif qu’il ne l’a jamais été : un 4-2-4 avec Jairzinho, Tostão, Rivelino, Pelé et Gerson repositionné plus bas, sans oublier Edu et Paulo Cesar sur les ailes. Que des numéros 10 dans sa team. Une folie qui paie, une boucherie pour les adversaires.

Pelé ? Trop lent, trop myope

Et pourtant, Saldanha ne fait pas l’unanimité, avec une décision qui cristallise la critique : son refus de sélectionner Dada Maravilha, le buteur et l’idole de l’Atlético Mineiro. Son entraîneur Yustrich, qui a occupé le poste de sélectionneur l’espace d’un petit match en 1968, fait part de son mécontentement. Il sera quitte pour une visite de Saldanha au centre d’entraînement du club de Belo Horizonte, le revolver sorti de la poche pour calmer son rival jaloux. Surtout, c’est le président, un certain Emilio Garrastazu Médici, qui réclame lui aussi la sélection de Dada « Dario » Maravilha. Il le fait savoir, ce que Saldanha apprécie moyennement. « Le président choisit ses ministres, moi je choisis mon équipe, rétorque-t-il, avant de se justifier. C’est un bon joueur, mais pas assez pour mon équipe. Si j’accepte Dario, c’est une humiliation et je ne vais pas me laisser humilier. » Une telle posture lui offre un surnom classe – « João sans peur » –, mais le met surtout en danger. Car Médici est un dur, le plus dur des dirigeants brésiliens de l’époque, un homme qui mène une répression terrible des mouvements sociaux et fait la guerre à une partie de son peuple, dont beaucoup d’amis de Saldanha-le-rouge. Ce dernier s’en fout, dictature ou pas, il entend mener sa sélection comme il l’entend, sans contrainte de personne, pas même du plus haut et du plus autoritaire personnage de l’État. Crime de lèse-majesté, ce sélectionneur sans concession va même jusqu’à remettre en cause le statut d’indéboulonnable de Pelé lui-même. Il l’accuse d’être myope, lent, de ne plus être au niveau. Quelques jours après avoir refusé de rencontrer Médici à Porto Alegre ( « Je n’aurais aucun plaisir à serrer la main d’un homme qui a tué plusieurs de mes amis, balance-t-il. Je ne sais pas si c’est lui qui a donné l’ordre ou s’il a laissé faire. Ce qui est sûr, c’est que plus de trois cents personnes sont mortes sous ce gouvernement, le plus assassin de l’histoire du Brésil. » ), il convoque en mars 1970 une liste de joueurs pour disputer un match de préparation face au Chili, dans laquelle ne figure pas Pelé… C’en est trop pour Médici, trop aussi pour Havelange, Saldanha est débarqué et remplacé par le docile Mario Zagallo. La suite est connue pour l’équipe nationale en partance pour le Mexique… Quant à João-sans-peur, il redevient journaliste, l’un des plus populaires au pays malgré son ton toujours plus acerbe et ses critiques de la modernisation du football, la marchandisation des footballeurs, de l’individualisation du jeu et des tactiques de plus en plus défensives… Les poumons rongés par une addiction à la cigarette, il s’éteint le 12 juillet 1990, quatre jours après la fin du Mondial le plus défensif de l’histoire.

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