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Reja : « L‘équipe qui triomphera rentrera dans l’histoire »

Propos recueillis par Éric Maggiori
7 minutes
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Pendant deux saisons et demie, de 2010 à 2012, Edy Reja a été le coach de la Lazio, et est parvenue à la qualifier deux fois pour la Ligue Europa, avant de passer la main à Vladimir Petković. De passage à Paris, l'ancien coach laziale a accepté de prendre un café, au bar de son hôtel, pour parler un peu derby, Lazio, tactique et Totti.

Que faites-vous à Paris ? C’est Leonardo qui vous a demandé de venir ? (Il rigole) Ah non, malheureusement non ! Je viens souvent à Paris, j’adore cette ville. Je me balade, je visite, et j’en profite pour voir Lavezzi (les deux hommes se sont connus à Naples, ndlr). Je ne sais pas s’il sera disponible cette fois.

On aime bien les entraîneurs italiens en France en ce moment, ça ne vous tenterait pas ?Sincèrement, je pense que j’ai fait mon temps, d’une certaine façon. Oui, bien entendu, je pense que je pourrais encore m’offrir une expérience d’un ou deux ans à l’étranger. Cela me plairait d’ailleurs, car hormis un an en Croatie, j’ai toujours entraîné en Italie.

Du coup, depuis un an, que faites-vous de votre temps libre ?Je voyage, je profite, je vais assister à des matchs. Tiens, d’ailleurs, dimanche dernier, je suis allé Trieste pour voir le dernier match de la Lazio face à Cagliari. Mon dieu, quel ennui. J’ai même failli partir avant la fin…

Vous qui connaissez bien l’équipe, comment expliquez-vous que la Lazio ait fait une deuxième partie de saison si catastrophique ? Petković a dû affronter certaines difficultés. Au début de la saison, il a réussi à apporter une mentalité offensive à la Lazio, mais il a pu le faire lorsqu’il avait son effectif complet à disposition. Il a ensuite mal géré la fin de championnat. Il faut savoir que l’Europe t’enlève beaucoup d’énergie, je peux en témoigner. L’an passé, j’ai connu beaucoup de blessures. Klose a été blessé, Lulić, Konko et Radu aussi, Mauri pendant 4 mois. Pourtant, malgré ça, il fallait jouer tous les trois ou quarts jours. Et cela change tout. Lorsque tu peux te préparer tranquillement la semaine, dormir sereinement, manger sainement, tu arrives au match du week-end au top. Nous, parfois, nous jouions le jeudi soir, nous rentrions le vendredi matin, et le dimanche après-midi, nous avions déjà match. C’est possible de gérer une telle situation lorsque l’effectif te le permet. Là, à la Lazio, avec des blessés en plus, ce n’est pas possible.

Justement, cette situation s’étant déjà produite l’an dernier, le club n’aurait-il pas dû intervenir en renforçant le banc ? Il y a renforcer et renforcer. Moi aussi, j’avais demandé 3 ou 4 renforts. Finalement, je n’ai eu que Candreva lors du dernier jour du mercato. La Lazio a les moyens financiers qu’elle a. Lotito a des défauts, mais c’est un excellent gestionnaire. Malgré des moyens limités, la Lazio s’est qualifiée lors des dernières saisons pour l’Europe. Après, pour aller plus haut, c’est compliqué. Quand la Juve dépense 100 millions d’euros, la Lazio en dépense 10. Les armes ne sont pas égales.

Votre Lazio s’est qualifiée à deux reprises pour la Ligue Europa, chose que n’a pas réussi à faire Petković. Peut-on parler d’une saison ratée, au-delà du résultat de la finale de dimanche ? Pour le moment, oui. Avec une équipe plus compétitive et moins de blessés, il a fait moins bien que nous les deux saisons précédentes. En championnat, je précise. En Europe, il est allé en quarts de finale, et il est en finale de Coupe d’Italie. Évidemment, la finale va déterminer la suite des choses. Si la Lazio perd, tout va être remis en cause. Il n’y aura pas d’Europe la saison prochaine, ce qui est un vrai échec. Mais c’est le même discours pour la Roma, qui n’est actuellement pas qualifiée pour l’Europe, alors qu’elle n’a pu dû affronter les fatigues de la Ligue Europa cette saison. En revanche, si la Lazio gagne, on retiendra surtout ce succès, et les apparences seront sauvées.

Dans les deux cas, victoire ou défaite, n’est-ce pas là la fin d’un cycle ?Il faudra faire des changements, c’est évident. Au moins 5 ou 6 éléments doivent être changés. Les années passent et certains joueurs commencent à se faire vieux. Un joueur comme Ledesma a disputé tous les matchs cette saison. Forcément, à 31 ans, il encaisse moins bien qu’il y a 5 ans. Pareil pour Biava ou Dias. Il faudrait des jeunes de 22-23 ans pour repartir.

En même temps, c’est ce qu’a fait la Roma, recruter des jeunes joueurs, et ça ne marche pas non plus. Ça ne marche pas encore car les joueurs doivent encore trouver leur équilibre. Une équipe avec des jeunes joueurs présente des avantages et des inconvénients. On l’a vu avec la Roma. Lorsqu’ils gagnent, ils marquent beaucoup de buts et obtiennent des victoires éclatantes. Par contre, lorsqu’ils perdent, ils ont du mal à réagir et peuvent rapidement sombrer.

Alors du coup, pour cette finale-derby, à qui l’avantage ? Selon moi, et je ne dis pas ça parce que j’ai entraîné la Lazio pendant deux ans et demi, moi je pense que la Lazio est légèrement favorite. Disons 5 ou 10% de plus que la Roma. Car justement, elle a plus d’expérience, et sur ce genre de match, c’est essentiel. Si la Lazio arrive à ce match dans les bonnes conditions, je pense qu’elle l’emportera.

Arriver dans de bonnes conditions à un derby, qu’est-ce que cela signifie ? Préparer un derby, ce n’est évidemment pas la même chose que préparer un match comme les autres. Il faut le préparer en donnant de la tranquillité aux joueurs car il faut arriver au match avec la mentalité adéquate. Un derby, cela se joue à 110%. Et lorsqu’en plus, c’est une finale de Coupe d’Italie, avec tous les yeux du monde entier rivés sur le match, cela rajoute de la tension.

La Lazio a décidé de préparer le match à Norcia, sorte de mise au vert. Une bonne chose ?Je pense que le club a pris cette décision par superstition. Il y a quelques années, l’équipe était partie quelques jours à Norcia pour préparer un derby, et elle avait gagné 4-2. Avec moi, nous étions également allés à Norcia pour préparer un match capital à Cagliari, et nous avons gagné 2-0. Jamais deux sans trois.

Vous avez disputé six derbys à Rome. Vous avez perdu les quatre premiers, et remporté les deux derniers. À quoi cela s’est-il joué ?À pas grand-chose. Le derby se joue souvent à rien. Il y a certains derbys où nous méritions largement de gagner, et nous avons perdu. D’autres où le nul aurait été le résultat le plus juste, et finalement nous avons gagné. La première année, nous menons 1-0, nous dominons, nous ratons un penalty, et après ça, la Roma a repris l’ascendant et s’est imposée 2-1. Ensuite, il y a eu pas mal de derbys qui se sont joués sur des décisions arbitrales. Des penaltys sifflés pour la Roma et pas pour nous. À un certain moment, nous pensions même que toutes ces décisions étaient prises pour faire du tort à Lotito, qui était en guerre contre le CONI. Et puis la roue a tourné. Lors des deux derniers derbys, ceux de la saison dernière, c’est nous qui avons eu les penaltys. Et nous avons gagné.

La Roma n’a d’ailleurs plus gagné de derby depuis 2011. Cela peut jouer dans les têtes ? À Rome, quatre derbys sans gagner, c’est une éternité. Donc oui, cela peut jouer, la Lazio a l’ascendant psychologique car les joueurs qui composent l’équipe, comme Hernanes, Candreva, Klose, ont marqué des buts décisifs lors des derniers derbys. Après, l’arrivée d’Andreazzoli a donné plus d’équilibre à la Roma. Avec Zeman, la Roma pouvait gagner 4-3, 4-0, comme perdre 4-2. Ce n’est plus le cas avec Andreazzoli, car il connaît très bien les joueurs et la façon dont il doit les faire jouer.

Le danger numéro 1, pour la Lazio, ne s’appelle-t-il pas encore et toujours Totti ? C’est un champion, un immense joueur. Il est très difficile à marquer. Il joue dos au but, il dirige le jeu, il te fait faire des fautes. C’est un joueur de métier, un joueur qui peut faire la différence à tout moment. Après, je peux dire la même chose de Klose. Si Klose est dans de bonnes conditions…

Qu’est-ce qui va déterminer ce derby ?L’aspect tactique et la préparation. La Roma doit s’affronter d’une certaine manière pour être battue. Petković le sait. Ce qui est sûr, c’est que l‘équipe qui triomphera rentrera dans l’histoire. Et celle qui perdra aussi, mais d’une autre façon.

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Propos recueillis par Éric Maggiori

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