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Rabarivony – Danjou : « Aragonés nous disait : « On n’est pas avec Guy Roux là ! » » 

Par Axel Bougis
7 minutes
Rabarivony – Danjou : « Aragonés nous disait : « On n’est pas avec Guy Roux là ! » » 

Retombé en D3, Oviedo va tenter de renouer avec une partie de son glorieux passé, ce mercredi en 16e de finale retour de la Coupe du Roi face à la Real Sociedad (22h). L'occasion de revenir sur la période faste du club des Asturies avec Franck Rabarivony et Frédéric Danjou, qui ont porté le maillot bleu à la fin des nineties et au début des années 2000, joué sous les ordres de Luis Aragonés et Radomir Antić… et même pris Stan Collymore dans leur voiture.

Quels souvenirs vous gardez de votre aventure à Oviedo ?

Franck Rabarivony : Un excellent souvenir. J’avais quitté Auxerre avec un peu de regrets parce qu’on était dans une grande période, juste après la Champions League. En allant à Oviedo, un club du niveau du Havre de l’époque, j’avais quelques appréhensions. Et finalement ça a été vite compensé parce que tous les quinze jours, on jouait contre une grosse écurie : Valence, le Real Madrid, Barcelone, La Corogne. Oviedo était un petit club qui, comme tous les petits en Espagne, voulait s’aligner sur les grands, donc les dirigeants ont beaucoup investi l’année où je suis arrivé (1998). Il y avait 11 internationaux sur les 25 joueurs de l’effectif, donc on était là pour gagner. On a permis au public et à la ville de vibrer pendant trois ans.Frédéric Danjou : Ce ne sont que des bons souvenirs, à part évidemment la fin, puisque ça s’est terminé par une relégation. Je sortais du championnat de France et d’Auxerre et j’ai découvert une nouvelle façon de voir le foot. Dans le championnat espagnol, tout le monde attaque et tout le monde défend, ça ressemble vraiment aux matchs de coupes en France. Ça ressemblait un peu à Auxerre, car ce n’était pas un club énorme en Espagne. Il y avait un état d’esprit familial, donc c’était bien. Mais la façon de jouer et de voir le football sont différentes.

Après Guy Roux à Auxerre, vous tombez encore sur des entraîneurs avec de sacrés caractères : Luis Aragonés puis Radomir Antić…

FR : Oui, ils avaient des caractères très forts. J’ai bien aimé Radomir Antić parce qu’il était un peu comme Hadžibegić, très sérieux, avec une grosse préparation. Et j’ai beaucoup apprécié le regretté Luis Aragonés, qui était un peu comme un papa et qui me rappelait un peu Guy Roux. D’ailleurs, il faisait souvent référence à lui. Il l’aimait bien, et Guy Roux avait quand même une renommée internationale. Quand il blaguait, pour motiver ses joueurs, dont moi ou Frédéric, il disait toujours : « On n’est pas avec Guy Roux, là ! » C’était une très belle amitié et une très belle rencontre avec un homme très humble, qui aimait croquer la vie, qui voyait les années avancer et qui voulait en profiter un maximum.
FD : Ils étaient atypiques. Aragonés parlait moins, mais c’était un très bon meneur d’hommes. Il savait quoi dire et à quel moment. Il était un peu chambreur, mais c’était une telle figure dans le football espagnol que ça nous apportait de la force. Par rapport aux autres équipes, avoir Aragonés sur notre banc était important. La deuxième année, on a eu Antić. Il était plus proche des joueurs, il avait une façon différente de voir les choses, mais ce sont deux bons souvenirs. J’ai eu Guy Roux pendant dix ans, et c’est une personne spéciale pour tous les gens qui passent au centre de formation, mais c’était une autre méthode. Pendant dix ans, à Auxerre, j’ai toujours joué dans le même schéma tactique, alors qu’avec Aragonés, on jouait à cinq derrière, donc ça me changeait complètement, et avec Antić, on est repassés à quatre, mais à plat. Ça m’a fait progresser.
Collymore est arrivé avec une quinzaine de kilos en trop et il n’a jamais pu les perdre

Pourquoi les résultats n’ont finalement pas été à la hauteur des attentes, avec une relégation en 2001 ?

FR : Le but était de concurrencer les grosses écuries. On y arrivait en première moitié de saison. On était au niveau du Real ou du Barça avant la trêve hivernale, parfois même devant. Après les vacances, le souci, c’est qu’on avait pas mal de Brésiliens qui repartaient chez eux et qu’on ne retrouvait plus (rires). L’équipe était un peu diminuée, fatiguée, et on plongeait tout le temps.
FD : Lors de la deuxième saison, je crois qu’à la trêve, on est septièmes, mais je ne sais pas si c’est le club ou Antić qui fait venir pas mal de joueurs. Ça a modifié pas mal l’équipe et un peu retourné le vestiaire. Finalement, ça se passe mal, et on descend sans jamais avoir été relégables pendant l’année. On avait une équipe assez soudée, c’est ça qui est dommage, car ça a été un peu mis en l’air par un changement dans l’équipe qui a tout modifié.

Un des faits marquants de votre aventure là-bas, c’est la signature de Stan Collymore en janvier 2001, à la surprise générale…

FR : Lui, il m’a marqué ! C’est moi qui l’ai accueilli, car j’étais l’un des seuls à parler anglais. À l’époque, je roulais avec une vieille Mini cabriolet d’où sa tête dépassait parce qu’il était assez costaud. Mais il n’avait déjà plus la tête au football. Il est arrivé avec une quinzaine de kilos en trop et il n’a jamais pu les perdre. Oviedo était une ville un peu mouvementée, ça bougeait pas mal, et il avait du mal à rester à l’hôtel. FD : Ça a mis un peu le bazar. C’était un pari du club, mais surtout du coach, j’ai l’impression. Il a voulu faire venir un nom, qui avait joué dans pas mal de grands clubs. Il est arrivé hors de forme, mais malheureusement, le coach l’a mis dans l’équipe pendant une longue période, sans que ça marche bien. Ce n’est pas quelqu’un qui faisait franchement les efforts, donc ça a mis un peu le bazar dans l’équipe. Ça a plombé un peu la bonne dynamique qu’on avait.

Être deux Français dans l’effectif vous a facilité la vie ?

FR : Oui, ça nous a aidés, surtout Fred pour se fondre dans le groupe. C’était un plaisir de retrouver un Auxerrois. C’est toujours bien d’avoir un ancien coéquipier avec soi. Ça m’a apporté aussi. En plus, il jouait derrière avec moi, donc ça tombait bien.FD : Dans le choix du club, j’avais appelé Franck un peu avant, et il m’avait tout décrit. Je ne parlais pas espagnol, donc il m’a beaucoup aidé. C’est sûr qu’avoir un Français dans l’équipe a joué dans mon choix.
Aragonés nous a dit : « Ce soir, il y aura une amende pour les joueurs qui restent à l’hôtel ! »

Quel est le meilleur joueur que vous ayez affronté en Liga ?

FR : Je crois que c’est Figo, même si je n’ai pas été très tendre avec lui. C’est le joueur qui m’a le plus marqué. Il avait beaucoup de classe, il était très intelligent. Il a joué une saison à Barcelone quand je suis arrivé, et après, je l’ai retrouvé au Real Madrid. Et puis, il y a eu aussi Jocelyn Angloma, qui enchaînait les très bonnes saisons avec Valence. J’avis plaisir à le retrouver, mais il me donnait du fil à retordre aussi. FD : Celui qui m’a le plus fait souffrir, c’est Munitis. Il m’avait « retourné » , il m’avait tout fait ! On jouait à trois derrière, je jouais central droit, et avec sa taille et ses crochets, il m’avait fait très mal. On a aussi eu la chance de jouer contre Raúl, Rivaldo, tous ces grands joueurs-là. Raúl n’était pas impressionnant, on ne le voyait pas trop dans le match, mais il finissait toujours par marquer. C’est ça les grands joueurs ! On a eu de la chance pendant deux ans de jouer dans de beaux stades et contre de grandes équipes.

Avez-vous vécu à Oviedo des choses qu’il était impossible de voir en France à l’époque ?

FR : Un jour, on s’est sauvé à Séville lors d’un des derniers matchs du championnat. On devait absolument prendre les trois points là-bas, et ça tombait pendant les ferias. Avant le match, Luis Aragonés nous a mis à l’aise avec son discours habituel. On était très motivé, on voulait absolument sauver le club. Et au retour à l’hôtel, après le dîner, il s’est levé, il a discuté deux minutes avec le président et il nous a dit : « Ce soir, il y aura une amende pour les joueurs qui restent à l’hôtel ! » On devait profiter de la vie et j’ai trouvé ça super. Je crois que les Espagnols ont tout compris. Les entraîneurs ne s’occupent pas trop de ce qui se passe en dehors du terrain, mais ils veulent qu’on donne tout pendant le match. Ils savent qu’on est professionnels, mais les préparations de matchs, c’était un peu aux horaires espagnols. On faisait des repas de groupe le vendredi soir, avec l’apéro qui commençait à 22h30, alors qu’on jouait le Real Madrid à 17h le dimanche. Ça ne serait jamais arrivé à Auxerre.
FD : Moi, ce qui m’impressionnait, c’était le dimanche, voir toutes ses familles aller au stade, des grands-parents aux petits-enfants, main dans la main, sans débordements. Le match, c’était le rendez-vous du dimanche après-midi, de toute la famille. C’était vraiment beau à voir.
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